Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

carbone (suite)

Toxicologie des dérivés du carbone


Oxyde de carbone, ou monoxyde de carbone

Produit par toute combustion incomplète du carbone et normalement en petite quantité dans l’organisme humain, l’oxyde de carbone (ou monoxyde de carbone, CO) est un gaz inodore et de même densité que l’air. L’intoxication qu’il provoque est due à sa fixation sur l’hémoglobine, qui interdit le transport de l’oxygène nécessaire à la vie. Le résultat est un coma suivi d’arrêt respiratoire et d’arrêt cardiaque, et les auteurs anciens parlaient en ce cas d’« asphyxie » par l’oxyde de carbone.

Les études des physiologistes français N. Gréhant et Nicloux ont montré un phénomène essentiel : l’existence d’un équilibre réactionnel entre l’oxygène et l’oxyde de carbone, expliquant la réversibilité des troubles lorsque l’intoxiqué est soustrait rapidement au toxique et traité par l’oxygène. L’oxygénothérapie reste le traitement essentiel de l’intoxication oxycarbonée.

• L’intoxication aiguë s’observe sous sa forme habituelle dans les appartements confinés lors d’une fuite de gaz de ville (gaz naturel excepté) ou à la suite d’une combustion incomplète lorsque les produits de combustion passent sur du charbon porté au rouge (poêle à combustion lente) ou lorsqu’une flamme s’écrase sur une paroi froide (chauffe-bain par exemple). Certains gaz d’explosion (coup de grisou), les gaz d’échappement des moteurs, les gaz de foyers d’incendie provoquent aussi des accidents.

Le début clinique se manifeste par une céphalée, des bourdonnements d’oreilles, des vomissements répétés, une impotence musculaire. Puis s’installe un état de confusion mentale, simulant parfois une ébriété aiguë et un coma sans signes de localisation neurologique en foyer, avec pouls rapide, phlyctènes (bulles*) cutanées et hyperglycémie.

Le sujet traité par l’oxygène ou simplement soumis à la respiration artificielle à l’air libre guérit souvent au prix d’une asthénie, avec céphalées, vertiges, amnésie persistant parfois plusieurs mois. Des complications peuvent survenir : respiratoires (œdème pulmonaire), cardiaques (ischémies transitoires) ou neurologiques (ramollissements cérébraux, nécrose du pallidum [l’un des noyaux gris centraux du cerveau], s’accompagnant d’hypertonie, parfois de mouvements involontaires, de troubles diffus avec confusion mentale prolongée, d’états simulant une démence, névrite, amaurose). Certaines surviennent avec retard, et leur évolution est en général très longue ; l’état ne s’améliore qu’au bout de plusieurs mois.

Le traitement de l’intoxication aiguë comprend des manœuvres immédiates de réanimation et l’oxygénothérapie d’urgence, si possible dans un caisson.

Les dosages de l’oxyde de carbone sous pression peuvent être effectués dans l’air par des tubes réactifs, le taux rapidement mortel étant supérieur à 1 partie pour 1 000 d’air.

Les études spectroscopiques de l’hémoglobine montrent un rapport carboxyhémoglobine / hémoglobine totale de l’ordre de 66 p. 100 (coefficient de Balthazard), équivalent à 100 ml d’oxyde de carbone par litre de sang environ.

• L’intoxication chronique par de faibles doses d’oxyde de carbone, de l’ordre de 100 parties par million de parties d’air (100 p.p.m.), provoque des troubles peu caractéristiques : céphalées, vertiges, amaigrissement. Elle s’accompagne d’une élévation du taux d’oxyde de carbone sanguin, qui est normalement de 5 ml par litre de sang. Une élévation de 10 à 15 ml par litre n’est pas rare chez les fumeurs.


Sulfure de carbone

Le sulfure de carbone est préparé par l’action de vapeur de soufre sur le coke incandescent et, à cette occasion, peut provoquer des troubles par inhalation.

L’un des secteurs les plus exposés à l’intoxication professionnelle par le sulfure de carbone est l’industrie de la soie artificielle, dite « viscose », qui comprend l’attaque de cellulose par du sulfure de carbone dans des malaxeurs.

L’intoxication aiguë paraît extrêmement dangereuse pour des doses de l’ordre de 10 g absorbées per os, provoquant coma et arrêt respiratoire. L’intoxication la plus connue correspond à l’inhalation de taux de l’ordre du milligramme par litre d’air, provoquant maux de tête et vertiges en quelques heures et parfois des troubles persistants, essentiellement digestifs. Pour des taux beaucoup plus faibles, l’intoxication chronique peut survenir, où l’on note essentiellement une fatigabilité, des vertiges, des maux de tête, des troubles du goût et de l’odorat, des troubles digestifs avec nausées et vomissements, puis des troubles de comportement qui peuvent survenir après quelques semaines d’exposition, caractérisés en général par une excitation psychomotrice avec tendance hallucinatoire ou, au contraire, état dépressif secondaire aux céphalées. Des polynévrites toxiques atteignant les membres inférieurs, les membres supérieurs et parfois les nerfs sensoriels ont été notées, ainsi que des troubles moteurs extrapyramidaux avec hypertonie et mouvements involontaires. L’altération s’étend à d’autres fonctions de l’organisme, en particulier endocriniennes, et les troubles peuvent être persistants, le pronostic étant assez réservé pour les troubles psychiques et les polynévrites.

Le sulfocarbonisme professionnel est une maladie professionnelle à déclaration obligatoire, mentionnant troubles psychiques, polynévrites et névrites, amblyopie, syndrome digestif subaigu, dermite chronique et récidivante, accidents encéphalitiques aigus en dehors des cas considérés, comme l’accident du travail.

La concentration maximale admissible est de l’ordre de 5 à 20 p.p.m. (parties par million) selon les pays.


Tétrachlorure de carbone

V. solvants* chlorés.

E. F.

Willard Frank Libby

Chimiste américain (Grand Valley, Colorado, 1908). Il a expliqué la formation de tritium et de carbone 14 dans l’atmosphère et imaginé la méthode de datation des objets anciens par dosage de cet isotope. (Prix Nobel de chimie en 1960.)

➙ Cycles biosphériques.