Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

catholicisme social (suite)

Hors de France — en Belgique, aux États-Unis, en Hollande, en Grande-Bretagne —, le développement du catholicisme social fut, entre les deux guerres, gêné par la conjoncture. En Italie, le fondateur du parti populaire, don Luigi Sturzo (1871-1959), fut rejeté par le fascisme dans la clandestinité. En Allemagne l’avènement de Hitler, en Espagne l’installation du franquisme, au Portugal l’instauration du régime autoritaire et corporatiste de Salazar, en Autriche l’assassinat du chrétien-social Dollfuss par les nazis ou bien éliminèrent tout catholicisme social ou bien le ramenèrent à des formes rigides et réactionnaires.

Le lendemain de la libération de l’Europe nazie (1945) vit l’accession au pouvoir — en Allemagne de l’Ouest, en Italie, en France (M. R. P.), en Belgique — de partis démocrates-chrétiens ou chrétiens-sociaux.

Depuis lors, les catholiques ont joué un rôle grandissant, souvent prééminent dans la vie professionnelle, publique et politique de l’Europe occidentale, tandis que la papauté (Populorum progressio) se montre de plus en plus attentive aux réalités économiques et sociales. Actuellement, le catholicisme social traverse une période de mutation rendue sensible par le renversement du courant au profit des progressistes et au détriment des intégristes, par la crise de l’Action catholique, dont même les motivations sont mises en cause, par la « déconfessionnalisation » du syndicalisme chrétien (C. F. D. T.). Mieux instruits, plus adultes, encouragés par Paul VI (lettre Octogesimo anno, juin 1971) au pluralisme politique et social, les catholiques semblent vouloir se dépouiller de certaines formes pour raffermir l’action de l’Evangile dans le monde d’aujourd’hui.

Deux institutions permanentes

Les Secrétariats sociaux

Les Secrétariats sociaux, installés dans tous les diocèses de France, sont chargés de renseigner les responsables des mouvements sociaux sur l’orientation et les progrès de la doctrine sociale de l’Église ; de coordonner leurs activités par des rencontres et de susciter leurs initiatives, plus particulièrement en faveur de l’organisation professionnelle et familiale.

Le premier Secrétariat social fut fondé à Lyon dans les dernières années du xixe s. : il fut animé par Marius Gonin ; un autre fut créé peu après en Provence. Victor Bettencourt contribua à lancer les Secrétariats sociaux à travers la France. Zamanski installa celui de Paris au siège de l’A. C. J. F. en 1907. L’institution se développa et s’enracina après la Première Guerre mondiale : en 1921 fut créée l’Union des Secrétariats sociaux, dont le siège est à Paris.

Les Semaines sociales

C’est un organisme permanent d’enseignement social supérieur inspiré par la doctrine sociale de l’Église. L’institution est issue de l’Union d’études des catholiques sociaux, véritable laboratoire de législation sociale né en 1901. La première Semaine sociale de France s’ouvrit à Lyon le 1er août 1904 : Marius Gonin et Adéodat Boissard en furent les véritables fondateurs. Université itinérante, les Semaines sociales se tiennent chaque année dans une ville différente et autour d’un thème spécifique. Leur devise, « la science pour l’action », indique bien qu’elles veulent être un instrument de rencontre et de confrontation en même temps qu’un effort de pensée. Les présidents des Semaines sociales de France ont été : Henri Lorin (1905-1914), Eugène Duthoit (1914-1944), Charles Flory (1945-1960), Alain Barrère (depuis 1960).

Les Semaines sociales ont été créées en divers pays. Les plus anciennes sont les Semaines d’Italie, de Belgique, d’Espagne, du Canada et d’Amérique latine.

Trois encycliques sociales

Léon XIII, « Rerum novarum » (15 mai 1891)

Après avoir constaté « l’altération des rapports entre les patrons et les ouvriers, l’affluence de la richesse dans les mains du petit nombre, à côté de l’indigence de la multitude, l’opinion enfin plus grande que les ouvriers ont conçue d’eux-mêmes et leur union plus compacte », Léon XIII repousse les remèdes socialistes, prône la réconciliation des classes dans l’accomplissement de leurs devoirs réciproques et l’usage chrétien des richesses. Le pape insiste sur le rôle de l’État, qui a pour devoir d’assurer l’ordre, la prospérité, la justice distributive ; sur le rôle de la législation relative notamment au salaire, à la journée de travail et à l’accès à la propriété ; enfin sur le rôle des associations professionnelles, particulièrement des corporations, qu’il s’agit d’adapter aux conditions nouvelles de la vie moderne.

Pie XI, « Quadragesimo anno » (15 mai 1931)

Le pape dresse le tableau des bienfaits apportés, quarante ans auparavant, par l’encyclique Rerum novarum, et constate notamment la naissance d’un droit nouveau assurant « aux ouvriers le respect des droits sacrés qu’ils tiennent de leur dignité d’hommes et de chrétiens ». Pie XI annonce à la fois la fin du libéralisme économique, responsable du chaos où se débat le monde, et le commencement d’un ordre nouveau fondé sur le respect de la dignité humaine et de la justice sociale. Il oriente les peuples vers un régime d’économie ordonnée en faveur du bien commun et non du profit trop souvent abusif de quelques privilégiés.

Paul VI, « Populorum progressio » (26 mars 1967)

L’idée centrale de ce document est la suivante : nul ne peut repousser aujourd’hui les obligations d’un programme d’équilibre économique, de dignité morale, de collaboration entre toutes les nations pour assurer le développement des peuples. S’appuyant sur l’enseignement d’auteurs contemporains et notamment de Mgr Larrain, évêque de Talca (Chili), de Jacques Maritain, des PP. Lebret, Marie-Dominique Chenu et Henri de Lubac, et aussi sur celui de Jean XXIII (encyclique Mater et magistra) et sur la constitution Gaudium et spes de Vatican II, Paul VI expose deux thèmes essentiels ; le développement intégral de l’homme par l’affranchissement de la misère et la croissance autonome des peuples ; le développement solidaire de l’humanité par l’assistance aux faibles, l’équité dans les relations commerciales, la charité universelle. En conclusion, le pape s’adresse aux hommes d’État, qu’il conjure de mobiliser « leurs communautés pour une solidarité mondiale plus efficace ».

P. P.