Castro (Fidel) (suite)
C’est alors que Cuba se déclare « indéfectiblement solidaire de l’U. R. S. S. » et que l’escadre soviétique visite symboliquement La Havane, sans soulever le moindre émoi chez les Américains, que Cuba n’épouvante plus. Armando Hart déclare que Cuba doit suivre l’exemple russe des années trente, tandis que Castro lance le pays dans la « zafra » de 10 millions de tonnes pour 1970, effort gigantesque qui mobilise toutes les énergies sans atteindre son objectif, et au risque de désorganiser l’économie nationale. La militarisation croissante de la société cubaine, qui déplaisait tant à Guevara, le ralliement à l’U. R. S. S., la glorification du modèle russe des années trente, tout cela est lié à l’obsession productiviste de la bataille pour les 10 millions de tonnes, à l’échec, temporaire ou définitif, de la recherche d’une voie castriste, c’est-à-dire d’une voie cubaine originale du socialisme.
Cet état de choses n’aide pas à développer la démocratisation, la participation de la base aux décisions, préconisées par le « Che ». Le dogmatisme, lié au culte du chef, ne peut que profiter de cette résignation. Cela accroît encore le rôle de Fidel Castro, identifié depuis le début à la révolution cubaine. Chef suprême de l’armée, maître de la vie économique et politique, ministre de l’Agriculture, Fidel est l’homme à tout faire de la Révolution. Dirigeant lui-même son exploitation agricole modèle, parcourant l’île sans cesse, il veut tout voir, tout savoir, tout décider. Et quand les choses vont mal, les gens disent : « Ah ! si Fidel savait. » Fidel est doté d’un pouvoir personnel absolu, sans aucun contrôle, et cela conduit à des improvisations souvent hâtives, parfois catastrophiques. Le peuple est son peuple, et ce n’est pas un hasard si l’on dit indifféremment la révolution cubaine ou la révolution castriste.
J. M.
➙ Amérique latine / Cuba.
L. Huberman et P. M. Sweezy, Cuba, Anatomy of a Revolution (New York, 1961) ; Socialism in Cuba (New York, 1969 ; trad. fr. le Socialisme cubain, Anthropos, 1970). / J. Arnault, Cuba et le marxisme (Éd. sociales, 1962). / R. Dumont et J. Coleou, la Réforme agraire à Cuba (P. U. F., 1962). / K. E. Meyer et T. Szulc, The Cuban Invasion (New York, 1962). / W. A. Williams, United States, Cuba and Castro (New York, 1962). / E. Abel, The Missile Crisis (New York, 1966). / H. L. Matthews, Castro, a Political Biography (New York, 1968 ; trad. fr. Fidel Castro, Éd. du Seuil, 1970). / K. S. Karol, les Guérilleros au pouvoir, l’itinéraire politique de la révolution cubaine (Laffont, 1970).