Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

capillarité

Faculté que possède un corps d’absorber ou de retenir dans ses pores non clos, appelés capillaires, un liquide non dissolvant, mais mouillant.


La capillarité porte le nom d’hygroscopicité quand le liquide mouillant est l’eau. Elle est la manifestation d’un certain degré d’affinité d’ordre moléculaire entre liquide mouillant et solide mouillé ; cette affinité est maximale pour les liquides qui s’étalent complètement sur le solide, jusqu’à ce que l’angle de raccordement qu’ils font entre eux soit pratiquement nul. Si α est cet angle, on a alors cos α = 1. L’affinité varie comme cos α ; quand cos α = 0 (α = 90o), l’affinité est nulle ; si α > 90o, cos α devient négatif, ainsi que l’affinité (elle est répulsive) : c’est le cas de la goutte de mercure sur une plaque de verre.


Ascension capillaire

Si l’on prend un tube de verre à très fin rayon, dit « tube capillaire », et qu’on plonge verticalement sa partie inférieure dans un récipient rempli d’eau, on constate, si le tube a bien été dégraissé à l’éther, de manière que l’affinité au mouillage soit totale, que l’eau s’élève dans le capillaire jusqu’à une certaine hauteur, d’autant plus grande que le capillaire est plus fin, exactement comme si l’eau était refoulée à l’intérieur du tube par une pression, appelée de ce fait pression capillaire. Il ne s’agit pas de la manifestation d’une pression extérieure telle que la pression atmosphérique. Il s’agit en fait d’une « succion » interne ; la colonne d’eau est attirée et soutenue par le haut, à la ligne de raccordement d’un ménisque concave, par l’effet de la tension superficielle A, qui vaut, à la température ambiante, 75 dynes par centimètre de raccordement (soit sensiblement 75 milligrammes-force par centimètre) ; si l’affinité est totale, la résultante est 2πr × A (r étant le rayon du capillaire), car le ménisque de raccordement est alors-une demi-sphère, et les forces de traction et de sustentation à la paroi sont verticales. Si l’affinité n’est pas totale, le ménisque est une calotte sphérique se raccordant sous un angle α, et la résultante des forces de sustentation est égale à
2πr A cos α.
Le poids de la colonne soulevée, qui est équilibrée par la force de traction, est égal à πr2 H ρg. Dans cette formule, où les quantités sont exprimées en unités C. G. S., H est la hauteur de la colonne de liquide, ρ sa masse volumique et g l’accélération de la pesanteur, que, en première approximation, l’on peut prendre égale à 1 000 ; on a donc
2πr A cos α = πr2 H ρg,
d’où
Dans le cas de l’eau, ρ = 1, et la hauteur à laquelle s’élève le liquide dans le tube capillaire est donnée en centimètres par la formule C’est la loi de Jurin, généralisée pour tous les degrés d’affinité au mouillage.

La pression capillaire, exprimée en dynes par centimètre carré ou sensiblement en milligrammes-force par centimètre carré, est ρ = Hρg, d’où


Hauteur d’ascension capillaire

La pression capillaire et la hauteur d’ascension qui en résulte sont toutes deux inversement proportionnelles au rayon du tube capillaire. On pourrait donc estimer, a priori, que, si r tend vers zéro, la pression capillaire et la hauteur d’ascension croissent infiniment. Il n’en est rien. Tout d’abord l’eau dans le capillaire est, au niveau de l’eau du récipient, soumise à la pression atmosphérique pa, et la pression de l’eau, en s’élevant dans le tube, devient pa – ρgh, h étant la hauteur au-dessus du niveau de l’eau du récipient ; au sommet de la colonne liquide de hauteur H, la pression est pa – ρgH ; si le tube est assez fin pour que H atteigne 1 033 cm (en chiffre rond 10 m), on a pa – ρgH = 0, et la pression juste sous le ménisque est nulle ; si H > 1 033 cm, la pression devient négative, ce qui, apparemment, n’a pas de sens ; on pourrait donc estimer que la hauteur d’ascension capillaire ne peut dépasser 1 033 cm. En réalité, la hauteur d’ascension capillaire peut dépasser notablement 1 033 cm, car, si l’eau est purgée d’air dissous qui formerait bulle dans la colonne, la rupture par traction de la colonne d’eau ne peut se faire que si la résistance intrinsèque à la traction de l’eau est atteinte. Cette limite est, d’après Laplace et Van der Waals, de 10 000 bars ; cela limiterait l’ascension capillaire à 100 km de hauteur. Ce n’est pas non plus possible, car il faudrait un tube capillaire de rayon r = 0,154 × 10−4 cm : c’est impossible, car on serait non plus dans le domaine du vide capillaire, mais dans celui du vide moléculaire, et il existe une barrière entre les deux vides. En fait, les lois de la capillarité, qui donnent les valeurs des quantités p et H, se modifient rapidement dès que le rayon du capillaire atteint 15 × 10−4 cm, et la hauteur H est limitée à 1 000 m et non à 100 km.

Physiquement, ce n’est pas possible non plus, car il y a une différence entre le rayon géométrique du capillaire et son rayon effectif ; ce dernier limite la largeur offerte à la circulation de l’eau du fait des molécules d’eau adsorbées et rigidifiées à la paroi interne du tube : le capillaire est rigoureusement obturé au point de vue de l’ascension de l’eau bien avant que son rayon r soit nul géométriquement.


Durée de l’ascension capillaire

La vitesse de circulation de l’eau dans un capillaire horizontal sous l’action d’une pression extérieure P fixe, pression dite « hydrostatique », est proportionnelle au carré du rayon r du capillaire. Comme, d’autre part, la pression capillaire est inversement proportionnelle à r, il en résulte que la propagation horizontale se fait à une vitesse V proportionnelle à

En ascension verticale, la force d’ascension, que l’on peut comparer à un tracteur, doit tirer la colonne pesante, d’autant plus lourde que l’on approche de la hauteur maximale H ; la vitesse diminue constamment et devient voisine de zéro quand la hauteur de la colonne h approche de la hauteur maximale H. Cette dernière ne sera atteinte qu’au bout d’un temps infini, et cela même dans l’hypothèse qu’il n’y aura aucune évaporation par le haut, ce qui réduirait la hauteur H à une limite H′ (H′ < H). Il faut tenir compte non seulement de la hauteur d’ascension H, mais aussi, et plus encore peut-être dans la pratique, de la durée d’attente pour qu’un niveau déterminé soit atteint. C’est ainsi que, dans un matériau poreux dont le rayon moyen des capillaires est de 1 μ, soit r = 10−4 cm, la hauteur maximale d’ascension de l’eau est

Dans un mur vertical constitué avec ce matériau, béton fin par exemple, la hauteur effectivement atteinte dans les conditions les plus favorables à la montée capillaire de l’eau du sous-sol (c’est-à-dire en l’absence d’évaporation) est de 5 m en 11 jours, de 10 m en 62 jours, de 13,50 m en 200 jours. La hauteur de 15 m ne serait atteinte qu’au bout d’un temps infini.