Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Chine (suite)

C’est surtout à la fin du iiie s. que les conquêtes se font plus nombreuses. Le futur Qin Shi Huangdi (Ts’in Che Houang-ti) [Qin le Premier Empereur, 221-210] prend le pouvoir à Qin et détruit successivement les États de Han, de Zhao (Tchao), de Wei et de Chu (Tch’ou) ; Qi (Ts’i), le pays le plus à l’est, tombe en 221. Qin Shi Huangdi pousse alors des expéditions plus lointaines dans des régions encore considérées comme barbares : au nord-est, il va jusqu’en Corée ; au nord, il combat en 215 les Xiongnu (Hiong-nou), population nomade apparentée aux Huns, qui formaient une puissante confédération ; pour les arrêter, il entreprend, à partir des remparts déjà dressés par les petites principautés nordiques, la construction de la Grande Muraille, qui, pendant plusieurs siècles, sera la ligne de démarcation septentrionale de l’Empire chinois ; vers le sud, il lance quatre armées, qui se rejoignent près de l’actuelle Canton et poussent dans le nord de l’actuel Viêt-nam.

La conquête de l’espace une fois terminée, il entreprend, tâche gigantesque, l’unification politique et la centralisation administrative de tous les pays chinois. Il supprime tous les fiefs, toutes les principautés locales et démantèle la noblesse, dont il confisque les armes. Il crée trente-six commanderies, ou jun (kiun), placées sous la direction de fonctionnaires amovibles. Afin de contrôler les régions lointaines, il fait tracer à partir de Xianyang (Hien-yang), sa capitale, située au nord-ouest de l’actuelle Xi’an (Si-ngan), un réseau de routes en étoile, à trois voies et équipées de relais ; il uniformise l’écartement des roues des chars. Il entreprend la destruction des murailles et des fortifications qui se trouvaient à l’intérieur de l’Empire, afin de supprimer tout appui possible en cas de rébellion. Les unités de mesure en usage à Qin depuis le ive s. s’appliquent désormais à tout l’Empire ; il n’existe plus aussi qu’une seule monnaie — la sapèque de cuivre —, qu’un seul type d’écriture et qu’un seul code de lois pénales et administratives. On essaie de mettre au pas les « intellectuels » récalcitrants, clients de l’ancienne noblesse, prêts à critiquer le nouvel ordre social ; les lettrés confucéens sont inquiétés, certains d’entre eux mis à mort, et l’on interdit les livres « classiques », qui, pour beaucoup, exprimaient les idéaux de l’ancienne noblesse ; seuls sont conservés les livres utiles, qui traitent de médecine, de divination, de pharmacie et d’agriculture.

L’accent est mis sur la production agricole. Le système des groupes de familles collectivement responsables est imposé à tout l’Empire. Les marchands et les artisans, qui profitent en un sens de la centralisation et de l’unification, sont au même moment les victimes de l’État, qui essaie de monopoliser les plus grosses sources de revenu ; certains sont déportés au Shănxi, au Sichuan et au Henan ; l’usage du passeport devient obligatoire, et l’on contrôle l’identité des voyageurs dans les auberges.

Effectivement, le joug que Qin Shi Huangdi fait peser paraît lourd ; les autres seigneurs supportent mal la contrainte de ses lois sévères, et les grands travaux entrepris épuisent les corvéables et ruinent le trésor (construction de la Grande Muraille). Un soulèvement populaire éclate, dirigé par Zhen Sheng (Tchen Cheng) et Wu Guang (Wou Kouang), tandis que les particularismes renaissent. En 206, le fils et successeur du Premier Empereur se voit dans l’obligation d’abdiquer, et l’on peut craindre que reparaisse l’ancienne fragmentation. Dès 202, pourtant, un homme nouveau, Liu Bang (Lieou Pang), propriétaire d’imposants domaines agricoles dans l’actuelle région du Jiangsu (Kiang-sou), parvient à faire accepter son autorité (202-195) et fonde la dynastie des Han.

L’empire des Han, qui s’étend sur presque quatre siècles (correspondant approximativement en Occident à l’essor du monde romain), est essentiellement caractérisé par un considérable progrès de l’agriculture. La fonte du fer, qu’on a vu apparaître vers 500, continue à se répandre ; on a retrouvé une soixantaine d’emplacements de hauts fourneaux au Henan, au Shandong et au Jiangsu. L’emploi quasi généralisé d’un outillage en fer efficace (haches, lames de bêches, socs de charrues) permet d’attaquer la forêt, de labourer plus profondément et de multiplier les travaux hydrauliques : creusement de canaux et de puits, endiguement du fleuve Jaune pour éviter les inondations. Dans plus d’un endroit, la technique du brûlis fait place à la culture irriguée. La production des céréales augmente et autorise un certain essor démographique ; un recensement de l’an 2 apr. J.-C. permet d’évaluer la population totale de l’Empire à plus de 57 millions d’habitants ; la population croît notamment dans les plaines du Sichuan et du bas Yangzi.

L’amélioration de l’outillage influe également sur le régime de la propriété ; on assiste à l’apparition d’une classe de grands propriétaires fonciers, qui prend la relève de la vieille noblesse. Autre bénéficiaire, la classe des marchands, qui profite de la formation d’un vaste marché intérieur, de l’unification de la monnaie et des mesures. La production artisanale est également stimulée par l’accroissement démographique et par les besoins de la Cour ; beaucoup d’ateliers dépendent directement du palais impérial ou des grandes familles ; le Sichuan est réputé pour ses laques ; les régions du Shandong, du Henan (Ho-nan) et du sud du Shănxi sont connues pour leurs soieries ; certains échantillons de soieries Han ont été retrouvés dans des tombes Xiongnu, en Asie centrale, bien conservés en raison de la sécheresse du climat. Certains ateliers emploient plus de mille ouvriers, et la division du travail est déjà très poussée.

Les premiers empereurs Han poursuivent au début une politique d’apaisement et mettent en place les instruments d’un gouvernement centralisé. Le souverain est assisté par trois conseillers et a sous sa dépendance un chancelier, une secrétairerie ainsi que plusieurs ministères. C’est à cette époque également qu’est amorcé un premier gros travail de codification ; après plusieurs remaniements, le Code des Han compte, vers 200 apr. J.-C., 26 272 paragraphes et plus de 17 millions de caractères.