Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Charles VI

(Vienne 1685 - id. 1740), empereur germanique (1711-1740), roi de Hongrie (Charles III) [1711-1740] et de Sicile (Charles VI) [1711-1738].


Second fils de l’empereur Léopold Ier, l’archiduc Charles était destiné à remplacer son oncle Charles II sur le trône d’Espagne. À la mort de ce dernier en 1700, et malgré le testament en faveur de Philippe d’Anjou, il part défendre ce qu’il juge être son bon droit. Élevé pour devenir roi d’Espagne, il est essentiellement le souverain des Catalans, tandis que son rival Philippe V s’installe à Madrid. Plus que le sort changeant des armes, la mort prématurée de son frère aîné, Joseph Ier (1711), modifie radicalement son destin : les puissances maritimes se soucient peu de voir reconstituée en sa personne la monarchie de Charles Quint.

Élu sans difficulté empereur en 1711, il regagne Vienne et tâche de sauver le maximum du patrimoine espagnol de la maison d’Autriche, les Pays-Bas et les possessions italiennes de l’Espagne. Pourtant, toute sa vie il nourrira la nostalgie de sa vocation première, conservant le titre de roi d’Espagne, même après le traité de Rastatt (1714), faisant construire aux environs de Vienne, à Klosterneuburg, un monastère imitant le plan de l’Escorial et s’entourant volontiers d’Espagnols.

Avec Charles VI, la monarchie autrichienne revêt plus que jamais le caractère d’une confédération d’États, aux intérêts souvent contradictoires, s’étendant des Balkans à la mer du Nord et de l’Allemagne moyenne à la Sicile. Si Joseph Ier se comportait comme un nationaliste allemand, Charles VI voit uniquement dans la dynastie et la religion catholique le seul lien pouvant unir des pays aussi divers que la Belgique et la Bohême, Naples et la Hongrie, Milan et la Silésie. Car ce qu’on est convenu d’appeler l’Autriche connaît alors sa plus grande extension à la suite de la guerre victorieuse sur les Turcs (1716-1718). Pendant une vingtaine d’années, l’Autriche jouit d’un prestige international qu’elle ne retrouvera qu’au siècle suivant avec Metternich.

La monarchie autrichienne n’en est pourtant pas particulièrement redevable à Charles VI, qui ne révèle pas des qualités extraordinaires d’homme d’État. Comme son père et tous ses prédécesseurs de la branche styrienne, c’est un homme pieux, cultivé, bon musicien. L’imagerie populaire et l’historiographie allemande lui ont préféré le Prince Eugène de Savoie, grand capitaine et bon ministre de la Guerre.

Charles VI gouverne avec l’aide d’un conseil restreint, la Conférence secrète, où les chanceliers d’Autriche (Philipp Ludwig von Sinzendorf, fils d’un ministre de Léopold Ier, puis Johann Christoph von Bartenstein, un Strasbourgeois devenu Autrichien) et le vice-chancelier d’Empire (Friedrich Karl von Schönborn) ont aussi leur mot à dire. Ni l’empereur ni ses ministres ne profitent de la paix pour entreprendre des réformes de structures, bien que le Prince Eugène en ait formulé très tôt le souhait. Il serait néanmoins injuste de passer sous silence la pragmatique sanction de 1713, qui, dans l’immédiat, en annulant la disposition léopoldine de 1703, a pour objet d’assurer la succession à la fille unique de Charles VI, l’archiduchesse Marie-Thérèse, mais qui, à long terme, aura pour résultat d’établir un lien solide entre les divers États constituant la monarchie autrichienne. L’historien Hugo Hantsch a bien montré que, dorénavant, la monarchie cesse d’être une simple union personnelle pour devenir un État fédéral dont les éléments (Bohême, Hongrie, Basse-Autriche, Styrie, Tyrol) acceptent librement de vivre ensemble. Seulement, s’il est habile de faire reconnaître la pragmatique sanction par les diètes des différents pays, il est beaucoup plus illusoire de compter sur la parole des souverains étrangers. Or, tous les observateurs s’accordent pour voir dans l’Autriche de 1740 une puissance affaiblie, dont le déclin momentané vient d’être sanctionné par les traités de Vienne (1738) et de Belgrade (1739), consécutifs à la guerre de la Succession de Pologne et à une nouvelle guerre contre les Turcs : les positions de l’Autriche reculent dans les Balkans comme en Italie.

Le règne de Charles VI n’en demeure pas moins une période de grande prospérité économique. Les peuples de la monarchie recueillent les fruits des efforts déployés sous le règne de Léopold Ier, et Charles VI poursuit la politique mercantiliste de son père : construction de routes, de ports (Trieste), création de compagnies de commerce, développement des échanges avec le Proche-Orient, consolidation de la politique de crédit (Banque de la ville de Vienne). Cette conjoncture favorable se traduit dans l’essor architectural : le règne de Charles VI correspond en effet à l’apogée du baroque* autrichien, symbolisé, dans la capitale même, par l’église que l’empereur dédia à saint Charles Borromée. Ainsi, l’œuvre de Charles VI, pour être appréciée à sa juste valeur, gagne à être considérée dans une perspective d’histoire totale, où les insuffisances du souverain et de son entourage sont atténuées par les fastes de la civilisation autrichienne, en plein épanouissement.

J. B.

➙ Autriche / Habsbourg / Saint Empire romain germanique.

 H. Hantsch, Geschichte Osterreichs, t. I (Vienne, 1937). / O. Redlich, Das Werden einer Grossmacht, Österreich 1700-1740 (Vienne, 1938).

Charles V le Sage

(Vincennes 1338 - Nogent-sur-Marne 1380), roi de France (1364-1380).


Fils aîné du roi Jean II le Bon et de Bonne de Luxembourg, premier prince français apanagiste du Dauphiné du Viennois, remis à Philippe VI de Valois le 16 juillet 1349, et donc premier héritier de la Couronne à porter le titre de « dauphin royal », Charles de France épouse, le 8 avril 1350, sa cousine Jeanne de Bourbon. Il est armé chevalier lors du sacre de son père, Jean II, à Reims le 26 septembre 1350. Chargé du commandement militaire de la Normandie et de la Bretagne avec le titre de « lieutenant du roi », investi du duché de Normandie le 7 décembre 1355, il est compromis par le roi de Navarre Charles le Mauvais dans une conspiration que le roi Jean II dénoue par l’arrestation de ce souverain au château de Rouen et par la mise à mort consécutive de quatre de ses partisans le 5 avril 1356. Il commande le premier corps français à Poitiers (19 sept. 1356), mais il ne peut soutenir le choc de l’armée anglaise et se retire aussitôt du combat, alors que son père est fait prisonnier.