Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Catalogne (suite)

La monarchie catalano-aragonaise (xiie-xve s.)

Tout en constituant un seul et même royaume, la Catalogne et l’Aragon conservent leurs propres institutions. Mais ils unissent leurs forces, et, bien qu’il existe des problèmes de frontières et d’expansion, puisque tous deux aspirent à la conquête de territoires situés dans le sud de la France ou sur le littoral oriental de l’Espagne (région de Valence), ils adoptent une politique commune. La Catalogne entre alors dans une ère de prospérité. La population augmente, la production agricole est en essor, l’activité bancaire se développe et une grande impulsion est donnée aux activités manufacturières et commerciales, ce qui engendre la formation d’une bourgeoisie urbaine. Cette prépondérance économique se traduit par le renouveau de la langue catalane, par d’importantes manifestations d’ordre culturel et spirituel et par la fondation d’institutions médiévales bien particulières à cette région (xiiie s.) : Consulado de mar, Conseil des Cent, Cortes, municipios (communes), Diputación del general ou Generalidad.

Néanmoins, le déclin est amorcé dès le milieu du xive s. La famine et les épidémies alternent, la peste décimant les habitants dans de telles proportions que, en un siècle et demi, la population diminue de 35 à 40 p. 100. Ce fléau touche particulièrement la classe paysanne et déclenche toute une série de mesures prises par les seigneurs, qui veulent lier le paysan à la terre qu’il cultive (droit de remensa). Il s’ensuit de graves troubles sociaux dans les zones rurales, tandis que les centres urbains sentent qu’ils sont à l’aube d’une période de déséquilibre.

L’avènement sur le trône aragonais de la dynastie de Trastamare au lendemain du compromis de Caspe (1412) entraîne un affaiblissement de la solidarité entre la monarchie et les oligarchies urbaines catalanes. Cette situation s’aggrave encore pendant le xve s., et la rupture de l’équilibre maintenu jusque-là entre les classes sociales engendre, tant dans les villes que dans les campagnes, des conflits qui atteignent leur paroxysme lorsque éclate la guerre civile entre Jean II d’Aragon (roi de 1458 à 1479) et la Generalidad (1462-1472). C’est sans aucune résistance que la Catalogne se laisse incorporer dans le nouveau royaume de l’Espagne unifiée, issu des liens matrimoniaux contractés par Ferdinand II d’Aragon et Isabelle Ire de Castille (1469).


La maison d’Autriche et la guerre de la Succession d’Espagne

Sous le règne de la maison d’Autriche, la Catalogne constitue un État autonome au sein de la monarchie espagnole. Elle n’a avec les autres territoires de la Couronne que les relations qui existent habituellement entre les États soumis à une même autorité. La prédominance de la Castille est écrasante, et la Catalogne connaît des années sombres. Elle est écartée de toute participation dans les affaires du pays, notamment des échanges avec le Nouveau Monde, qui sont le monopole de Cadix et de Séville. Elle ne profite donc pas des avantages du siècle d’or, mais il faut souligner qu’elle n’aura pas non plus à en supporter plus tard les conséquences. En revanche, elle réussit à conserver ses institutions traditionnelles et ses privilèges.

Le commerce, l’agriculture et l’industrie prennent un nouveau départ, la population s’accroît et les souverains, constatant la richesse de cette région, font appel à elle pour financer leur politique impériale. Les Catalans montrent fort peu d’empressement à satisfaire les exigences fiscales du gouvernement central ; ces obligations, auxquelles viennent s’ajouter le devoir d’héberger les soldats qui luttent contre la France pendant la guerre de Trente Ans, sont à l’origine du soulèvement (juin 1640) de la population, mécontente de la politique suivie par le comte-duc d’Olivares, favori de Philippe IV (roi de 1621 à 1665), qui exerce le pouvoir de 1621 à 1643. Il s’agit en fait d’une guerre de sécession, qui reçoit le nom de guerra dels segadors ; les Catalans sont appuyés à tel point par les Français qu’ils se proclament république indépendante sous protectorat français (1640-1652). Le conflit se termine par la reconnaissance, de la part de la monarchie espagnole, des Constitutions catalanes (1652), mais la paix des Pyrénées (1659) est beaucoup moins satisfaisante puisqu’elle enlève à la Catalogne le comté du Roussillon et une partie de la Cerdagne au profit de la France.

À la mort de Charles II (1700), la Castille et la Catalogne divergent au sujet de sa succession. La première soutient la candidature de Philippe d’Anjou alors que la seconde, comme tous les États de la couronne d’Aragon, est dès le début favorable à celle de l’archiduc Charles d’Autriche et devient ainsi le centre de la lutte pour un État fédéraliste dans lequel les provinces autres que la Castille pourraient intervenir davantage dans la direction des affaires du pays. Philippe V (roi de 1700 à 1746), vainqueur de la guerre de Succession, fait monter la dynastie des Bourbons sur le trône d’Espagne et abolit tous les privilèges de la Catalogne, qui est totalement intégrée à la Castille. Le pays doit se résigner peu à peu à ne plus être qu’une province espagnole.


La période contemporaine

Les conséquences désastreuses de la guerre civile disparaissent progressivement, et la compréhension est plus grande pendant le gouvernement de Charles III (roi de 1759 à 1788) et de ses ministres « éclairés ». À partir de la seconde moitié du xviiie s., le processus d’industrialisation et de transformation d’une économie féodale en économie capitaliste s’intensifie, et les échanges maritimes se développent de nouveau, d’autant plus que le roi supprime le droit qui accordait à Séville et à Cadix le privilège de commercer avec l’Amérique (1765-1778).

Au siècle suivant, la relance de l’économie, qui contraste fortement avec l’existence de structures agraires désuètes et féodales dans presque tout le reste de la Péninsule, provoque une prise de conscience de la personnalité catalane. C’est alors que naît la « renaixença », mouvement qui revendique pour la Catalogne le rôle qu’elle mérite dans la direction de la politique nationale.