Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

canuts (la révolte des) (suite)

L’insurrection maîtresse de Lyon

En fait, l’insurrection est embarrassée de sa victoire. Beaucoup d’ouvriers rentrent chez eux, tandis que s’organise, le 23 novembre — 2 frimaire an XL —, un « état-major provisoire », appelé ainsi parce que les chefs des ouvriers se réunissent dans le bureau de l’état-major de la garde nationale. Il s’agit d’une municipalité de circonstance qui laisse au préfet une autorité de fait.

À la tête de la « municipalité » insurrectionnelle, aux pouvoirs d’ailleurs mal définis, se distinguent les chefs des « volontaires du Rhône » : Lacombe, Romand, Boisset. Le 27 novembre, ce dernier invite par lettre les fabricants à se réunir le 29 pour nommer 24 délégués qui, avec les représentants des ouvriers, opéreront la révision du tarif. L’annonce que Louis-Philippe vient de commander 640 000 francs de soieries d’ameublement incite à un certain optimisme.

C’est se tromper du tout au tout. Le duc d’Orléans et Soult rassemblent aux portes de Lyon (du côté de Vaise) près de 18 000 hommes. Les vues de Soult sur l’insurrection se résument dans la lettre que, le 29 novembre, il adresse au roi : « Le mouvement social qui a soulevé à Lyon les dernières classes du peuple menace l’existence même de la société. » Ce qui est faux, car les insurgés prennent soin d’éviter tout pillage et font garder les entrées de la Monnaie et de la Recette générale.


L’ordre règne à Lyon

Le 1er décembre, les barrières Saint-Just et Saint-Georges tombent aux mains des troupes royales ; le lendemain, le 66e régiment d’infanterie occupe la Croix-Rousse ; le 4, le duc d’Orléans et Soult entrent dans la ville. La répression n’est pas sanglante — la cour de Riom acquittera les chefs insurgés ; elle consiste surtout dans le fait, terrible dans ses conséquences, que le tarif du 25 octobre est abrogé par Soult dès son installation à Lyon, et aussi dans la surveillance sévère dont les quartiers ouvriers de Lyon seront désormais l’objet. Le 6 décembre, Casimir Perier rappelle le préfet Bouvier-Dumolard et le remplace par un homme à poigne, Gasparin, préfet de l’Isère. La garde nationale de Lyon est licenciée ; la ville aura désormais 20 000 hommes de garnison.

Cette révolte de la misère, la première grande insurrection ouvrière qu’ait connue notre pays à l’époque contemporaine, provoque des réactions passionnées. Les possédants applaudissent à son écrasement. Ce conflit social ne suggère aux pouvoirs publics qu’une idée, rétablir l’ordre.


Les conséquences

Si la plupart des publicistes se montrent féroces à l’égard des canuts insurgés, La Mennais — que vient d’atteindre le blâme de Grégoire XVI — les salue comme les « défenseurs d’une cause juste » ; le spectacle de la révolte lyonnaise précipite certainement son évolution idéologique, et il y a beaucoup de la douleur des canuts dans les Paroles d’un croyant.

Karl Marx, à propos de l’insurrection de Lyon, parlera du « cri de guerre du prolétariat moderne ». Et Lafargue lui accordera autant d’importance qu’à la Commune de Paris. Proudhon fera de la misère lyonnaise un élément de sa philosophie. Ainsi, la révolte des canuts entre dans l’idéologie socialiste.

À Lyon, le souvenir de l’insurrection de 1831 contribuera fortement à la propagation d’un républicanisme actif et progressif ainsi qu’au développement du mutuellisme. En février 1834, une réduction de 25 centimes par aune sur le prix de façon des peluches provoquera un mouvement général de solidarité chez les ouvriers en soie ; le 14 février, 2 000 cesseront de battre. Par crainte d’une répression accrue, les meneurs finiront par faire reprendre le travail le 24 février. Mais si le but de la grève générale n’est pas atteint, les ouvriers ont fait la preuve de leur solidarité : événement dont la nouveauté frappe le monde entier.

P. P.

➙ Lyon / Ouvrière (question) / Socialisme.

