Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

charpente (suite)

Charpente triangulée

Elle est fondée sur les mêmes principes classiques que la charpente industrielle métallique : systèmes géométriques formés de pièces assemblées en triangles accolés, barres concourantes aux nœuds, assemblages articulés permettant autant que possible la rotation des barres, charges appliquées uniquement sur les nœuds. Primitivement, la charpente triangulée a été une adaptation plus ou moins réussie, tenant à la fois des procédés anciens et des méthodes nouvelles. Actuellement, par ses formes comme par ses modes d’assemblage, elle répond assez bien aux lois qui la régissent. En matière d’assemblage, on est passé des chevilles aux boulons (charpentes boulonnées), puis aux clous et aux broches (charpentes clouées), enfin aux organes de liaison et d’assemblage plus perfectionnés. Les principes de la triangulation permettent la réalisation de nombreux types d’ouvrages : poutres droites, fermes droites de formes diverses, portiques, pylônes, cintres, échafaudages, ossatures de tout genre. L’élément de la charpente est la pièce droite de faible équarrissage, qui entre dans la composition du « treillis ». Au contraire de la charpente traditionnelle, la charpente triangulée n’utilise qu’un faible volume de bois au mètre carré couvert. Elle est en effet, par nature, indéformable et calculable par des procédés simples de statique graphique ou de résistance des matériaux. Elle peut être étudiée en bureau d’études, réalisée industriellement et répondre à tous les problèmes de charge et de portée. Par exemple, les poutres droites composées en treillis permettent de franchir des portées de l’ordre de quinze à vingt fois leur hauteur, avec un poids au mètre courant relativement minime. Les fermes en treillis donnent également une bonne solution aux problèmes des bâtiments industriels à portées comprises entre 15 et 25 m. Les fermes à deux et à trois articulations permettent de couvrir des surfaces plus importantes, avec de forts dégagements sans appuis. Les portiques constitués par piédroits et poutres droites, les arcs à grande portée (de 25 à 50 m) entrent également dans les applications directes de la construction à treillis. Celle-ci peut être remplacée par des systèmes dits « à âme pleine », constitués par des planches jointives placées obliquement. De ce principe dérivent les poutres droites et les fermes à âme pleine ou bien à treillis renforcé par âme pleine dans les régions de forte concentration des contraintes de cisaillement.

La charpente à treillis est de construction facile ; elle se prête bien à la fabrication en série, car elle emploie des bois d’équarrissage courants, faciles à scier et à usiner. À côté des réalisations à moyenne et même à grande portée, on trouve fréquemment sous le nom de fermettes des fermes de petite portée (de 5 à 10 m), construites en série et livrées prêtes à poser comme des éléments de construction économique, pour la couverture de maisons individuelles, de pavillons ou de petits bâtiments. Très utilisées aux États-Unis, ces fermettes sont disposées à intervalle réduit et souvent supportent directement la couverture sur liteaux ou sur lattes, sans intervention des chevrons. Les organes d’assemblage utilisés dans ce cas sont soit les clous (fermettes clouées), soit des plaques d’assemblage que l’on serre au moyen de presses spéciales.


Autres structures

À côté de ces systèmes courants, la charpente en bois en offre beaucoup d’autres plus ou moins répandus. Vers 1550, Philibert Delorme créa un type de charpente en voûte continue formée d’arcs en lames de bois placées de chant et chevillées entre elles. Le colonel Emy, vers 1825, construisit des arcs en planches courbées et superposées, à plat, dont il existe encore quelques exemplaires et dont le principe a été repris sous le nom de charpente agglomérée, devancière de la charpente lamellée-collée. La charpente en lamelle, en voûtes autoportantes formées d’un réseau de planches découpées, les « lamelles », est un système original utilisé parfois pour des constructions de halls industriels, de salles de sport, d’églises, car elle possède un effet décoratif très marqué en même temps que de grandes possibilités d’augmentation des volumes disponibles (combles, hangars de stockage).

