Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

chimie (suite)

Cet ensemble de connaissances et de doctrines, introduit en Europe avec la conquête arabe, lui survécut et s’y développa durant le Moyen Âge et la Renaissance. La chimie ne connut pas alors un essor comparable à celui de l’astronomie, de la mécanique et de l’optique ; elle resta un empirisme, les théories demeurant alchimiques. Les découvertes, cependant, s’accumulaient ou se diffusaient : l’alcool (xie s.), la poudre à canon (xiiie s.), les acides minéraux (avec la distinction des acides, bases et sels), le papier (xiiie s.), etc. Les instruments du laboratoire prenaient peu à peu des formes qui nous sont familières. La céramique se perfectionnait (Bernard Palissy*), et la pharmacopée s’étendait (Paracelse).

Des progrès décisifs survinrent au xviie s. En théorie, les qualités et les éléments aristotéliciens disparurent en faveur d’un atomisme imprécis et un peu naïf, même s’il s’insère dans un mécanisme qui ne redoutait pas la complication (Descartes*, Boyle*). Expérimentalement, la manipulation correcte des gaz (Van Helmont, Boyle, Hooke) conduisait à la découverte du gaz carbonique (air sylvestre), de l’hydrogène (gaz pingue) et de la consommation partielle de l’air dans la combustion.

On commençait également à voir la relation entre les métaux, les acides, des « chaux » (oxydes et carbonates), certains gaz et le phénomène de la combustion.

C’est alors que parut la théorie du phlogistique (Stahl) qui, si elle dérivait d’un résidu d’aristotélisme, constituait un sérieux effort de synthèse. Le phlogistique était considéré comme une substance que perdaient les corps soumis à l’action du feu. Ainsi un « métal » perdait du phlogistique lors de sa calcination en « chaux » dans l’air, mais le retrouvait aux dépens du charbon de bois réagissant sur la chaux. Le charbon de bois, brûlant pratiquement sans résidu (telle était la précision d’alors) était, en somme, du phlogistique condensé.


L’ère positive ; la révolution chimique

Après qu’on eut distingué clairement les carbonates des oxydes (Joseph Black) et découvert l’oxygène (Priestley, Scheele*), Lavoisier* osa vers 1780 éliminer le phlogistique. Il montra, par sa célèbre expérience sur l’oxyde de mercure, que les oxydes étaient des composés de métal et d’oxygène (contrairement à l’idée que le métal était un composé de « chaux » et de phlogistique). Mais surtout, utilisant pleinement l’usage, déjà courant, des pesées, il énonça la loi de conservation de la masse, la complétant par l’affirmation de la conservation des éléments. Dès lors, l’alchimie était morte et on pouvait concevoir l’existence d’un système chimique cohérent, décrit dans un langage précis et doué d’une nomenclature appropriée. Tels sont les éléments essentiels de la « révolution chimique » déclenchée par Lavoisier, dont les travaux, outre les découvertes et théories énumérées ci-dessus, comprenaient de nombreuses études de chimie appliquée, des recherches sur la respiration et les premières mesures de thermochimie. Un traité de chimie couronnait le tout.


Espèces, éléments et réactions chimiques

Toute espèce chimique se caractérise par un ensemble de propriétés qui tendent chacune vers une limite lorsque le produit en jeu est soumis à des fractionnements successifs à l’aide d’opérations « physiques » telles que la dissolution et la cristallisation, l’évaporation et la condensation, etc. Le chimiste, « mis en présence d’un nombre illimité de mélanges à propriétés variables, en fait émerger un nombre limité d’espèces pures à propriétés fixes » (André Job). Ces espèces, mises en contact dans des conditions qui laisseraient inaltérée chacune d’elles, peuvent disparaître en tout ou en partie, alors que de nouvelles espèces apparaissent : il y a eu réaction chimique. « Si le poids d’une espèce chimique augmente dans toutes les réactions chimiques qu’elle subit, cette espèce est un élément. » (Wilhelm Ostwald.)

Les définitions qui précèdent se sont dégagées, à la suite de la révolution chimique, par approximations successives, et d’abord par la conviction, établie dès le début du xixe s., que les espèces chimiques avaient une composition invariable, indépendante des circonstances de leur préparation (loi des proportions définies).

En comparant les compositions élémentaires de nombreux composés, on comprit qu’il était possible de désigner chaque élément par un symbole ayant une double signification : qualitativement, le symbole identifiait l’élément ; quantitativement, il en représentait une masse choisie de façon que de nombreuses espèces chimiques puissent se représenter par l’association des symboles des éléments constituants pris en nombre relativement petit (lois des proportions multiples et des nombres proportionnels). Tout le système peut se bâtir sans recourir à la notion d’atome. La masse associée au symbole de l’élément est dite masse équivalente. Pour un composé, la masse équivalente est la somme des équivalents des éléments constituants, compte tenu du nombre de chacun d’eux. Mais pour fixer les masses équivalentes des éléments, les chimistes de la première moitié du xixe s. se trouvèrent devant des ambiguïtés qu’ils résolurent de leur mieux, à l’aide de critères de simplicité et en utilisant certaines régularités dont l’explication ne devait apparaître que plus tard. La simplicité pouvait induire en erreur : fallait-il représenter l’eau par OH, ce qui était plus simple que OH2 ? On admit que le produit de la chaleur massique des éléments solides par leur masse équivalente est constant (loi de Dulong et Petit). La découverte qu’à température et sous pression normales les masses équivalentes des éléments gazeux et de leurs combinaisons gazeuses occupent, à un multiple simple près, le même volume (loi de Gay-Lussac*) fournit un nouveau moyen de choix.


L’atomisme chimique

Il remonte au début du xixe s., mais il ne fut universellement accepté que vers la fin de ce même siècle, en prenant place dans la théorie atomique générale que bâtissait la physique.