 F. Rude, C’est nous les canuts. L’insurrection lyonnaise de 1831 (Domat, 1954). / M. Moissonnier, la Révolte des canuts. Lyon, novembre 1831 (Éd. sociales, 1958 ; nouv. éd., 1975).

caoutchouc

Produit élastique obtenu à partir de la sève de certains végétaux (caoutchouc naturel) ou résultant de réactions chimiques de synthèse (caoutchouc synthétique).



Caractères communs à tous les caoutchoucs


Constitution

Du point de vue chimique, les caoutchoucs entrent dans la famille des polymères. Ils sont souvent désignés par le mot élastomère, qui évoque bien le caractère élastique que ces polymères possèdent ou qu’ils sont susceptibles d’acquérir. Les polymères sont constitués par des macromolécules, longues chaînes résultant de l’union d’un très grand nombre de molécules simples, ou monomères, qui se soudent les unes aux autres dans certaines conditions. De l’union de molécules de même nature résulte un polymère. De l’union de molécules de nature différente naît un copolymère. Certains caoutchoucs sont des polymères, d’autres des copolymères.


Caractères physico-chimiques

À tous les stades de leur existence, les caoutchoucs présentent à la fois un caractère plastique et un caractère élastique. À l’état brut, ils sont dans un état à prédominance plastique. Ils sont alors aptes à subir des déformations et à conserver ensuite, plus ou moins intégralement, la forme qui leur a été conférée. Ce caractère plastique, qu’il est parfois nécessaire d’accentuer, par exemple en les soumettant à un travail mécanique dit « de plastification » (malaxage), est mis à profit dans l’industrie lors des opérations de mise en forme des articles. Dans leur état à prédominance élastique, les caoutchoucs peuvent encore être déformés sous l’effet de contraintes, mais ils reprennent à peu près intégralement leur forme initiale dès lors que cessent ces contraintes. Tous sont aptes à subir des modifications de nature chimique qui créent des liaisons, ou ponts, entre les chaînes macromoléculaires qui les constituent. Dans un caoutchouc à l’état originel, ces chaînes sont toujours plus ou moins enchevêtrées et plus ou moins liées, mais elles possèdent une relative liberté de mouvement qui est à l’origine de la plus ou moins grande plasticité du matériau qu’elles constituent. Plus cette liberté est grande, plus élevée est la plasticité. Si l’on parvient à créer des liaisons supplémentaires entre ces chaînes, celles-ci pourront, par la suite, obéir encore à certaines sollicitations, mais l’amplitude de leurs mouvements relatifs sera alors bien moindre que si elles étaient libres. Surtout, elles auront tendance à reprendre leur position initiale lorsque les contraintes cesseront de leur être appliquées. Le matériau constitué par de telles chaînes liées les unes aux autres par un certain nombre de ponts voit son caractère à prédominance plastique remplacé par un caractère à prédominance élastique. Du nombre de ponts dépend l’aptitude d’un caoutchouc à se laisser déformer. Si ce nombre est trop grand, il devient pratiquement indéformable. On se trouve en présence d’une ébonite. En 1839, l’Américain Charles Goodyear (1800-1860) remarqua qu’un mélange de caoutchouc et de soufre qui était tombé malencontreusement sur un poêle restait, après refroidissement, étonnamment souple et élastique : au sein du morceau de caoutchouc, le soufre avait créé des liaisons entre les chaînes macromoléculaires. Mais ce fut l’Anglais Thomas Hancock (1786-1865) qui, le premier, en 1842, utilisa le terme de vulcanisation pour désigner l’opération utilisant le soufre en vue de conférer des propriétés élastiques aux caoutchoucs. À l’heure actuelle, on réserve le nom de vulcanisation aux opérations faisant intervenir le soufre et on utilise le terme plus général de réticulation, qui suggère bien l’idée de réseau formé par les chaînes macromoléculaires et les ponts qui les relient, pour désigner l’ensemble des réactions chimiques ayant un effet identique. Le soufre reste le corps le plus souvent utilisé pour réticuler les élastomères, mais on adjoint au mélange caoutchouc-soufre des accélérateurs de vulcanisation et des produits tels que l’oxyde de zinc et certains acides gras comme l’acide stéarique. Dans la grande majorité des cas, les opérations de vulcanisation doivent être conduites à des températures situées entre 130 et 190 °C, ce qui explique le terme de cuisson employé pour désigner ces opérations.