Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Afrique noire (suite)

Méroé fut détruite, et son empire fut relayé au ive s. de notre ère par Aksoum*, dont les souverains se convertirent au christianisme et dont l’empire, en relation régulière avec l’Égypte et Byzance, s’étendit sur les côtes de la mer Rouge jusqu’au Yémen. Aksoum résista aux invasions islamiques du viie s., et ses habitants chrétiens, ont contribué à l’organisation de l’Église copte.


Les États soudaniens

De Méroé, des influences égyptiennes gagnèrent le Soudan occidental par les pistes caravanières vers le Kordofan, le Darfour et le lac Tchad. On croit également les déceler, selon un axe nord-sud, vers la Rhodésie. Mais l’obscurité domine encore sur la genèse des États du Soudan, nés du chameau, introduit au Sahara au ier s. de notre ère, et de la symbiose entre pasteurs nomades blancs et agriculteurs sédentaires noirs.

Des formes d’organisation territoriale ancienne existaient chez les Mandings, où le Kafou réunissait plusieurs villages sous l’autorité d’un chef. Le groupement de nombreux Kafous et la formation de grands États remontent, semble-t-il, à l’apparition de l’islām. Dans tous ces États, qui ont coexisté et où, tour à tour, le Ghāna et le Tekrour, le Mali et le Songhaï ont exercé la prépondérance au Sénégal et dans la boucle du Niger, alors qu’à l’est le Kanem et le Bornou contrôlaient les routes transsahariennes aboutissant au Tchad, on retrouve un roi divinisé, invisible pour ses sujets, embaumé après sa mort, assisté de nombreux fonctionnaires qui percevaient l’impôt, surveillaient les artisans et les artistes établis près du palais, et contrôlaient le grand commerce caravanier. Pratiqué par les chameliers nomades, celui-ci échangeait le sel, le natron des oasis, les peaux, puis les produits artisanaux du Maghreb contre le mil, les esclaves et la kola de la ceinture forestière.

Les premières dynasties paraissent avoir été blanches. Les Noirs leur ont succédé, témoignant de la stabilité du sédentaire face au nomade (Ghāna*, Mali*, Songhaï*, Bornou*).

Ces grands États ont rivalisé entre eux et guerroyé contre les Mossis de la Haute-Volta. Grâce à leur richesse en fer et en bois, et à leur cavalerie bien armée, ces derniers n’ont jamais été soumis et se montrèrent par la suite imperméables à l’islamisation.

La description, par le chroniqueur arabe al-Mas‘ūdi, au xe s., de l’empire dont les chefs firent construire en pierre l’imposante capitale de Zimbabwe apparente cet État aux monarchies soudanaises. Un important commerce d’or et d’ivoire avec Sofala, l’Arabie et l’Inde explique sa puissance. Les ruines de Zimbabwe ont été datées du xie s. par le carbone 14. L’archéologie permettra sans doute de préciser les sites et les époques des autres États du type soudanien qui ont pu se développer dans l’Afrique bantoue entre l’Abyssinie et la Rhodésie — et peut-être jusque dans le golfe de Guinée.


Le millénaire du commerce périphérique

Des « siècles obscurs » continuent à régir l’histoire de l’intérieur du continent jusqu’au moment où sa conquête par les Européens le dotera des documents d’archives et des équipes de chercheurs qui lui assureront une histoire du type occidental. Mais, alors qu’à l’exception de la côte orientale l’Afrique noire est restée relativement isolée et que son évolution a surtout été commandée par des migrations et des événements intérieurs, l’apparition d’établissements étrangers permanents sur les côtes et les poussées musulmanes au Soudan ont orienté vers le littoral des régions plus ou moins étendues. Comme ces étrangers ont fourni sur ces pays des documents écrits, les historiens ont tendance à conter une histoire européano- ou islamo-centriste. Il reste cependant incontestable que la pression exercée par ces étrangers a orienté l’évolution de bien des peuples noirs, tout comme avaient fait l’influence grecque sur le monde romain et celle de Rome sur le monde gaulois.


La première poussée musulmane

Si les premières colonies des chī‘ites, expulsés d’Oman, apparurent au viiie s., bientôt suivies par celles des sunnites de la côte orientale du golfe Persique, c’est dans les États soudanais que l’influence de l’islām fut la plus profonde et la plus durable. L’islām pénétra au Ghāna dans la seconde moitié du xie s., venant du nord. Au bout de quinze ans de lutte (1061-1076), les Almoravides* réussirent à prendre et à piller Ghāna. Après la conversion de ses rois, l’empire de Ghāna ne retrouva plus son ancien éclat. Les chefs des autres États soudanais passèrent également à l’islām, progressivement suivis par la plupart de leurs sujets. Il en résulta une civilisation négro-musulmane très brillante. Les villes se développèrent autour de mosquées en briques cuites, qui abritaient souvent des universités. Les institutions coraniques apparentèrent ces États aux sultanats arabes. Le commerce avec l’Afrique du Nord s’intensifia.


Les tribus courtières

Sur les côtes, la pénétration étrangère fut beaucoup plus limitée. Le contact entre les cultures africaines et étrangères s’établit par l’intermédiaire de tribus qui assurèrent le transport et la distribution des produits. Selon les lieux et les temps, les marchés de la côte ou de l’intérieur eurent plus ou moins de rayonnement, mais jusqu’à la colonisation du xixe s. ce furent presque uniquement des tribus noires qui relièrent les colonies ou les factoreries littorales aux marchés de l’intérieur. Cela s’explique autant par les intérêts essentiellement commerciaux des étrangers que par les difficultés de pénétration à travers des régions malsaines.

Installés d’abord à Mogadiscio (Somalie) et à Kilwa, les Arabes multiplièrent leurs comptoirs sans beaucoup développer leur commerce. Ce fut seulement au xiiie s. que la prospérité de Kilwa et de Sofala s’affirma par l’exportation de l’or et du cuivre de Rhodésie. Mombasa et Malindi fournirent du fer aux armuriers de l’Inde. L’ivoire et les esclaves furent recherchés sur toute la côte, du nord de la Somalie à la Rovouma. Cependant, lorsqu’on fouille les sites des remarquables constructions en pierre de Zimbabwe et du Monomotapa, on n’y trouve pas trace d’islamisation. Le long du parcours entre la côte et les sources d’or, d’ivoire et d’esclaves, chaque ethnie assurait ou contrôlait le passage des marchandises sur son territoire.