Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Chine (suite)

Or le recensement de 1953 révèle un taux de natalité qui reste élevé (37 p. 1 000) et un taux de mortalité qui n’est plus que de 17 p. 1 000 ; l’écart est allé en s’accentuant (respectivement 34 p. 1 000 et 11 p. 1 000 en 1957). Ainsi, la population chinoise s’accroît-elle de 15 à 20 millions d’individus chaque année (chiffre supérieur à celui de la population des Pays-Bas, par exemple). Une évaluation officielle chinoise avance le chiffre de 646 530 000 habitants en 1957. En 1970, les chiffres fournis oscillaient entre 697 et 800 millions. À partir de cette dernière évaluation, on a prévu que le milliard serait atteint en 1980, ce qui représentera alors le quart de la population mondiale. Une telle accélération de la croissance démographique procède du phénomène général de réduction de la mortalité dans les pays du tiers monde depuis la Seconde Guerre mondiale, mais le phénomène a été accentué en Chine, où une action massive a été entreprise par le nouveau régime pour venir à bout des grands fléaux traditionnels, notamment par le développement généralisé de l’hygiène et de la médecine préventive (ce qui se traduit en particulier par la réduction du taux de mortalité infantile de 200 à 109 p. 1 000 ; à 34 p. 1 000 dans les villes), et par la maîtrise des calamités naturelles (sécheresses [famines] et inondations), faisant des millions de victimes.

Cette croissance accélérée n’a pas manqué d’attirer l’attention des autorités dès 1954, date à laquelle la question fut soulevée devant le Congrès national du peuple, et, en mars 1957, le ministre de la Santé publique annonça officiellement l’adoption d’une politique de contrôle des naissances, qui fit l’objet d’une gigantesque campagne à travers tout le pays au cours de cette même année. Dans le même temps, le professeur Ma Yinchu (Ma Yin-tch’ou), président de l’université de Pékin, exposait sa Nouvelle Théorie de la population, où, tout en réfutant nettement les thèses malthusiennes, il s’efforçait de démontrer la nécessité d’un contrôle de la croissance démographique, dans les conditions particulières de la Chine, cela contrairement aux conceptions marxistes classiques.

Mais la campagne entreprise en mars prend fin brusquement avant la fin de l’année 1957, tandis que le professeur Ma Yinchu est vivement désavoué. C’est alors le « grand bond en avant » de 1958, qui, par une mobilisation totale de la main-d’œuvre, permet aux autorités de montrer que la Chine risque de souffrir non pas d’un surpeuplement, mais d’un manque de bras. Dès juin 1957, Mao Zedong (Mao Tsö-tong) déclare : « Nous avons une population de six cents millions d’habitants, c’est un fait et c’est aussi notre richesse. »

Les graves difficultés économiques des années 1960-61 et l’effacement des thèses maoïstes font resurgir le problème démographique. À partir de 1962, on encourage de nouveau officiellement le contrôle des naissances, mais sous des formes très différentes de celles de 1957 : ce n’est pas qu’il y ait une quelconque menace de surpeuplement en Chine, mais, dans l’intérêt même de la mère et des enfants, on recommande aux familles de se limiter à trois enfants et l’on préconise aux hommes de retarder jusqu’à la trentaine et aux femmes jusqu’à vingt-sept ans l’âge du mariage, leur permettant ainsi de se réaliser pleinement et de se consacrer totalement au développement de l’économie nationale.

La « révolution culturelle » n’a pas remis en cause tous ces principes, dont les effets semblent limités encore à la population urbaine.

La pyramide des âges traduit d’une façon saisissante la grande jeunesse de la population, où les moins de dix-huit ans comptent pour 41,1 p. 100 (28 p. 100 en France) et représentent l’équivalent de l’ensemble de la population de l’Union soviétique.

On peut estimer que l’agriculture occupe plus de 70 p. 100 de la population active, dont le reste se répartit ainsi en 1957 : industrie et mines, 38 p. 100 ; construction, 4 p. 100 ; transports, 14 p. 100 ; commerce, 24 p. 100 ; fonction publique et services, 20 p. 100.


La répartition géographique

Les quatre provinces les plus peuplées groupent plus de 260 millions d’habitants, sur environ 1 million de kilomètres carrés au total, tandis que les quatre dernières en totalisent moins de 25 millions, sur près de 5 millions de kilomètres carrés. Cet exemple illustre l’extrême inégalité du peuplement de l’espace et, en premier lieu, le contraste vigoureux entre deux domaines qui s’étendent de part et d’autre d’une grande diagonale marquée du nord-est au sud-ouest par le Grand Khingan, les plateaux de lœss, les Alpes du Sichuan (Sseu-tch’ouan) et les plateaux du Yunnan (Yun-nan) : à l’ouest et au nord, 10 p. 100 environ de la population chinoise vivent sur les deux tiers du territoire, tandis que le tiers oriental en regroupe 90 p. 100.

Mais — et c’est un autre trait fondamental de la géographie de la population —, dans la « Chine peuplée » elle-même, une opposition tout aussi vigoureuse apparaît entre les plaines et les vallées, densément occupées, et les régions plus accidentées, fort peu peuplées. Ainsi, en réalité, quatre régions regroupent à elles seules plus des deux tiers de la population chinoise : la Grande Plaine du Nord, avec plus de 150 millions d’habitants sur près de 400 000 km2 ; les plaines du moyen et du bas Yangzijiang (Yang-tseu-kiang), avec environ 130 millions d’habitants sur quelque 270 000 km2 ; le Bassin rouge du Sichuan (Sseu-tch’ouan), avec environ 60 millions d’habitants sur 200 000 km2 ; les plaines et vallées de la Chine méridionale, avec 30 à 40 millions d’habitants, dont le quart environ dans le seul delta de Canton (12 000 km2).

Une telle répartition se traduit par des densités très élevées et de plus en plus fortes du nord au sud : 400 habitants au kilomètre carré en moyenne dans la Plaine du Nord, de 400 à 600 dans les plaines du Yangzijiang, 1 000 dans la plaine de Chengdu (Tch’eng-tou), au Sichuan.