Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

catéchèse

Acte d’enseigner celui qui possède la foi.


Cet enseignement commença quarante jours après la résurrection du Christ, à la Pentecôte. Comme il s’agissait alors de convertir des non-croyants, le terme employé était le mot kérygme (de kêrugma, proclamation, annonce de bonnes nouvelles faite par un héraut sur les places publiques, en Grèce). La prédication kérygmatique des apôtres était ainsi la proclamation orale de la Bonne Nouvelle de la résurrection du Christ d’une façon provocante, suscitant des réactions dans l’auditoire (Actes, ii, 4 ; ii, 32 ; xiii, 31). Dans les Évangiles et les Épîtres de saint Paul, on trouve l’écho des premières catéchèses et du style différent employé par chaque apôtre ou chaque communauté locale. Les synoptiques annoncent surtout la venue parmi nous du royaume de Dieu (Marc, i, 35 sq.). Chez saint Jean et saint Paul déjà, la prédication s’adresse souvent à des convertis ; le kérygme s’élargit en catéchèse proprement dite, c’est-à-dire en une explication destinée à celui qui veut mieux comprendre sa foi (Épîtres aux Romains et Épîtres aux Corinthiens).

Dans les siècles suivants, à l’époque des Pères de l’Église, la catéchèse s’organise par niveaux, selon le degré de rattachement des personnes au Christ. Les non-chrétiens attirés par le Christ recevaient le nom de catéchumène. À eux était destinée, parfois pendant plusieurs années, une catéchèse proprement dite, fondée soit sur l’exposition de l’œuvre de Dieu dans le peuple choisi (catéchèse historique), soit sur le commentaire des cérémonies symboliques des sacrements qu’ils se préparaient à recevoir (catéchèse liturgique), soit sur le commentaire de formules servant de résumé à leur foi (tradition du Pater et tradition du Credo). De cette époque datent quelques grandes œuvres catéchétiques : le De catechizandis rudibus, dans lequel saint Augustin explique à son diacre Deogratias comment procéder ; la Didakhê, les Catéchèses de saint Cyrille de Jérusalem et celles de saint Jean Chrysostome.

Dans quelques villes, en particulier Alexandrie, des pasteurs ou des théologiens organisèrent des explications encore plus poussées de la foi, destinées à ceux qui, ayant reçu le baptême, désiraient dépasser les simples explications de l’homélie liturgique. Cet enseignement approfondi est la « didascalie », et c’est Origène qui a laissé les meilleurs exemples.

Durant toute cette période (iiie-vie s.), la catéchèse s’adresse exclusivement aux adultes et non aux enfants. Le baptême est souvent conféré aux adultes, bien que dès cette époque on insiste sur la légitimité du baptême des enfants ; de toute façon, la formation chrétienne des enfants se fait par imprégnation familiale, liturgique et sociale.

Pendant les siècles qui suivirent (vie-xvie s.), le catéchuménat disparut, mais aucune structure spéciale de catéchèse ne vit le jour. La proclamation de la Bonne Nouvelle et l’explication de la foi se firent surtout à l’occasion de la liturgie du dimanche, par l’action des moines itinérants et par le langage des cathédrales (voir par exemple la concordance entre la statuaire de Chartres et l’enseignement théologique de la Somme de saint Thomas). À cette époque, au total, l’enseignement religieux est assez pauvre, et Gerson (1363-1429) le déplore ouvertement.

