Écrivain roumain (Haimanale, près de Tîrgovişte, 1852 - Berlin 1912).
Issu d’une famille de gens de théâtre, il fut copiste dans un tribunal, souffleur au Théâtre national de Bucarest, inspecteur d’écoles, employé à la Régie des monopoles d’État, patron de brasserie, directeur du Théâtre national de Bucarest. Enfin, à partir de 1904, il s’établit à Berlin, gardant toutefois d’étroites liaisons avec les milieux culturels roumains.
Il avait débuté en 1873 en donnant des nouvelles et des vers à la revue humoristique Ghimpele (l’Épine), puis, de 1877 à 1901, il édita les revues humoristiques Claponul (le Chapon) et Calendarul claponului (le Calendrier du chapon), la revue Vatra (le Foyer), la revue satirique Moftul romîn (la Bagatelle roumaine). Parallèlement à cette intense activité journalistique paraissaient ses créations dramatiques, qui l’imposèrent vite comme une valeur sûre de la dramaturgie roumaine et du théâtre universel. Les comédies O noapte furtunoasă (Une nuit orageuse, 1873), Conu Leonida faţă cu reacţiunea (Monsieur Léonidas face à la réaction, 1879), D-ale carnavalului (Pendant le carnaval, 1885) et surtout O scrisoare pierdută (Une lettre perdue, 1884) traduisent son art parfait de la construction dramatique, la finesse de son observation, sa maîtrise des ressources comiques, du comique de caractère au comique de mœurs et de langage. Avec le drame Năpasta (la Malédiction, 1890) et des nouvelles comme Păcat (Péché), O făclie de Paşti (Un cierge de Pâques, 1892 ; publiée en 1908) — cette dernière considérée comme la première grande nouvelle psychologique de la littérature roumaine — et În vreme de război (Par temps de guerre, 1899 ; publiée en 1908), Caragiale révèle d’exceptionnels dons d’analyste. Dans les contes fantastiques (Kir Ianulea, Abu-Hassan, Calul dracului [le Cheval du diable]), il utilise d’une manière savoureuse l’anecdote orientale qui caractérisait le milieu roumain phanariote du commencement du siècle passé ; le vrai penchant de son art reste pourtant le réalisme, greffé sur une sensibilité esthétique de nuance classique. Les personnages de Caragiale concrétisent, en une diversité de types sociaux, la caractérologie humaine. Les volumes Schiţe uşoare (Esquisses légère, 1896), Momente (Moments, 1901) et Schiţe noua (Nouvelles Esquisses, 1910) prolongent et développent l’humour des comédies, faisant appel aux moyens spécifiques du genre : croquis rapides, fixant le personnage en une attitude révélatrice et dont l’ensemble donne une image kaléidoscopique de la petite bourgeoisie roumaine. D’autres fois, comme dans le pamphlet politique 1907 din primăvară pînă în toamnă (l’Année 1907, du printemps jusqu’à l’automne), la satire devient virulente, lorsque Caragiale dénonce les responsabilités dans la grande révolte paysanne de Roumanie. C’est cette acuité du trait et cette variété de registre qui, aujourd’hui encore, font de l’œuvre de Caragiale un modèle de style et d’analyse psychologique.
T. B.
T. Vianu, la Vie de I. L. Caragiale (en roumain, Bucarest, 1940). / S. Iosifescu, le Moment Caragiale (en roumain, Bucarest, 1963). / S. Cazimir, Caragiale, l’univers comique (en roumain, Bucarest, 1967). / G. Călinescu, « Domina bona » dans Principes d’esthétique (en roumain, Bucarest, 1968).