Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Chine (suite)

La culture de Xiaotun (Siao-t’ouen), selon certaines analyses stratigraphiques faites au Henan, apparaît comme le dernier stade du Néolithique, précédant immédiatememt la civilisation du bronze. La poterie grise que l’on rencontre dans ces sites a pour caractéristique d’avoir été battue afin d’obtenir l’épaisseur voulue. C’est à la fin de cette période du Néolithique (2200-1800) que les annales traditionnelles situent la première dynastie de l’histoire de Chine, celle des Xia (Hia), fondée par un héros mythique, Yu le Grand, qui serait venu à bout d’un terrible déluge.


L’époque archaïque
Shang (Chang) et Zhou (Tcheou)

Vers le commencement du IIe millénaire, un phénomène capital se produit dans la Chine centrale : l’apparition de la technique du bronze. Il se peut que celle-ci soit venue d’Asie centrale, mais il est prouvé qu’elle s’est considérablement améliorée en Chine même, notamment dans la région du Henan (Honan) [sites de Zhengzhou (Tcheng-tcheou) et d’Anyang (Ngan-yang)] et dans la vallée du Wei, au Shănxi.

Avec cette « révolution technique » se précisent certaines caractéristiques de la civilisation chinoise archaïque ; c’est ainsi qu’apparaît ce qu’on a appelé la dichotomie fondamentale entre, d’une part, les nobles, habitants des cités-palais, et, d’autre part, la paysannerie, qui cultive les terres autour des murs de la ville. La forêt domine encore partout ; la culture des céréales sur brûlis ne joue qu’un rôle secondaire après l’élevage et surtout la chasse. Les outils agricoles sont encore très proches de ceux des Proto-Chinois des temps de la poterie noire (houe de pierre, bêche en bois à deux dents, couteau de forme ovale ou en demi-lune, le plus souvent en schiste). La vie des paysans ne nous est guère connue que par des fragments de légendes et des chansons populaires (traduits et étudiés par l’ethnologue Marcel Granet).

Nous connaissons mieux la vie des nobles, grâce aux fouilles qui nous ont révélé des villes entières, notamment à Anyang. Ces nobles consacraient leur temps à la chasse ou à la guerre ; ils se servaient de chars attelés à deux ou à quatre chevaux. Ce sont eux aussi qui assuraient les fonctions religieuses : culte aux ancêtres et au dieu du Sol, sacrifices, présentation d’offrandes dans des bronzes rituels. La divination, qu’on a vu apparaître dès le Néolithique, est utilisée désormais pour consulter les ancêtres, qui servent d’intermédiaires avec les puissances supérieures : des omoplates de mouton ou de bœuf, ou des parties ventrales de carapaces de tortue, dans lesquelles ont été creusées de petites cavités, sont soumises au feu, et la forme des craquelures permet d’interpréter la réponse de l’ancêtre interrogé ; certaines de ces pièces à divination qui ont été retrouvées portent des pictogrammes (les premiers rudiments de l’écriture chinoise) utilisés pour noter les questions posées aux ancêtres et parfois aussi les réponses. Depuis 1950, la découverte et la fouille systématique des tombes royales d’Anyang ont confirmé de façon éclatante la pratique des sacrifices humains (l’une d’entre elles contenait plus de trois cents squelettes) ; ces tombes recelaient par ailleurs un abondant mobilier funéraire (pierres sonores, cloches, armes et vases rituels en bronze, chars attelés de leurs chevaux).

Il ne faut cependant pas oublier qu’un pareil schéma ne vaut que pour une toute petite partie de ce qui sera la Chine. Entre ces divers noyaux de civilisation chinoise (cités-palais et proches banlieues), assez denses dans la vallée du fleuve Jaune, mais beaucoup plus clairsemés sur les confins, vivent des populations mal connues, que les Chinois considéraient comme « barbares » et qui seront peu à peu assimilées.

Les nobles reconnaissent généralement l’autorité du souverain, qui est le chef religieux (garant de l’ordre cosmique, « fils du ciel »), autant et même plus que chef politique. Les annales nous ont conservé la liste des souverains d’une dynastie Shang (dates traditionnelles : 1766-1122 av. J.-C.), qui s’est trouvée correspondre presque exactement avec celle qui a pu être dressée à partir des inscriptions trouvées à Anyang.

Vers la fin du IIe millénaire, affaiblis par des combats incessants menés contre les populations non sinisées de la région de la Huai (Houai), les Shang sont remplacés par les Zhou, venus de la région du Wei, au Shănxi. Les Zhou établissent d’abord leur capitale près du site de l’actuelle Xi’an (Si-ngan), puis, vers 750, sous la pression des « Barbares » voisins, se réfugient au Henan, près de Luoyang (Lo-yang). Xi’an et Luoyang sont deux capitales qui, pour longtemps (jusqu’au ixe s. apr. J.-C.), figureront au centre même de l’espace chinois.

Cependant, de lentes transformations sont à l’œuvre. La forêt recule peu à peu devant les brûlis collectifs, et la faune, jadis abondante, paraît se raréfier ; l’élevage est, lui aussi, en régression. Les nobles s’intéressent davantage à l’agriculture, dont l’importance augmente. Les mentalités évoluent parallèlement : à la « démesure » des Shang (hécatombe de gibier, gaspillage), qui correspond à une exubérance de ressources, succède un « ritualisme » contraignant, qui jouera dans la suite de l’histoire chinoise un rôle modérateur.

Entre la fin de l’époque Shang et le viie s., les cités-palais ont peu à peu essaimé dans toute la Chine centrale et le bassin du Yangzi (Yang-tseu). L’autorité des rois Zhou ne peut se faire sentir jusqu’aux confins d’un monde chinois si vaste. Bientôt, les cités-palais installées à proximité des chefferies barbares environnantes réussissent, par force ou par ruse, à agrandir leurs territoires ; dès le viie s., elles apparaissent comme des capitales d’États militaires et revendiquent l’hégémonie.

Aux viie et vie s., plusieurs grands royaumes retiennent l’attention : Qi (Ts’i), à l’est, dans la presqu’île du Shandong, dont la fondation remonte aux Shang et qui, dès le viiie s., a su élaborer une administration à tendance centralisatrice, se constituer une armée puissante et obtenir des ressources financières régulières (monopole du sel) ; Jin (Tsin), installé dans la vallée de la Fen (Shānxi), au contact des Barbares Di (Ti) ; Chu (Tch’ou), sur le cours moyen du Yangzi, dont la langue, les mœurs et les arts en font aux yeux des Chinois du Nord un pays quasi barbare ; plus au sud encore, dans les plaines du bas Yangzi et sur les côtes du Zhejiang (Tchö-kiang) sont les États de Wu (Wou) et de Yue, qui, aux vie et ve s., joueront un rôle important.