Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Chicago (suite)

À la même époque, l’Elevated, ou L, va accélérer l’expansion de la ville. Les chemins de fer permettaient déjà des déplacements rapides vers le centre, mais l’Elevated électrique assurait une desserte plus fréquente de stations plus nombreuses. En 1900, le réseau irrigue le South Side jusqu’au parc Jackson (où s’est tenue l’Exposition universelle), le West Side jusqu’aux limites de la ville et le North Side jusqu’à l’avenue Wilson ; la ligne du nord atteindra Evanston en 1908 et Wilmette en 1912. Près de leur point de départ, les diverses lignes forment une boucle : le Loop est aujourd’hui synonyme de centre. La progression de l’Elevated fut accompagnée d’une frénésie de spéculation et de construction.

Après la Première Guerre mondiale, de nouvelles industries (sidérurgie, raffineries de pétrole, construction mécanique et électromécanique) s’installent sur le pourtour de l’agglomération en dessinant une ceinture industrielle particulièrement large au sud et au sud-est. Chicago devient un grand centre de transports routiers. L’étendue urbanisée et l’effectif de la population suivent le rythme effréné du développement industriel et commercial qui ne connut quelque répit que pendant les années 1930 et les périodes de récession récentes. La ville est saturée dans ses limites municipales :
1920 2 701 705 habitants ;
1930 3 376 438 habitants ;
1940 3 396 808 habitants ;
1950 3 620 962 habitants ;
1960 3 550 404 habitants ;
1970 3 366 957 habitants.

Mais la zone suburbaine a progressé très vite et compte maintenant plus d’habitants que la ville. La population de l’aire métropolitaine consolidée (c’est-à-dire avec la partie située en Indiana) s’élevait en 1966 à 7,3 millions, soit près de la moitié de celle de l’Illinois et de l’Indiana réunis. Cette population comprend une forte proportion d’Américains de fraîche date. Depuis la Première Guerre mondiale, les Noirs arrivent en grand nombre : 109 000 en 1920, 278 000 en 1940, 813 000 en 1960.


L’agglomération actuelle

Le Loop est au centre de l’immense damier qui couvre Chicago et ses faubourgs : ici se croisent State Street et Madison Street, base lines de la désignation cardinale et numérique des voies (quoique la plupart aient un nom propre). C’est aussi le centre de direction (Central Business District, ou CBD) : hôtel de ville, banques, sièges sociaux des firmes industrielles et commerciales et des journaux. Pour une agglomération aussi vaste, le centre est trop petit ; malgré une expansion dans les quartiers voisins (au-delà de la rivière, dont le franchissement est souvent interrompu par le passage des navires), il a dû se hérisser de gratte-ciel pour échapper à l’asphyxie.

Autour du Loop, le vieux Chicago, celui de 1870, comprend des quartiers où résidences, industries et voies de communication sont étroitement imbriquées. Ils ont souvent un caractère ethnique prononcé : Allemands et Scandinaves dans le North Side éloigné, Italiens dans le West Side et le Near North Side (Little Sicily), Polonais en masses compactes près des branches nord et sud de la rivière et au sud-ouest des Stockyards, juifs dans le Near West Side. Les modestes maisons de briques sombres de ces vieux quartiers, noyées parmi les usines et les entrepôts, occupées par les derniers immigrants et la main-d’œuvre la plus pauvre, sont souvent tombées à l’état de taudis. Les Noirs s’entassent à l’écart des immigrés dans de véritables ghettos (Black Belt du South Side, abords de la rivière et des gares de triage) ; les quartiers noirs proches du centre sont de plus en plus surpeuplés par suite des opérations de rénovation urbaine au profit du CBD, qui les réduisent à une peau de chagrin. La périphérie des vieux quartiers est soulignée par de larges boulevards et des parcs ; de même, la rive du Michigan a été aménagée sur 25 km en espaces verts, en partie gagnés sur le lac. Quelques-uns des plus beaux ensembles architecturaux se trouvent en bordure de ces parcs (hauts édifices du Loop dominant le parc Grant, université de Chicago sur Midway Plaisance).

Au-delà de la ceinture s’étendent des quartiers résidentiels, dans lesquels la maison individuelle est de règle, son style et les dimensions du terrain qui l’entoure variant selon les niveaux sociaux. D’anciens villages situés au-delà des limites municipales sont devenus des faubourgs populeux sans solution de continuité avec Chicago. Au nord, Evanston (79 300 habitants), Skokie (67 900) et Park Ridge (35 400) sont surtout résidentiels, de même que Berwyn (54 200), Maywood (27 300) et Oak Park (62 000) à l’ouest, tandis que Cicero (70 600), entre ces villes et Chicago, a surtout une fonction industrielle ; résidence et industrie se partagent Elmhurst (41 000).

La banlieue comprend d’abord, dans l’Indiana, les villes industrielles de Gary (185 800), Hammond (112 700) et East Chicago (57 700), puis, dans l’Illinois, une ceinture industrielle formée par Waukegan (58 700), Elgin (51 400), Aurora (66 700), Joliet (69 800) et Chicago Heights (34 300). L’urbanisation linéaire diffuse atteint Milwaukee (1 331 000), principale ville du Wisconsin.

Chicago dans les États-Unis

De son essor si rapide, du mélange des populations, de son activité fébrile, Chicago tire un orgueil un peu naïf. Tout est ici le plus grand et le plus beau du monde, même l’incendie de 1871, qui détruisit les deux tiers de la ville. Des journaux comme le Tribune et le Daily News (fondés l’un en 1847, l’autre en 1876) diffusent les opinions de la ville. La World’s Columbian Exposition célèbre plus, en 1893, l’orgueilleux triomphe de Chicago que le 400e anniversaire de la découverte de l’Amérique. Pourtant, Chicago n’est pas seulement un centre d’affaires. Vers 1880-1910, une école d’architecture inventa de nouvelles formes, parmi lesquelles le gratte-ciel, bientôt imité par New York. Les ingénieurs changent le cours de la rivière pour assainir la cité. Les musées, l’auditorium ouvert en 1889, l’orchestre symphonique, l’université fondée par John D. Rockefeller en 1892 éveillent la métropole à la vie de l’esprit.