Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

canon (suite)

Vers le canon moderne

L’édit de Blois (1532) fixa les six calibres de France allant du canon de 33 livres, pesant 4,3 t et tiré par 23 chevaux en flèche, au fauconneau de 3/4 de livre, pesant 400 kg. Au xviie s., pour la guerre de siège, le tir courbe s’affirme avec le mortier à tube très court, solidaire d’une plaque qui transmet au sol la réaction du tir ; il lance des boulets et des obus formés de deux hémisphères creux, chargés d’un mélange de poudre et de salpêtre. Au xviiie s., les progrès de la technique sont considérables et permettent, grâce à Jean Florent de Vallière (1667-1759) et Jean-Baptiste Vaquette de Gribeauval (1715-1789) [v. artillerie], un prodigieux essor de l’artillerie, marqué notamment par l’apparition d’obusiers à tube très court, destinés au tir courbe ; bouches à feu et affûts ont une durée de vie d’environ 1 000 coups. L’opération d’alésage, avec un outil qui tourne et avance à l’intérieur du tube suspendu verticalement, est lente et délicate. Vers 1730, les Maritz (Jean [1680-1743] et son fils Jean [1711-1790]) imaginent le banc à forer horizontal, sur lequel on fait tourner le tube sur lui-même tandis que l’outil n’a qu’un mouvement d’avance. Les alésages sont ainsi plus réguliers, ce qui réduit le vent entre l’âme du canon et le boulet.

Aucun fait nouveau n’apparaît jusque vers 1840 ; on découvre alors l’intérêt, pour les canons, de la rayure inclinée, déjà utilisée pour les carabines, et on apprend à stabiliser par rotation des projectiles oblongs, auxquels on réserve désormais le nom d’obus. Krupp en Prusse, Vickers et Withworth en Angleterre réalisent les premiers canons en acier munis d’une culasse, dont la résistance plus grande permet d’accroître la portée à 4 km (contre 3 pour le canon en bronze). Les travaux d’Antoine Treuille de Beaulieu (1809-1886) et de Jean-Baptiste Dieudonné Verchère de Reffye (1821-1880) aboutissent à la culasse à vis et à l’obturateur plastique, dont seront munis les canons du système de Bange (1880). La théorie des bouches à feu développée par Rankine en Angleterre, Gadoline en Russie et Virgile en France permet de calculer l’épaisseur des parois d’un tube en fonction de la pression maximale développée par la combustion de la charge. L’emploi de douilles autorise celui des culasses à coins ou à vis excentrée. On augmente la pression maximale qu’une bouche à feu peut supporter soit par la technique du frettage, dans laquelle le tube est monté avec serrage dans une ou plusieurs frettes concentriques, soit par l’autofrettage, dont la théorie fut mise en application après 1918 et qui permet d’accroître la résistance d’un tube monobloc en réalisant par pression hydraulique intérieure un serrage continu des couches de métal les unes sur les autres. Vers 1880, on commence à utiliser les poudres sans fumée, de combustion plus régulière et d’énergie spécifique plus élevée que la poudre noire ; elles permettent d’accroître la puissance des canons, tandis que le lien élastique maîtrise leur recul. De ces progrès naîtra le canon de 75 modèle 1897, premier matériel moderne à tir rapide, dont le frein hydropneumatique fut réalisé par Albert Deport (1846-1926) et Etienne Sainte-Claire Deville (1857-1944).

Puissance et spécialisation : le canon au xxe s.

Au cours de la guerre de 1914-1918, les canons de moyens et gros calibres se multiplient : obusiers de 105 à 280 mm, canons de 155, tel le G. P. F., premier matériel pourvu d’un affût biflèche, mortier lourd (420 mm Krupp), canons de marine de 164 à 380 mm montés sur trucks de voie ferrée, parfois mis en batterie sur plate-forme, comme la grosse Bertha allemande de 220 mm, qui tira sur Paris avec une portée supérieure à 100 km. La durée de vie des tubes se chiffre en milliers de coups pour des portées de 15 à 25 km (10 000 coups pour les canons de campagne dont la portée est de l’ordre de 10 km). La guerre de tranchées engendre un large emploi de mortiers de tous calibres (Minenwerfer allemand, mortier d’infanterie Brandt de 81 mm, etc.).

Entre les deux guerres, de nouveaux canons apparaissent, destinés à des missions spécialisées : canons antiaériens, canons de chars et antichars. La Seconde Guerre mondiale verra l’apparition des canons sans recul et des automoteurs, tandis qu’on assiste à un accroissement général des calibres employés allant jusqu’aux canons gigantesques de 600 à 800 mm utilisés par les Allemands au siège de Sébastopol. Dès cette époque, toutefois, les progrès de l’aviation de bombardement diminuent la valeur de ces gros matériels, et c’est surtout pour tirer les premiers obus atomiques encore volumineux que les Américains, suivis des Soviétiques, réalisent vers 1950 un canon de 280 mm. La miniaturisation des projectiles nucléaires comme les progrès des missiles et des roquettes conduisent rapidement à l’abandon des gros canons atomiques. En dehors des obusiers de 203 mm sur affût chenillé, les canons tendent depuis 1960 à se situer entre 155 et 175 mm avec des tubes de 50 à 70 calibres et une portée de 20 à 32 km. Il apparaît même une tendance assez nette à ne retenir que le calibre de 155 mm, susceptible désormais de tirer des obus atomiques, et celui de 105 mm en version légère (portée 15 km), car les multiples lance-roquettes peuvent remplir maintenant certaines missions de l’artillerie. Les canons de chars et de chasseurs de chars (calibre de 90 à 120 mm) se sont au contraire multipliés, et, si les matériels lourds antiaériens sont supplantés par des missiles sol-air, il reste une gamme de canons automatiques de D. C. A. de 30 à 57 mm en version mono- ou bi-tube sur affût tracté ou automoteur blindé, asservis à des radars et calculateurs de tirs électroniques. En France, la marine ne conserve pratiquement qu’un canon de 100 mm automatique, tirant à 60 coups par minute un projectile de 13,5 kg sur buts aériens ou flottants (portée 17 km). En dehors des armes lourdes d’infanterie (v. mitrailleuse), il faut mentionner les canons sans recul épaulés de 75 à 90 mm, ou sur bipied jusqu’à 105 mm, qui constituent une arme lourde apte à la défense antichar à courte distance.

R. S.

➙ Arme / Armement / Artillerie / Explosif / Missile / Mitrailleuse / Poudre / Projectile / Tir.

 Général Alvin et colonel André, les Canons en service (Lavauzelle, 1930). / L. Rivals, les Matériels d’artillerie (École nationale supérieure de l’armement, 1954-1967 ; 4 vol.).