Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

canon (suite)

• L’affût est formé en principe de deux parties : un petit affût pivotant sur lequel reposent les tourillons et dont les déplacements angulaires horizontaux sont assurés par un mécanisme de pointage en direction ; un affût fixe qui supporte l’ensemble petit affût - masse oscillante, appelé masse pivotante. Cet affût fixe est monté sur roues munies de pneumatiques, sur plate-forme ou sur châssis chenillé blindé (dit « automoteur ») ou non blindé (dit « automouvant »).

• Le lien élastique, interposé entre la bouche à feu et sa glissière, comporte le frein hydraulique, le récupérateur (pneumatique ou à ressort), qui est comprimé pendant le recul et dont la détente ramène la bouche à feu dans sa position initiale, le modérateur, autre frein hydraulique, et l’amortisseur de rentrée en batterie, qui ralentissent ce mouvement et évitent qu’il ne se termine par un choc.

Le centre de gravité de l’ensemble projectile - charge de poudre - bouche à feu demeure immobile en application du principe de l’inertie ; au départ de l’obus correspond une impulsion brutale de recul sur le canon, qui peut se chiffrer pendant quelques millièmes de seconde en milliers de kilonewtons. Grâce au lien élastique, on la transforme en une force de 10 à 20 fois plus faible, dont l’action dure quelques dixièmes de seconde. On peut ainsi immobiliser l’affût sur le terrain à l’aide de bêches d’ancrage ou par son propre poids (automoteur) sans imposer au matériel trop d’efforts.

• Le pointage du canon est assuré à l’aide d’un goniomètre optique et, pour le tir direct antichar, par une lunette graduée. Pour pointer correctement en direction lorsque le canon ne tire pas près de l’horizontale, il est indispensable de définir un axe vertical. Comme l’axe des tourillons d’une pièce en batterie ne peut en général être rendu horizontal, le goniomètre doit comporter deux correcteurs d’inclinaison munis de niveaux à bulle et permettant de maintenir verticale la colonne qui le supporte. Le premier permet de tenir compte de l’inclinaison du tube, le second élimine l’erreur due à l’inclinaison des tourillons, ou dévers. Ainsi le pointeur peut inscrire la dérive, écart angulaire entre la direction du tir et une direction repère, et l’angle au niveau à donner au tube. Il agit ensuite sur les volants de pointage tout en visant la direction repère et en maintenant en place les bulles des niveaux.


Équilibrage de l’arme en vue du tir

Afin d’éviter les efforts excessifs lors du pointage en hauteur, la masse oscillante doit être équilibrée, ce qui conduirait, pour pouvoir tirer sous grands angles, à placer les tourillons à une grande hauteur et rendrait impossible le chargement de la pièce à l’horizontale. On place donc les tourillons très à l’arrière sur la glissière et on interpose entre celle-ci et le petit affût un équilibreur pneumatique ou à ressort avec un mécanisme à cames ou à levier pour compenser ce report des tourillons. Dans les blindés, on avance au maximum le tube vers l’extérieur et on utilise largement l’hydraulique pour l’équilibrage et les commandes de pointage. Les tourillons sont alors liés à un masque de blindage, lui-même monté en casemate à l’avant ou solidaire d’une tourelle qui tient lieu de petit affût et pivote sur son chemin de roulement.

Les canons sur roues sont attelés à des tracteurs adaptés ; leur affût comporte une ou plusieurs flèches terminées par des bêches qui accroissent le polygone de sustentation du matériel. Leur champ de tir est soit limité à 12 ou 15° avec une flèche, à 45 ou 60° avec deux, soit tous azimuts avec 3 ou 4 flèches. La plupart des affûts comportent en outre une suspension par barres de torsion que l’on bloque pour le tir, les roues pouvant être relevées ou abattues pour la mise en batterie (appui avant sur pivot). L’affût et son ancrage deviennent dans ce cas une véritable plate-forme de tir. Les automouvants comportent aussi une ou deux bêches d’ancrage offrant un champ de tir limité en direction, tandis qu’avec les chars ou les automoteurs, suffisamment lourds pour être stables, on se contente en général de freiner les chenilles et, dans certains cas, de verrouiller la suspension avant le tir.


La réalisation d’un matériel d’artillerie

Pour l’étude d’un canon destiné à obtenir des performances déterminées, il faut d’abord s’assurer que les exigences imposées sont compatibles entre elles : portées maximales, durée du trajet, notamment pour les tirs antichars et antiaériens qui demandent une grande vitesse initiale, efficacité du projectile à l’impact, poids à ne pas dépasser... La balistique intérieure (v. poudre) permet de déterminer la loi de développement de la pression dans l’âme, et donc de calculer la résistance exigée de la bouche à feu. Cela entraîne généralement le choix d’un tube autofretté, quoiqu’il soit possible d’utiliser aujourd’hui des aciers à haute limite élastique. Pour réaliser la bouche à feu, on part d’un ébauché forgé qui subit un premier usinage en aciérie (écroutage extérieur et forage intérieur), puis un traitement thermique (trempe et revenu), enfin un contrôle de ses caractéristiques mécaniques sur rondelles prélevées aux extrémités. Le tube « recetté » est ensuite autofretté et usiné dans un atelier d’artillerie, puis il est soumis à un tir de contrôle en surpression.


Problèmes de construction

• Stabilité. Au départ du coup, le tube recule et l’énergie cinétique qu’il a ainsi acquise doit être absorbée par le travail du lien élastique, produit de son effort résistant par la longueur du recul.

Dans une tourelle blindée, cette dernière est limitée à quelques décimètres ; l’effort sur les tourillons sera considérable et risquera de renverser le véhicule ou au moins de le faire sauter. Un canon puissant exige donc d’être monté sur un châssis de masse élevée, et il peut être nécessaire de freiner les chenilles au tir, quoiqu’on puisse aujourd’hui, sur des matériels stabilisés par gyroscope, tirer en marchant. Mais la stabilité étant mieux assurée dans le sens de la longueur que par le travers, les blindés chasseurs de chars ont leur canon en casemate plutôt que sous tourelle.