Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Afrique du Sud (république d’) (suite)

L’article XI des statuts du parti nationaliste déclare : « Le parti se considère comme le mandataire chrétien de la race européenne et fait de ce principe la base de sa politique à l’égard des races non européennes. Conformément à ce principe, il donnera aux races non européennes l’occasion de se développer sur leur territoire, selon leurs aptitudes et leurs capacités naturelles et leur assurera un traitement raisonnable de la part de l’administration du pays, mais est absolument opposé à tout mélange des races européennes et non européennes.

« Le parti se déclare, par ailleurs, en faveur de la ségrégation territoriale et politique des indigènes, ainsi que de la séparation des Européens et des non-Européens, en général dans le domaine résidentiel et, autant que possible, dans le domaine industriel. »

L’apartheid s’inscrit dans la structure des villes sud-africaines, qui comportent des quartiers séparés pour chaque race. Il s’inscrit, dans la vie quotidienne, par les panneaux Coloured only ou White only, réservant les bars, les places d’autobus, les bancs, à l’un ou l’autre groupe racial.

Les Bantoustans

Un autre aspect de l’apartheid est le regroupement des Bantous dans des réserves. Ces territoires réservés représentent 165 000 km2, soit 13 p. 100 de la surface totale de la République. Le but poursuivi est de regrouper ces réserves en États noirs, ou Bantoustans, destinés à évoluer vers l’autonomie puis vers l’indépendance. La première expérience de création d’un nouvel État noir de ce type s’est faite au Transkei, territoire de 41 600 km2, s’étendant depuis le littoral, entre East London et Port Shepstone, jusqu’au grand escarpement. Le Transkei, auquel l’Afrique du Sud a octroyé en 1976 une indépendance qui prive ses ressortissants de la nationalité sud-africaine et que très peu d’États étrangers ont reconnu, a servi de modèle à la création d’autres États bantous. Ceux-ci possèdent leur autonomie administrative et constituent une sorte de Confédération noire associée à la République blanche (mais sous la dépendance économique de cette dernière).

L’une des principales raisons de la mise en service de la politique des Bantoustans a été l’afflux considérable de Noirs dans les centres urbains durant ces dernières années. Partout (sauf au Cap), la population blanche est devenue minoritaire. Le regroupement de la population noire dans des territoires réservés permet de constituer des réserves de main-d’œuvre ; les travailleurs noirs, recrutés sur contrats, viennent alors s’employer dans les villes industrielles déjà existantes ou dans des industries nouvelles à créer en bordure des Bantoustans.

La création d’États bantous représente un effort financier important. Pour rendre ces États viables, il est nécessaire, en effet, d’améliorer leur agriculture, et le gouvernement sud-africain a créé dans ce but un fonds spécial, la Bantu Investment Corporation Bank, qu’il finance. La république d’Afrique du Sud finance aussi la construction des écoles, des routes, des hôpitaux et des autres éléments de l’infrastructure des nouveaux États : 19 millions de rands ont été dépensés en cinq ans pour le Transkei.


La Seconde Guerre mondiale et la poussée ségrégationniste (1939-1961)

En 1939, Hertzog, qui a proposé que son pays reste neutre dans la guerre, est mis en minorité. Smuts, qui lui succède (1939-1948), lutte contre l’influence du nazisme, mais ne peut contenir la vague des « pauvres Blancs », qui s’appuient sur le docteur Malan pour proclamer la supériorité des Afrikaanders sur les Anglais et celle des Blancs sur les Noirs.

Malan triomphe aux élections de 1948 et devient Premier ministre (1948-1954) : la politique d’apartheid s’étend dès lors non seulement aux Noirs, mais aussi aux Indiens du Natal, privés du droit de vote (1948). Les mariages mixtes sont interdits ; toute une législation (1950-1953) restreint les libertés des gens de couleur et vise même à gêner l’installation des Britanniques dans l’Union et le développement d’un parti communiste. Parallèlement, la politique expansionniste se poursuit : l’annexion du Sud-Ouest devient effective en 1949.

Les successeurs de Malan, Strijdom (1954-1958) et Verwoerd (assassiné en 1966), accentuent sa politique : les métis du Cap sont rayés des listes électorales (1956). Ces mesures exaspèrent l’opposition indienne et noire. En 1952, le Congrès national africain et son chef, Albert John Luthuli, lancent un « mouvement de défi », caractérisé par la désobéissance civile. Une dure répression n’arrête pas ce mouvement, qui atteint son paroxysme lors des échauffourées sanglantes de Sharpeville (1960) et du Transkei (1963).


L’indépendance et la République (1961)

Exaspéré par les critiques de l’O. N. U. et du Commonwealth à l’égard de sa politique, le parti nationaliste organise un référendum (1961), qui s’avère largement favorable à la république et à la sécession à l’égard du Commonwealth. Le 31 mai 1961, la République sud-africaine, totalement indépendante, est proclamée : Charles Swart en est le premier président. Ayant démissionné en 1967, il sera remplacé par Théophilus Dönges, qui meurt avant d’entrer en fonctions (janv. 1968). En février 1968, Jacobus J. Fouché devient président de la République. Nicolas Diederichs lui succède en 1975. À la tête du gouvernement depuis 1966, Balthazar J. Vorster, qui garde le portefeuille de la Police, poursuit vigoureusement la politique de l’apartheid tout en se prononçant, en 1976, pour l’application du principe de la majorité noire en Rhodésie. Mais il échoue en 1975 dans sa tentative de soutien aux mouvements pro-occidentaux en Angola. Quant au Lesotho, au Botswana et au Swaziland, ils sont étroitement dépendants de l’Afrique du Sud sur le plan économique.

A. S. et P. P.

Les partis politiques

Le parti nationaliste s’appuie sur diverses organisations : la société secrète du Broederverbond, dont plusieurs dirigeants du parti nationaliste ont été membres et qui regroupe un petit nombre d’activistes du parti (sa structure est inspirée de la franc-maçonnerie) ; le Bureau sud-africain des affaires raciales, qui a participé de manière active à l’élaboration de la doctrine de l’apartheid. L’aile la plus réactionnaire du parti national a fait scission en 1970 pour constituer le parti nationaliste rénové sous la direction d’Albert Hertzog.

Le parti unifié, fondé en 1934, rassemble la plupart des anglophones ; il se déclare partisan d’une ségrégation modérée et milite pour une fédération multiraciale.

Le parti progressiste, fondé en 1959 par des milieux proches de la bourgeoisie d’affaires sud-africaine, regroupe des scissionnistes du parti unifié. Il se propose de défendre les valeurs de la société occidentale ; il est partisan d’un apartheid modéré (vote restreint des Noirs, à partir d’un système censitaire culturel).

Le parti libéral, fondé en 1953, est surtout composé d’intellectuels ; il est hostile à la discrimination raciale et souhaite l’émancipation politique et économique des Africains ; il est violemment opposé au communisme ainsi qu’à toutes les formes de totalitarisme ; il a été dirigé jusqu’en 1968 par l’écrivain Alan Paton.

Ces divers partis, sauf le premier, qui est au pouvoir, forment l’opposition légale ; en fait, seuls le parti unifié et le parti progressiste sont représentés à la Chambre.