Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Carcassonne

Ch.-l. du départ. de l’Aude ; 44 623 hab. (Carcassonnais).


La morphologie urbaine montre trois ensembles nettement différenciés : la Cité, forteresse sur un escarpement dominant la rive droite de l’Aude ; la ville médiévale et son quadrillage caractéristique ; les extensions récentes. La Cité commandait les communications entre Toulouse et la Méditerranée ; au camp retranché installé par les Romains succéda une ville forte qui résista à toutes les attaques avant de tomber sous les coups de Simon de Montfort (1209) lors de la croisade contre les albigeois. Saint Louis fit raser les habitations établies au pied des remparts, mais remit la Cité en état et autorisa la construction d’une ville neuve sur la rive gauche. Après les rapports établis par P. Mérimée, Viollet-le-Duc entreprit la restauration de la forteresse, la plus importante d’Europe.

La ville basse constitue le centre urbain, délimité par une ceinture de boulevards (Jaurès, Barbès, de Varsovie) établis sur les anciens remparts. Née d’une initiative royale au xiiie s., elle offre un plan régulier, avec des rues se coupant à angle droit, et a conservé sa tradition bourgeoise et commerçante, longtemps opposée à la Cité féodale. Les quartiers neufs sont axés sur les voies de communication : autour de la Cité, entre la voie ferrée et la route de Narbonne vers le sud-est ; à l’opposé, sur la route de Toulouse ; vers Pamiers, selon un axe limité par la route de Limoux et le canal du Midi. Ces constructions nouvelles soulignent bien toute la valeur du carrefour carcassonnais.

Les densités urbaines montrent la surcharge du centre médiéval, qui compte entre 400 et 800 habitants à l’hectare dans le cadre des anciens remparts. Au sud, le faubourg des Jacobins s’organise autour de l’ancien quartier de cavalerie (caserne Laperrine), mais les dangers présentés par les crues de l’Aude et la présence de terrains militaires ramènent les densités entre 100 et 400 hab./ha.

Les étapes de la croissance révèlent une série de servitudes dues au voisinage de la Cité, impliquant une zone non constructible, à la présence du canal du Midi, creusé par Riquet au xviie s., à l’implantation de la voie ferrée, deux siècles plus tard, dans le même secteur nord. En 1780, 15 000 habitants se pressent dans l’enceinte, mais le Jardin des plantes est aménagé en 1821, le quartier des Jacobins s’organise vers 1830. En 1850, la construction du palais de justice favorise la naissance d’un quartier bourgeois aux immeubles cossus, qui rivalisent avec les hôtels xviie s. de la ville basse. Le Pont-Neuf permet l’essor du quartier de la Trivalle, au pied de la Cité, qui regroupe les ouvriers des manufactures de drap. La vieille ville conserve les organes de direction et le commerce de détail : place Carnot, rues de Verdun et Courtejaire. En 1960, un troisième pont est lancé sur l’Aude ; depuis, les lotissements et les immeubles collectifs se multiplient à la périphérie. Mais un tiers des constructions date d’avant 1871, deux tiers d’avant 1914 ; la zone industrielle, établie entre la voie ferrée et la route de Pamiers, regroupe surtout des entrepôts destinés à décongestionner le centre.

En effet, Carcassonne reste une ville typiquement languedocienne qui se caractérise par des fonctions industrielles réduites (elle n’a rien gardé de son passé drapier et conserve seulement une usine SOMECA travaillant le caoutchouc pour l’automobile), par des attaches rurales importantes, comme ses voisines Narbonne et Béziers, par un secteur tertiaire hypertrophié, dont les taux d’activité la haussent au même rang que Montpellier, malgré la différence de taille. Ville préfectorale éloignée des centres de décision du Languedoc, mal intégrée à l’espace toulousain, elle a progressé cependant et a franchi le cap des 40 000 habitants depuis 1962. Son dynamisme s’affirme à travers des projets ou réalisations en cours allant de la couverture du canal du Midi en plein centre, pour créer un complexe commercial et socio-culturel, à l’implantation d’un abattoir moderne sur les terrains de la zone industrielle. La richesse architecturale de la Cité et la relative proximité du bassin de Saint-Ferréol, réservoir du canal du Midi, en font une étape touristique sur le grand axe de communication qui relie l’Aquitaine, à l’ouest, au couloir rhodanien, à l’est.

La zone d’influence de la ville s’appuie sur trois relais importants du réseau urbain audois, les centres sous-régionaux de Castelnaudary, le marché du Lauragais, de Quillan, la cité industrielle de la haute vallée de l’Aude, de Limoux, célèbre par ses vins de qualité.

R. D. et R. F.

Carcassonne médiévale

Deux fonctions principales ont orienté l’architecture de Carcassonne : un rôle militaire et les attributions d’une capitale ecclésiastique.

On discute sur les origines de la première enceinte de la Cité. L’attribution aux Wisigoths s’appuie sur une tradition mal fondée. Ses caractères étant ceux d’un castrum du Bas-Empire, il paraît plus normal d’en avancer la construction jusqu’à la fin du iiie ou au début du ive s.

Un perfectionnement notable fut apporté au dispositif de défense avec la construction du château comtal. Cet édifice, remarquable par la régularité de son plan, était daté du xiie s. et donné à la famille Trencavel. On se plaisait à y découvrir le modèle des châteaux de Philippe Auguste, du type du vieux Louvre. Mais, ici encore, la tradition est fortement battue en brèche. M. P. Héliot considère aujourd’hui le monument comme la première manifestation du pouvoir capétien dans le Midi, après la croisade albigeoise. Par la suite, les ingénieurs de Saint Louis élevèrent l’enceinte extérieure, et ceux de Philippe le Hardi renforcèrent les défenses intérieures à l’aide de constructions en bossage aussi belles qu’efficaces.

Au cœur de la Cité, la fonction religieuse est symbolisée par l’ancienne cathédrale Saint-Nazaire, qui juxtapose à une nef romane un chœur gothique aéré et lumineux. Il s’agit là d’un jalon essentiel pour la pénétration du style « rayonnant » dans le Midi, à la fin du xiiie s. (verrières du xvie).

Le caractère en quelque sorte exotique de l’ouvrage est souligné par le voisinage des églises de la ville basse : Saint-Vincent et Saint-Michel. Avec leur large nef unique, ces derniers édifices représentent un autre gothique, propre aux terres méridionales françaises et à la Catalogne.

M. D.

 J. Poux, la Cité de Carcassonne (Privat Toulouse, 1922-1938 ; 5 vol.)./ P. Morel, Carcassonne (Arthaud, 1962).

➙ Aude / Languedoc.