Parmi les structures nouvelles figurent enfin les applications modernes du contre-plaqué dans la charpente. Les poutres droites à âme pleine constituée de panneaux contre-plaqués, les poutres à caisson, à section rectangulaire ou triangulaire, les fermes et portiques à âme pleine en contre-plaqué sont des exemples de réalisations de ce genre. Le matériau à utiliser doit être un contre-plaqué de construction, épais, de qualité extérieur, c’est-à-dire collé au moyen de colles résistant à l’humidité et aux intempéries. Le hêtre se prête bien à ces fabrications s’il est hydrofugé et traité.


Charpente collée

En Suisse d’abord, puis en Allemagne, en Suède et aux États-Unis, des tentatives, d’abord isolées, puis de plus en plus nombreuses, d’utilisation de la colle dans les assemblages de charpente ont abouti à des réalisations maintenant très courantes. En France, ce fut seulement en 1950 que le collage fut adopté comme mode d’assemblage. Celui-ci ne permet pas la reconstitution des systèmes de la charpente classique, mais il peut fournir des solutions élégantes et nouvelles à de nombreux problèmes. La charpente triangulée est l’une de celles qui se prêtent le plus mal au collage. Les nœuds des systèmes où viennent s’assembler plusieurs barres concourantes sont très difficilement réalisables par ce procédé. Cependant, quelques chercheurs se sont ingéniés à trouver des modes de réalisation de ces nœuds par usinage des pièces, de manière à augmenter les surfaces de collage ; ils ont effectivement réussi à réaliser des poutres droites, des fermes ou même des portiques et des arcs où sont utilisés les principes de la triangulation et d’où sont exclus tous boulons, clous, organes d’assemblage, la colle étant le seul élément de fixation. On peut aussi, dans la technique dite « à âme pleine » avec utilisation des panneaux contre-plaqués, assurer par collage les assemblages de l’âme avec des semelles en bois massif et obtenir ainsi des charpentes formées de pièces profilées : poutres en I, poutres à caisson, etc. Actuellement, l’utilisation de la colle en charpente semble se généraliser surtout dans les systèmes lamellés-collés constitués d’éléments minces, planches ou « lamelles », superposés et collés à plat les uns sur les autres, à fils parallèles. On peut alors soit réaliser des poutres droites, soit des arcs si l’on courbe les planches suivant le rayon désiré au moment du collage. Les éléments ont une épaisseur faible (de 20 à 30 mm), une largeur de 10 à 30 ou 40 cm et une aussi grande longueur que possible. Les planches, n’ayant ordinairement que quelques mètres de longueur, sont à cet effet collées bout à bout, par entures spéciales, de manière à obtenir des longueurs suffisantes, correspondant aux dimensions de la poutre ou de l’arc. Par l’agglomération des éléments, on obtient des sections rectangulaires importantes, de forte hauteur, ou bien des sections spéciales : double T, trapèze, etc. La fabrication de ces charpentes ne peut se faire qu’en usine, à partir de bois secs, calibrés et rabotés. Après passage dans une encolleuse qui répand sur les faces de chaque élément la quantité de colle nécessaire, la mise en place des bois a lieu sur un moule constitué par un ensemble presseur qui rassemble toutes les lamelles, les cintre à la forme voulue et les soumet à la pression convenant au collage. Un des systèmes les plus simples consiste en une série de chevalets, ou « chaises », indéformables, régulièrement disposés le long d’un gabarit à la forme voulue, qui soutiennent les lamelles et constituent un appui contre lequel vont s’appliquer les presses, les vérins, les serre-joint, destinés à assurer la pression de collage. Après prise et durcissement de la colle, on retire du moule poutres et arcs, qui passent ensuite au stade du rabotage, du ponçage, du vernissage, de la finition. On obtient finalement des pièces de fortes dimensions, qu’il ne reste plus qu’à transporter sur le lieu d’utilisation et à mettre en place. On arrive ainsi, à partir de planches minces de toutes longueurs, à obtenir des poutres ou des arcs convenant à des constructions très diverses. Le lamellé-collé s’applique en effet aussi bien à des ouvrages courants, de 20 à 30 m de portée, qu’à de grandes charpentes industrielles, jusqu’à plus de 100 m.