Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

cécité (suite)

Professions accessibles aux aveugles

Si la perte de la vision interdit certaines activités, l’éventail des professions offertes à l’aveugle s’élargit peu à peu.

Les métiers traditionnels

Ce sont la brosserie, la chaiserie, la vannerie. En France, comme en Allemagne d’ailleurs, ces métiers sont considérés comme des professions refuges pour les moins doués. D’ailleurs, en raison du développement de l’industrie des matières plastiques et de la concurrence mécanique le système de la production protégée s’impose dans ce cas.

La musique

Elle constitue un débouché classique. L’enseignement musical est particulièrement développé dans les écoles françaises, en particulier à l’Institut national des jeunes aveugles. Il permet la formation d’accordeurs, d’artistes ou d’organistes et la préparation au professorat de musique. En France, 2 000 aveugles vivent de la musique.

La masso-kinésithérapie

C’est une des professions où l’aveugle peut se trouver pratiquement sur un pied d’égalité avec un confrère clairvoyant. En France, trois écoles forment les candidats aveugles pour l’obtention du diplôme d’État de masseur-kinésithérapeute.

Le secrétariat et la sténodactylographie

Ils offrent des débouchés certains : le secrétaire aveugle rend les mêmes services qu’un voyant, sans atteindre peut-être les mêmes performances de rapidité, et à condition de s’être assuré d’une surqualification.

La dactylographie sur machine à écrire normale ne présente pas de difficulté majeure pour un opérateur aveugle entraîné.

Une méthode de sténographie Braille a été mise au point, et une machine spécialement conçue pour écrire cette sténographie.

Enfin, le magnétophone complète l’équipement du dactylographe aveugle.

La formation est assurée dans trois centres essentiellement : l’Association Valentin Haüy, l’Association nationale pour la réhabilitation professionnelle par le travail protégé, l’Ecole de rééducation pour déficients visuels de Villeurbanne.

Le standard téléphonique

Il peut être assuré sans aucune réserve par un opérateur aveugle, moyennant certaines modifications techniques bien mises au point actuellement. Les voyants lumineux d’un standard classique sont remplacés par un système sonore, ou dactyle (digital).

Un fichier en braille peut être facilement constitué pour les numéros courants ; enfin, l’administration des P. T. T. accorde la gratuité de renseignements à tout opérateur non voyant exploitant seul son standard. La formation de standardiste est assurée par les mêmes centres de formation que ceux pour la sténodactylographie.

Certaines professions manuelles

L’agriculture peut offrir à l’aveugle un débouché moyennant une vocation solide et une formation technique et pratique sérieuse. Un centre de formation existe à La Villeneuve-Sainte-Odile, spécialisant les jeunes gens dans l’élevage ou l’horticulture.

L’industrie, elle aussi, offre des débouchés. Des centres d’apprentissage familiarisent leurs élèves avec les travaux de montage et l’usage des outillages professionnels : le C. E. T. de Villeurbanne, le Centre de l’A. N. R. T. P., boulevard de Belleville à Paris.

Parmi les fabrications réalisées par la main-d’œuvre aveugle, il faut citer celles de machines à écrire, d’appareils de précision et de matériel électrique, la fabrication de lampes, de petits moteurs, de matériel téléphonique et radiophonique, le travail sur plastique et sur carton, l’ébénisterie, le conditionnement, la savonnerie, etc.

De véritables usines pour aveugles ont été créées en Suisse (Saint-Gall) et en U. R. S. S.

Les professions intellectuelles

Elles sont, naturellement, ouvertes aux aveugles. De brillantes carrières peuvent se développer pour eux dans l’enseignement, dans l’Administration, etc. L’accès et l’exercice de ces professions nécessitent une orientation fondée et une aide prolongée aux débutants, mais la multiplicité et la diversité croissante des réussites devraient permettre le recrutement de nombreux fonctionnaires aveugles.

J. C.

 P. Villey, le Monde des aveugles (Corti, 1955). / P. Bailliart, l’Enfant aveugle (Doin, 1958). / A. Wexler, Experimental Science for the Blind (Oxford, 1961). / M. Fontaine, les Cécités de l’enfance (Masson, 1969).

Cela (Camilo José)

Écrivain espagnol (Iria Flavia, Galice, 1916).



L’apprentissage de la cruauté

Né de famille galicienne, il compte parmi ses ascendants des Anglais et des Italiens. Pourtant, l’écrivain, à la suite de tant de poètes et de romanciers du début de ce siècle, se complaît dans le spectacle d’une hispanité totale, fruste, primitive, granitique, dit-il même, comme certaine cordillère qui traverse l’Espagne de part en part (El gallego y su cuadrilla, y otros apuntes carpetovetónicos [le Galicien et son équipe, avec un bloc-notes carpétobétonique], 1955).

Un autre fait l’a marqué : la guerre civile. La vision d’un monde particulièrement absurde et cruel confirme le cynisme littéraire, la crudité artistique que lui transmettent Pío Baroja, Eugenio Noel et José Gutiérrez Solana, ses modèles.

En 1942, Cela publie la Famille de Pascual Duarte, l’histoire d’un criminel invétéré, victime d’une confusion mentale dont la responsabilité retombe à la fois sur la nature et sur la société. Car le personnage ne parvient pas à insérer sa violence innée et à l’état pur dans un monde hypocrite, retors et impitoyable. Son sort est certainement injuste. Pascual Duarte se venge : il confond coupables et innocents, parce que tout est mêlé dans sa tête comme dans les faits. Il tue un homme (pendant le déchaînement de la révolution), puis une jument, un homme, une chienne ; il finit par tuer sa mère, comme un enfant déchire une belle image qu’il aurait investie de trop de rêves et d’illusions. « La bile empoisonna mon cœur » : en fin de compte, une femme avait mis au monde un monstre, et le monstre ne le lui pardonnait pas.

Or, le récit est à la première personne. C’est un trait constant du romancier. Le protéiforme Cela entre dans la peau du personnage, qui est au centre de la narration. Même lorsque, comme dans d’autres romans, le récit se déroule à la troisième personne, Cela multiplie les passages dialogués afin de mieux épouser les divers points de vue de ses êtres de fiction.