Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

carlisme (suite)

La première guerre carliste (1833-1840)

La première guerre carliste se déroule en Navarre, au Pays basque, en Catalogne, en Aragon, à Valence, en Vieille-Castille et dans la Manche. Le foyer principal de l’insurrection est la Navarre, où le commandement est confié au colonel Tomás de Zumalacárregui (1788-1835), qui constitue une armée d’hommes disciplinés et tient tête aux troupes gouvernementales, dirigées d’abord par Vicente Jenaro de Quesada, puis par José Ramón Rodil.

C’est après la signature de la « convention de lord Elliot » (avr. 1835), destinée à rendre la guerre plus humaine, que Zumalacárregui remporte ses plus grands succès (prise des villes de Villafranca, Tolosa, Vergara, Durango, Eibar et Ochandiano). Mais il est blessé au cours du siège de Bilbao et meurt peu après (24 juin 1835).

Personne ne sera capable de le remplacer, pas plus Vicente González Moreno que Nazario Eguía ou Villarreal, qui subit la cuisante défaite de Luchana (24 déc. 1836) devant le général Espartero (1793-1879) à la fin du troisième siège de Bilbao.

En dehors de la Navarre, il ne s’agit que de guérillas. Même en Catalogne, il n’existe pas d’armée unifiée ; les différents chefs (Benito Tristany, José Borges, Brujó) ne parviennent pas à s’entendre, et seul Ramón Cabrera (1806-1877), grâce à sa valeur personnelle, a pu résister aux troupes de la reine dans le bas Aragon et le Maestrazgo (région montagneuse située dans la province de Castellón).

En 1837, les carlistes sont sur le point d’entrer à Madrid sous le commandement de Charles V (Charles de Bourbon), mais le manque de décision du prétendant laisse à l’armée gouvernementale le temps de réagir, et les carlistes sont repoussés en Navarre. Rafael Maroto (1783-1847), qui a été appelé malgré son désaccord avec Charles V, juge qu’une prolongation du conflit ne peut que leur être défavorable et signe avec Espartero la « convention de Vergara » (31 août 1839), bien accueillie par la majorité des soldats. Le départ de Charles V pour l’exil et le passage de la frontière française par Cabrera et ses hommes marquent la fin de la première guerre carliste. En 1845, Charles V, qui réside à Bourges, abdique en faveur de son fils Charles Louis (Charles VI), comte de Montemolín (1818-1861).


La deuxième guerre carliste (1846-1849)

La deuxième guerre affecte surtout la Catalogne ; elle porte le nom de guerra dels matiners ou guerra de los madrugadores, c’est-à-dire de « guerre de ceux qui se lèvent tôt ». En Navarre, dans les provinces de Burgos et de Soria, dans la Manche et à Tolède, on n’assiste qu’à des actions isolées. Fin 1846, l’agitation carliste réapparaît dès que l’on apprend que le mariage d’Isabelle II et de Charles VI est impossible. Malgré les efforts de Cabrera, qui jouit de l’appui de certains républicains, les forces gouvernementales prennent le dessus et gagnent à leur cause un certain nombre de carlistes tentés par l’amnistie qui leur est proposée.

Le seul moyen de remonter le moral des troupes carlistes semblant être la venue en Espagne du prétendant, le comte de Montemolín quitte Londres en compagnie de ses frères le 27 mars 1849, mais ils sont arrêtés le 4 avril à la douane française et doivent retourner en Angleterre. Trois semaines plus tard, Cabrera est contraint de passer la frontière avec ses troupes.


La troisième guerre carliste (1872-1876)

La troisième guerre met aux prises Charles VII (1848-1909), fils et successeur (à partir de 1869) de Jean (Jean III), duc de Madrid (1822-1887), qui a lui-même reçu les droits à la succession à la mort de son frère Charles VI (1861), et Amédée de Savoie (roi de 1870 à 1873), puis les partisans de la Ire République (1873-74), et enfin Alphonse XII (roi de 1874 à 1885).

Au début du mois de mai 1872, Charles VII entre en Espagne, mais la défaite d’Oroquieta (4 mai) l’oblige à retourner en France ; ses partisans acceptent la convention d’Amorebieta (24 mai). Cependant, l’infant Alphonse Charles (1849-1936), frère du prétendant, est nommé chef des forces catalanes. Le 16 juillet 1873, Charles VII revient dans son pays et remporte des victoires à Estella (24 août), Santa Bárbara (6 oct.) et Montejurra (7-9 nov.).

L’année 1874 marque l’apogée du mouvement carliste, tant en Navarre qu’en Catalogne, dans le Levant et dans le Centre (Valence, bas Aragon, Cuenca et Guadalajara).

Toutefois, après avoir subi plusieurs revers à Teruel et près de Valence, l’infant Alphonse Charles décide d’abandonner la lutte. La restauration des Bourbons en la personne d’Alphonse XII (31 déc. 1874) porte un coup mortel à la cause du prétendant, car, aux yeux de ceux qui s’étaient joints aux carlistes au cours de la révolution de 1868, il représente un retour à la légalité. Le 28 février 1876, Charles VII passe définitivement la frontière.


Le carlisme après 1876

La tendance carliste ne disparaît pas pour autant, car elle représente un sentiment traditionaliste fondé sur l’aversion portée au libéralisme. À la mort de Charles VII (1909), son héritier, Jaime III (1870-1931), prend la tête d’un mouvement nommé jaimismo, dont le personnage le plus éminent est Juan Vázquez de Mella (1861-1928), écrivain et orateur politique.

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, « mellistes » et « jaimistes » se séparent, les premiers étant germanophiles, les seconds neutres. Le parti se réunifie lors de la proclamation de la IIe République (1931). Jaime meurt cette année-là et est remplacé par son oncle Alphonse Charles (1849-1936), plus conservateur, qui devient le chef de ce qu’il appelle la Communion traditionaliste.

Pendant la guerre civile de 1936, les carlistes sont l’une des forces principales de l’Espagne nationaliste. La décision prise par le général Franco de réaliser la fusion des carlistes et de la Phalange ne satisfait pas le régent Xavier de Bourbon-Parme (né en 1889), successeur et neveu par alliance d’Alphonse Charles, mort sans héritiers en 1936.