Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Canning (George)

Homme d’État britannique (Londres 1770 - Chiswick 1827).


Canning a défini sans ambages ses ambitions dans une lettre écrite peu de temps après son entrée au Foreign Office : « Là où on lisait le mot Europe, je désire que dorénavant on lise le mot Angleterre. » C’est cette préoccupation de grandeur nationale, sinon d’isolement hautain, qui caractérise le personnage bien plus que la réputation de libéralisme qu’on lui a exagérément prêtée et qui s’est fortifiée au cours du xixe s. Son enfance a été difficile : ayant perdu très tôt son père, il suit sa mère, actrice médiocre, dans les tournées provinciales où celle-ci essaie péniblement de gagner sa vie. Il faut la générosité d’un oncle et les brillantes dispositions de l’adolescent pour que celui-ci triomphe de ces handicaps : envoyé à Eton, puis à Oxford, il se fait remarquer et acquiert des relations. William Pitt, frappé par la vivacité d’esprit de ce jeune homme prometteur et ambitieux, lui fait obtenir en 1793 un siège à la Chambre des communes. Dès lors commence une brillante carrière politique, à laquelle contribuent de remarquables dons d’orateur et une grande lucidité d’analyse. Mais, chez Canning, les qualités d’homme d’État sont continuellement menacées par l’impétuosité du tempérament et le besoin de domination. Peu aimé, Canning sait tout à la fois se faire craindre et se rendre indispensable.

Le premier poste ministériel qu’il occupe, c’est à 26 ans, en 1796, celui de sous-secrétaire au Foreign Office. Violemment opposé à la Révolution française, Canning participe en 1797 à la fondation de l’Anti-Jacobin, journal de propagande auquel il collabore à plusieurs reprises avec un talent de polémiste et de satiriste (par exemple dans le célèbre Rémouleur besogneux). Sa carrière suit la fortune de son protecteur Pitt : au pouvoir jusqu’à 1801, puis de nouveau de mai 1804 à janvier 1806. Dans le ministère Portland de 1807, Canning devient ministre des Affaires étrangères et témoigne aussitôt, dans la guerre avec la France, de son énergie et de son esprit de décision. Il fait saisir la flotte danoise ainsi que la flotte portugaise ; il appuie les Espagnols révoltés contre Napoléon et envoie dans la péninsule un corps expéditionnaire commandé par Wellington. Mais son goût de l’intrigue et ses propos désobligeants pour ses collègues lui valent des difficultés au sein du cabinet, et notamment un duel avec Castlereagh*, ce qui entraîne sa démission (1809).

Pendant plusieurs années, la carrière politique de Canning semble compromise. S’il revient au gouvernement de 1816 à 1820, c’est pour s’occuper de l’Inde (Board of Control) ; au moment où il va partir sur place comme gouverneur général du Bengale en mars 1822, le suicide de Castlereagh (août 1822) le fait appeler par lord Liverpool au ministère des Affaires étrangères. Pendant plus de cinq ans, Canning dirige la politique étrangère britannique soit comme chef du Foreign Office, soit en tant que Premier ministre (avril-août 1827).

Sur le plan européen, Canning poursuit et accentue la politique inaugurée par Castlereagh de dissociation d’avec la Sainte-Alliance. En Amérique du Sud, il favorise les colonies révoltées contre l’Espagne en empêchant toute intervention étrangère, car il espère que l’indépendance des nouveaux États sera profitable au commerce et à l’influence de la Grande-Bretagne. C’est ce qu’il définit en une formule fameuse : « Appeler à l’existence le Nouveau Monde pour redresser l’équilibre de l’Ancien. » Canning prend également position en faveur de l’indépendance de la Grèce, qu’il soutient, en liaison avec la France et la Russie, contre la Turquie. On l’a accusé de se montrer libéral en politique extérieure et réactionnaire en politique intérieure, dans la mesure où il s’oppose à toute réforme du Parlement et du système électoral. En fait, Canning a agi toute sa vie comme un tory pragmatique, soucieux de s’adapter avec opportunisme aux circonstances.

F. B.

 H. W. V. Temperley, The Foreign Policy of Canning, 1822-1827 (Londres, 1925). / C. Petrie, George Canning (Londres, 1930 ; 2e éd., 1946). / D. Marshall, The Rise of George Canning (Londres, 1938). / P. J. V. Rolo, George Canning (Londres, 1965).

Cano (Alonso)

Peintre, sculpteur et architecte espagnol (Grenade 1601 - id. 1667).


En 1614, sa famille s’établissait à Séville, alors l’un des principaux centres artistiques de l’Espagne. Après avoir commencé son apprentissage dans l’atelier de son père, lui-même peintre et sculpteur, Alonso Cano fut l’élève, avec Vélasquez, du peintre Francisco Pacheco (1564-1654). Probablement collabora-t-il en même temps avec le maître de la statuaire polychrome, Juan Martínez Montañés*. De toute façon, ses premières sculptures sont marquées par l’influence de ce grand artiste classique, et la pratique de la sculpture confère à son œuvre peint une sévère monumentalité : il accorde ses préférences aux lignes vigoureuses et aux contrastes ténébristes (Saint François Borgia, au musée provincial de Séville).

En 1638, à l’appel du comte duc d’Olivares, Alonso Cano quitte Séville pour la cour de Madrid, où il demeurera jusqu’en 1652. Cette période correspond à un changement profond dans le style de sa peinture. La connaissance des grands maîtres vénitiens, et notamment de Titien et de Véronèse, acquise dans les collections royales auxquelles il avait accès, le conduit à adopter leur technique illusionniste et leurs chauds coloris. Simultanément, il subit l’influence de Vélasquez, comme le montre le retable de Getafe, près de Madrid (1645). Bien qu’à Madrid son activité de sculpteur décroisse, Alonso Cano conserve, comme peintre, son goût inné pour les belles formes. Sa science de l’anatomie se manifeste dans ses représentations du Christ mort soutenu par un ange et du Christ à la colonne, et surtout dans l’étonnante Descente aux limbes du musée de Los Angeles. Cette étrange composition offre, avec la figure d’Ève, l’un des plus beaux nus féminins de la peinture espagnole.