Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Chartreux (suite)

Cet esprit, saint Bruno le définit lorsqu’il rappelle à Raoul le Verd l’instant éblouissant de leur vocation : « Alors, brûlant d’amour divin, nous avons promis, fait vœu, décidé de quitter prochainement les ombres fugitives du siècle, pour nous mettre en quête des biens éternels. » Tout l’esprit de la chartreuse est là. Lansperge, prieur (1530-1534) de la chartreuse de Cantave, dans le duché de Juliers, définissait ainsi la vocation cartusienne : « T’abstraire de toutes les choses où on ne cherche pas l’honneur de Dieu, afin de vivre pour le seul Bien Suprême, c’est-à-dire pour ton Dieu, et de vaquer à Lui. »

Autant du moins que le permettent les forces humaines. Bruno avait cinquante-cinq ans lorsqu’il monta au désert de Chartreuse ; il y apportait une expérience et une sagesse qui le protégeaient de toute illusion. S’il percevait les avantages — immenses — de la solitude contemplative, il en connaissait aussi les dangers. L’ermitage, à ses yeux, devait être tempéré par des éléments de vie cénobitique : son ermite, seul en cellule, vivrait en monastère avec des compagnons qui partageraient son idéal. Et Bruno sut équilibrer si bien toutes choses que, loin de nuire à l’ermitage, la vie commune le servirait et le favoriserait.


L’existence des chartreux

Une chartreuse s’implante au désert, et elle comporte un petit nombre de moines : « Treize », disait Guigues dans les Coutumes, aidés par « seize convers ». Des limites du désert, le prieur ne doit pas sortir. Le monastère comprend des « cellules », une pour chaque ermite. La cellule est une maisonnette, à laquelle est adjoint un jardinet. Là, sauf les dimanches et fêtes, le chartreux prie, mange, dort, travaille. Il n’en sort que pour se rendre chaque jour à l’église pour la messe, les matines, les laudes et les vêpres, et, le dimanche, au réfectoire et à la récréation commune. Chaque semaine, il va, avec ses frères, se promener longuement hors du monastère, dans la campagne ou la montagne.

Les frères habitent à quelque distance du monastère, auprès des ateliers, des granges, des étables, etc. : ils ont là cellules et église ; mais le samedi soir et les veilles de fête, ils montent au monastère jusqu’aux secondes vêpres du jour suivant pour participer aux offices des pères.

L’horaire de la journée cartusienne se partage entre trois activités fort inégales : la prière, l’étude, le travail manuel. Homme de la prière, le chartreux lui consacre sept heures par jour, dont trois au milieu de la nuit, entre deux sommeils.

L’étude a été tenue en grande estime par les chartreux dès les origines de l’ordre. Bruno lui-même était « maître » en sciences sacrées et, de Calabre, il se réjouissait d’habiter « avec mes frères religieux dont certains sont pleins de science ». Malgré les nombreux ouvrages qu’ils ont traduits, composés, édités, les chartreux n’étudient ni pour savoir, ni pour publier, mais d’abord pour fournir à leur oraison une nourriture solide.

Le prieur, en chartreuse, est primus inter pares : il dirige des frères, ses égaux, « dont il est le serviteur et non point le maître ». Élu par les profès de la maison, ou nommé par le chapitre général ou le père général, il est responsable devant le chapitre général, à qui il remet chaque fois sa démission et qui le renomme ou le destitue de sa charge. En chartreuse, il n’y a ni abbé ni bénédiction abbatiale.

Le prieur de Chartreuse, quoique général de l’ordre, n’échappe pas à la loi commune des prieurs. D’ailleurs, ce n’est pas lui qui détient l’autorité suprême, c’est le chapitre général, qui se réunit à présent tous les deux ans. C’est à sa simplicité rigoureuse et souple que l’ordre doit son étonnante stabilité.

Il existe des moniales chartreuses depuis le xiie s.

Un mot cher à Bruno, à Guigues et à tous les auteurs chartreux résume la vocation cartusienne, son esprit, son histoire, son accomplissement, son climat, c’est le mot latin quies. Le quies est quelque chose de plus total et de plus intime que le « repos », c’est un « loisir bien rempli », un équilibre « dans une action tranquille », dit Bruno, quelque chose à la fois de fort et de doux, une certitude et une joie. Christo quietus (Guigues) : ce mot dit tout.

A. R.

➙ Monachisme / Ordres religieux.

 La Grande-Chartreuse par un chartreux (Côte, Grenoble, 1881 ; 11e éd., Grande-Chartreuse, 1968). / F. A. Lefebvre, Saint Bruno et l’ordre des Chartreux (Libr. de l’Œuvre Saint-Paul, 1885 ; 2 vol.). / E. Baumann, les Chartreux (Grasset, 1928). / L’Ordre des Chartreux (Grande-Chartreuse, 1950). / La Grande-Chartreuse (Arthaud, 1950). / Amour et silence (Éd. du Seuil, 1951). / G. Bideau, Saint Bruno, fondateur de l’ordre des Chartreux (E. I. S. E., Lyon, 1958). / Aux sources de la vie cartusienne (Grande-Chartreuse, 1960 ; 3 vol.). / A. Ravier, Saint Bruno, le premier des ermites de Chartreuse (Lethielleux, 1967).

chasse

Action de guetter ou de poursuivre les bêtes pour les capturer ou les tuer.



Origines

On peut penser qu’avant de chasser l’Homme a « ramassé », cueilli et péché. Les premières armes de chasse — et de guerre —, des pierres éclatées au feu et nommées coups-de-poing, datent du Paléolithique inférieur. Les sédiments dans lesquels a été découvert l’Australopithèque contiennent aussi de nombreux restes pétrifiés d’animaux sauvages, peu différents de ceux qui habitent encore l’Afrique. Il est donc possible de penser que, parfois, les Australopithèques tuaient un girafon ou une Gazelle avec quelques cailloux bien lancés, et qu’ils furent ainsi les premiers chasseurs connus à ce jour.

Par la suite, lentement, de millénaire en millénaire, l’armement de l’Homme s’est perfectionné. Nous savons que furent inventés et utilisés des bâtons de jet, des propulseurs à javeline, des javelots, des frondes, des boomerangs, en même temps que servaient les pièges, les collets, les filets, les lassos et les bolas, et aussi ce piège en forme de roue à rayons aigus ne se rejoignant pas au centre. Les aborigènes d’Australie en étaient encore à ces stades de la chasse quand fut découvert leur continent.