C’est l’action de Luther et de Calvin, auteurs chacun d’un manuel destiné aux enfants, qui relança par contrecoup la catéchèse dans l’Église catholique. C’est pourquoi la catéchèse s’est longtemps ressentie dans les siècles derniers de son origine polémique ; l’apologétique y joua aussi un rôle important. Les auteurs qui se sont illustres a l’époque sont saint Pierre Canisius (Summa doctrinae christianae per quaestiones tradita, Vienne, 1555), saint Robert Bellarmin (Dottrina cristiana breve da impararsi a mente, Rome, 1597), les Pères du concile de Trente qui firent éditer un manuel à l’usage des éducateurs et non des enfants (Catechismus ex decretis concilii tridentini ad parochos, publié en 1566). Toutes ces présentations de la foi chrétienne ne sont plus ni historiques ni liturgiques. Elles sont devenues formelles et théologiques, reprenant souvent la structure des « sermons cathéchétiques » que saint Thomas avait donnés à Naples en 1273. (Il faut remarquer que saint Thomas lui-même insiste beaucoup plus sur l’imprégnation familiale que sur l’introduction d’une structure catéchétique propre aux enfants.)

Cette situation dura pratiquement trois siècles, même si divers essais s’efforcèrent d’améliorer la situation existante : par exemple, les catéchistes de Saint-Sulpice, établissement fondé par Monsieur Olier au xviie s. ; les Devoirs du chrétien (1703) et la Conduite des écoles (1717) de saint Jean-Baptiste de La Salle ; la Méthode générale de cathéchisme (1841) de Mgr Dupanloup, etc.

Ce n’est qu’au xxe s. qu’on put parler de renouveau catéchétique. La première forme de renouveau fut l’importance attachée à la psychologie de l’enfant et aux processus de transmission des connaissances. Elle se concrétisa dans ce qui a gardé le nom de méthode de Munich, fondée sur la psychopédagogie de Johann Friedrich Herbart. En France, le même mouvement se manifesta un peu plus tardivement, et les travaux de la méthode de Munich furent popularisés notamment par le chanoine André Boyer (Pédagogie chrétienne, 1947). En Angleterre, c’est le chanoine F. H. Drinkwater qui joua le même rôle. Bientôt, cette rénovation méthodologique parut insuffisante, et un nouveau tournant dans l’histoire de la catéchèse est à situer avec l’œuvre de Joseph Andreas Jungmann (Katechetik, Fribourg, 1953).

Ici, il s’agit autant d’une restauration que d’une innovation, puisque Jungmann insiste sur la nécessaire dimension kérygmatique que doit avoir toute catéchèse. La catéchèse n’est pas seulement transmission de doctrine, mais elle doit être la Parole de Dieu, épée à deux tranchants qui interpelle et qui oblige l’homme à se situer. En France, les initiateurs du renouveau furent le chanoine Joseph Colomb par ses écrits et le chanoine François Coudreau par la création de l’Institut supérieur catéchétique de Paris (auj. Institut supérieur de pastorale catéchétique), le 1er octobre 1950. Le mouvement s’appliqua d’abord à la catéchèse des enfants, puis à la catéchèse des adolescents, à laquelle le P. Pierre Babin, le P. Jean-Pierre Bagot, le P. Jacques Audinet, le P. Jean Le Du ont attaché leurs noms. Il prit, comme dans la primitive Église, tantôt la forme de catéchèse liturgique (ouvrages de Françoise Derkenne), tantôt la forme de la catéchèse de l’histoire du Salut (travaux du P. Marcel Van Caster et du Centre Lumen Vitae, à Bruxelles). Les Américains, qui, jusqu’à une époque récente, réutilisaient constamment leur méthode de base, dite « du catéchisme de Baltimore », sont entrés à leur tour dans ce travail de renouveau avec Mary Perkins Ryan (Are Parochial Schools the Answer ?, 1964), Gabriel Moran (Theology of Revelation, 1966), Alfonso Nebreda, Alfred McBride, Gerard S. Sloyan.

À l’heure actuelle, les problèmes qui se posent sont moins d’ordre méthodologique que structural. Faut-il autant insister sur le travail près des enfants ou au contraire s’occuper davantage des adultes ? La Parole de Dieu retentit-elle de façon extérieure à l’homme ou au contraire au cœur de son existence ?

D.-J. P.

➙ Théologie catholique.