Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Centre (suite)

Le secteur tertiaire, aussi développé, laisse apparaître, dans la banalité des activités de services, quelques formes de spécificité fonctionnelle également accusées. Un important quadrillage de voies de communication routières et ferroviaires, méridiennes (Paris-Bordeaux, Paris-Toulouse, Paris-Clermont-Ferrand) et transversales (Paris-Le Mans, Lyon-Nantes), met en valeur trois grands carrefours (Orléans-Les Aubrais, Tours-Saint-Pierre-des-Corps, Vierzon), trois grands centres de redistribution (Tours, Orléans, Bourges). Le tourisme anime le Blésois et la Touraine, « pays des châteaux » (Blois, Chambord, Cheverny, Chaumont, Amboise, Chenonceaux, Azay-le-Rideau, Langeais, Villandry), pays aussi des villes d’art (Bourges, Chartres), des pèlerinages littéraires (Ronsard à Couture-sur-Loir et Saint-Côme, George Sand à Nohant, Balzac à Saché, Péguy à Orléans et Chartres). La villégiature multiplie dans les vallées les résidences secondaires (Eure, Loing, Val de Loire). Un équipement intellectuel supérieur, longtemps limité à une école de médecine à Tours et à trois écoles militaires (Train à Tours, Matériel à Bourges, Transmissions à Montargis), forme dans les nouvelles universités de Tours et d’Orléans des cadres scientifiques, littéraires, juridiques.

Les villes sont les grandes bénéficiaires des mutations en cours. Tandis que la population rurale tombait, entre 1962 et 1968, de 908 000 à 882 000 habitants (– 3 p. 100), les villes progressaient de 950 000 à 1 108 000 habitants (+ 17 p. 100). Le taux d’urbanisation atteignait 56 p. 100. En tête se plaçaient Tours et Orléans, qui, dans leurs agglomérations respectives, totalisaient 207 000 et 173 000 habitants (250 000 et 210 000 en 1975), suivies par les quatre autres chefs-lieux : Bourges (90 000 hab. en 1975), Chartres (75 000 hab. en 1975), Châteauroux (70 000 hab. en 1975), Blois (environ 60 000 hab. en 1975). Les autres agglomérations connaissaient en 1975 des accroissements du même ordre, voire supérieurs : Montargis (plus de 50 000 hab.), Dreux (plus de 40 000 hab.), Vierzon (près de 40 000 hab.), Vendôme (plus de 20 000 hab.), Châteaudun (près de 20 000 hab.).


Problèmes et perspectives

Par le fait même de ses transformations comme de sa position aux portes de Paris, la Région Centre se trouve confrontée avec un certain nombre de problèmes d’harmonie économique, sociale, spatiale. Ses progrès en agriculture la placent devant de redoutables impératifs de marchés. Brillants mais anarchiques, ils lui laissent chaque année des excédents de vin, de fruits, de lait (bientôt peut-être, devant l’extension des serres, de légumes), qu’elle éprouve le plus grand mal à écouler. Le marché de l’emploi souffre, en dépit de créations nouvelles, d’une lourdeur chronique. Aux prises avec une demande entretenue par une forte vitalité démographique (taux de fécondité supérieur à la moyenne française : 90 p. 1 000 contre 77), par les cessations d’activités marginales, par la concentration des entreprises, il reflète de graves déséquilibres. Si, dans le nord (Eure-et-Loir, Loiret, Loir-et-Cher vendômois et blésois), stimulé par les apports parisiens, il ne suscite pas d’inquiétude particulière, il est loin d’en aller de même dans le sud (Cher, Indre, Indre-et-Loire, Loir-et-Cher solognot), où des aides de l’État et des collectivités locales, allant jusqu’à de substantiels avantages fiscaux et financiers (« zone I » des aides au développement régional, couvrant le sud de l’Indre [Le Blanc, Argenton-sur-Creuse, La Châtre] et du Cher [Saint-Amand-Montrond]), ont dû être accordées aux entreprises pour prix de leur transfert. Le réseau routier, saturé, exige des solutions d’urgence, auxquelles s’emploie la réalisation, en cours, de l’autoroute A 10 Paris-Poitiers par Orléans et Tours.

La Région Centre souffre aussi d’un vice de conformation auquel il sera difficile de porter remède. Découpée dans un territoire privé de grande métropole par la multiplicité des points de cristallisation urbaine liés aux carrefours, elle insère dans un cadre fondamentalement ligérien un élément extérieur, l’Eure-et-Loir, qui, tourné vers la Seine par sa vallée maîtresse, l’Eure, et par la route de Paris, n’a jamais entretenu avec lui que des relations épisodiques. Le souci de réduire au minimum, en 1960, la Région programme de Paris place la Région Centre, ainsi écartelée entre deux axes hydrographiques divergents, dans une situation semblable à celle qui, en 1790, intégrait dans le département du Loiret nouvellement constitué le Gâtinais et Montargis, axés sur la vallée du Loing. Si imperceptible soit-elle, la pente qui entraîne vers le centre de la cuvette parisienne pays chartrain et Montargois nuit à l’harmonie de l’ensemble.

Un désir commun d’affranchissement à l’égard de Paris anime et unit cependant la Région Centre. Elle est partie intégrante de la « couronne » parisienne, qui a défini un certain nombre de points et d’axes d’appui autour desquels elle entend s’organiser : Chartres, Dreux, Montargis, Bourges, Châteauroux, Val de Loire sont de ceux-là. Notamment, elle a mis l’accent sur le développement de son grand axe naturel ligérien entre Orléans et Tours (idée d’une métropole-jardin). L’inclusion des deux grandes villes dans une même entité économique a pu depuis dix ans, alors qu’elles s’ignoraient, les mettre brusquement face à face dans une lutte d’influence souvent peu amène pour le partage des instances supérieures régionales ; elle les a aussi, dans un zèle subit, obligées à sortir d’une facilité qui, dans la compétition interrégionale actuelle, eût pu être pour elles catastrophique. Le fait qu’à une longue fuite de la population vers l’extérieur, et notamment vers Paris, se soit substitué depuis 1962 dans la Région Centre un courant d’apport (perte annuelle de 200 personnes entre 1954 et 1962, gain de 7 250 entre 1962 et 1968) témoigne d’un renversement de tendance que l’effort entrepris devrait confirmer.

Y. B.