Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Chine (suite)

Ces paradoxes ont suscité beaucoup de commentaires qui sont plus ou moins satisfaisants, car nous ne connaissons pas les raisonnements de Hui Shi, et les paradoxes ne semblent pas homogènes. Certains ont un intérêt scientifique, d’autres un intérêt philosophique. Certains traitent de la relativité du temps, d’autres de l’espace, etc. Seule la première proposition est une définition formelle du Grand Un et du Petit Un.

Le cas de Gongsun Long (Kong-souen Long) [284-259 av. J.-C.] est différent. Non seulement son intention est plus claire, mais nous possédons le livre Gongsun Longzi, qui, bien qu’étant une compilation tardive, n’en reste pas moins un précieux document de cette école.

Ses célèbres propositions paradoxales sont les suivantes :
1. Le cheval blanc n’est pas blanc ;
2. La blancheur et la dureté de la pierre sont séparées.

La première proposition est établie par l’analyse des termes cheval blanc et blanc. Les deux termes n’ont ni la même connotation, ni la même extension, donc l’un ne peut être l’autre.

Dans la deuxième proposition, la blancheur et la dureté sont aussi deux notions indépendantes ; mais Gongsun Long ajoute une preuve épistémologique : « La vue ne nous donne pas ce qui est dur, mais seulement ce qui est blanc et en cela il n’y a rien de dur. Le toucher ne donne pas ce qui est blanc, mais seulement ce qui est dur, en cela il n’y a rien de blanc. »

Séparer le nom du réel, donner au nom une réalité conceptuelle sont une contribution positive de cette école.


L’école des éclectiques (za jia) [tsa-kia]

Le mot za (tsa) signifie en chinois « mélanges ». En effet, cette école emprunte des idées aux confucianistes et aux mohistes, et cherche à concilier l’école des noms et l’école des légistes.


Histoire et philosophie

La Chine, protégée au nord et à l’ouest par de vastes déserts et des steppes, au sud-ouest par la chaîne de l’Himālaya et à l’est par l’océan, est tout un continent. Entre ses deux grands fleuves, le Huanghe (Houang Ho) et le Yangzijiang (Yang-tseu-kiang), le peuple chinois élabora depuis le début de l’histoire de l’humanité, un peu en vase clos, une civilisation originale.

L’introduction du bouddhisme au ier s. de notre ère, par des routes longues et difficiles, apporte des éléments spirituels nouveaux. Le peuple chinois sut tirer profit de cet apport : le bouddhisme, assimilé, prit un aspect authentiquement chinois. Par deux fois, le peuple Han, principal artisan de cette civilisation, fut vaincu et se trouva pendant plusieurs siècles sous la domination d’un peuple étranger : les Mongols et les Mandchous ; mais, chaque fois, le peuple étranger se sinisa, et la civilisation chinoise poursuivit son développement malgré les péripéties politiques et militaires.

Puis vint la rencontre avec la civilisation occidentale. La connaissance de la culture occidentale remonte à la fin du xvie s. avec l’arrivée des Jésuites, parmi lesquels le plus important fut Matteo Ricci (1552-1610), qui, tout en essayant d’introduire le christianisme, enseignait les mathématiques, l’astronomie, la cartographie. Ces sciences ont suscité un vif intérêt parmi les lettrés. Malheureusement, en 1704, la curie romaine condamne la méthode jésuite, qui respecte certains aspects de la culture chinoise. La condamnation provoqua la colère de l’empereur Kangxi (K’ang-hi) et l’hostilité des Chinois ; elle mit fin à ce premier contact fructueux.

À partir du xviiie s., devant l’expansion des pays européens, commence une période de rude épreuve. La supériorité industrielle, économique et militaire de l’Europe mit rapidement la civilisation chinoise en danger. Entre 1839 et 1911, la Chine a perdu un grand nombre de guerres. Après ces désastres, une réforme a été tentée par Kang Youwei (K’ang Yeou-wei, 1856-1928) et Liang Qichao (Leang K’i-tch’ao, 1873-1929). Kang rêvait de donner à la Chine une monarchie constitutionnelle et de fonder une Église confucianiste. La réforme fut un échec. La révolution de 1911 renversa l’Empire mandchou, mais la lutte contre le féodalisme et contre l’impérialisme complice dura encore longtemps. Après huit ans de guerre de résistance (1937-1945) contre le Japon et trois ans de guerre civile, un État socialiste s’établit en Chine (1949).

Vers la fin du xixe s., les Chinois croyaient que la supériorité des Occidentaux résidait dans leurs canons et leurs navires de guerre, et que, dans le domaine de l’esprit, la culture chinoise était supérieure. Peu à peu, ils découvrirent la philosophie occidentale et les sciences naturelles. Dès le début du xxe s., Yan Fu (Yen Fou, 1854-1921) traduisit en chinois Évolution et éthique de Thomas Huxley, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations d’Adam Smith, Étude de la sociologie de Herbert Spencer, l’Esprit des lois de Montesquieu, etc. En 1919, ce fut le « Mouvement du 4 mai ». Une littérature moderne, inspirée des auteurs occidentaux, prend son essor ; les sciences, enseignées dans toutes les universités, prennent aussi racine. Dans le domaine de la philosophie, on introduit toutes sortes d’idées nouvelles : le pragmatisme américain, l’idéalisme allemand, l’empirisme anglais ainsi que Comte et Bergson. Certains philosophes occidentaux, tels que John Dewey et Bertrand Russell, visitèrent la Chine et y enseignèrent. Parmi les philosophes chinois, un Feng Youlan (Fong Yeou-lan) tenta de renouveler le confucianisme.


Aujourd’hui

Sur le plan de la culture, la position du régime actuel est ainsi exprimée par Mao Zedong (Mao Tsö-tong) : « La Chine d’aujourd’hui est une étape de la Chine de l’histoire. Nous sommes des marxistes historiques et nous ne devons pas couper l’histoire en tranches isolées. De Confucius à Sun Yat-sen, nous devons faire un bilan, garder ce précieux héritage. » Mais, cependant, des attaques très sévères furent lancées contre le taoïsme et le bouddhisme en tant que « religion, opium du peuple ». Enfin, depuis 1974, une vive campagne s’est développée contre le confucianisme, accusé de servir de base idéologique aux complices de Lin Biao (Lin Piao). Le principal souci des Chinois d’aujourd’hui est bien plus de savoir comment se débarrasser d’une tradition lourde et gênante que d’être fidèles à l’image du passé : ils veulent être au-delà de ce qu’ils ont été, être ce qu’ils n’ont jamais été.