Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Canada (suite)

 R. P. Baker, A History of English-Canadian Literature to the Confederation (Cambridge, Mass., 1920). / A. M. McMechan, Headwaters of Canadian Literature (Toronto, 1924). / E. K. Brown, On Canadian Poetry (Toronto, 1943). / D. Pacey, Creative Writing in Canada (Toronto, 1952). / R. E. Waters, A Check-List of Canadian Literature and Background Materials 1628-1959 (Toronto, 1959).


La musique canadienne

Si l’on excepte les différents aspects d’un riche folklore entretenu par les autochtones, les manifestations de la musique canadienne ont été liées jusqu’à nos jours à la tradition européenne.

Dès le xviie s., on signale plusieurs compositeurs (Charles Amador Martin [1648-1711], entre autres) spécialisés dans la musique religieuse et, au xviiie s., les premiers essais de musique instrumentale ou dramatique, sous l’influence des Allemands appartenant aux fanfares des régiments britanniques. En 1790, Joseph Quesnel (1749-1809) présente à Montréal son petit opéra Colas et Colinette, de la même veine que les bluettes de Grétry et de François Philidor. C’est le début du genre au Canada.

C’est l’époque aussi où les professeurs de chant venant de la Nouvelle-Angleterre introduisent au Canada les premiers éléments du contrepoint et les anthems.

Pendant tout le xixe s., le progrès est lent, mais constant, dans le développement de l’activité musicale. Des organistes tels que Friedrich Heinrich Glackemeyer (1751-1836), Théodore Molt (1796-1856) ou Antoine Dessane (1826-1873) y contribuent par leurs œuvres et leur enseignement, tandis que le Canada accueille les premiers virtuoses européens en tournée dans le Nouveau Monde, Jenny Lind, la Sontag ou Thalberg. Quelques orchestres et sociétés musicales se constituent, mais il faudra attendre le xxe s. pour voir des conservatoires à Montréal, à Québec et à Toronto, malgré les efforts de Calixa Lavallée (1842-1891) et de Guillaume Couture (1851-1915) en faveur d’un enseignement de qualité.

Formée à l’école française, puis austro-allemande, la première génération de compositeurs a tenté de rechercher l’accent national dans les traditions folkloriques révélées par les travaux d’Ernest Gagnon et de Marius Barbeau, qui avaient recueilli plus de 7 000 chansons. Ces traditions s’appuyaient sur trois éléments : l’élément indien et esquimau, l’élément anglais, qui avait évolué comme aux États-Unis, et l’élément français, mêlant au répertoire issu des chansons de trouvères des thèmes caractéristiques du Midi.

Claude Champagne (1891-1965) y trouve l’essentiel de sa Suite canadienne et d’Altitude ; John Weinzweig (né en 1913), Our Canada et Aux terres lointaines, et Ernest MacMillan (1893-1968) ses quatuors à cordes, mais sans limiter à ce seul point de départ une œuvre par ailleurs attentive aux influences les plus diverses ; élève d’André Gédalge et de Paul Dukas, Champagne sait notamment traiter avec bonheur les mélodies folkloriques modales dans une subtilité harmonique inspirée de Debussy et de Ravel, tandis que les compositeurs de l’école de Toronto (Harry Freedman [né en 1922], Harry Sommers [né en 1925], Barbara Pentland [née en 1912] ou John Beckwith [né en 1927]) se montrent plus attirés par l’esthétique de Schönberg, de Křenek ou de Hindemith.

Avec Rodolphe Mathieu (1896-1962), Jean Papineau-Couture (né en 1916), François Morel (né en 1926) et Maurice Blackburn (né en 1914), et en marge de la poussée rapide qui a favorisé son épanouissement depuis 1940, la musique canadienne a évolué vers une expression plus universelle, où dominait l’influence de l’école viennoise, de Varese et de Boulez, avant la découverte de la musique électronique.

Si Rodolphe Mathieu a pu être considéré comme un novateur par la fantaisie audacieuse de ses sonates et de sa musique de chambre, Jean Papineau-Couture est peut-être le premier compositeur qui ait apporté à sa syntaxe une particularité mélodique, harmonique et rythmique aussi prononcée, en dépit des maîtres qu’il s’est choisis — Stravinski et le post-impressionnisme français — et de sa fidélité aux formes classiques : symphonie, suite, sonate ou concerto. Quant à Maurice Blackburn, il s’est surtout consacré à la musique de films et à la recherche dans les domaines de la musique synthétique et électronique.

Pour être moins éclectiques que leurs confrères américains, les compositeurs des deux générations se réclament aujourd’hui des tendances les plus variées : un G. E. Tanguay demeure fidèle au lyrisme tendre et un Eugène Lapierre, à l’élégance facile du xviiie s., tandis que la plupart des jeunes créateurs ont déjà dépassé les préoccupations sérielles pour les nouvelles perspectives sonores.

À ce titre, l’univers tonal de Clermont Pépin (né en 1926), de François Morel et de Jean Vallerand (né en 1915) est encore organisé en fonction de la série. Mais le studio de musique électronique de l’université de Montréal a déjà tenté la plupart des compositeurs nés après 1930, attentifs à toutes les composantes sonores qu’on peut soumettre à une volonté d’organisation. De même le centre de musique expérimentale de l’université de Toronto, auquel Harry Sommers, notamment, doit le point de départ de ses recherches (Stéréophonie, 1963). Citons Gilles Tremblay (né en 1930) [Cantique de durée], Roger Matton (né en 1929) [Horoscope], Pierre Mercure (1927-1967) [Psaume pour abri], Serge Garant (né en 1929) [Ouranos] et Otto Joachim (né en 1910) [Concertantes].

A. G.

 H. Kollmann, A History of Music in Canada, 1534-1914 (Toronto, 1960). / A. Lasalle-Leduc, la Vie musicale au Canada français (Québec, 1964).


Le cinéma canadien

Les premiers films tournés au Canada datent de 1896 — on a conservé une petite bande du prestidigitateur John C. Gréent montrant Jimmy Hardy sur une corde raide au-dessus des chutes du Niagara. La même année apparaissent les premières projections : Ernest Ouimet, un amateur éclairé, assiste à Montréal à un « spectacle à la main », tandis qu’un dénommé John Green donne un divertissement analogue au West Park d’Ottawa avec un équipement Edison. C’est le même Ouimet qui ouvre en 1906 le premier cinéma permanent à Montréal (Ouimetoscope), qui se transformera peu de temps après en salle particulièrement luxueuse. La première production authentiquement canadienne est Evangeline (1914), film produit par le capitaine Holland. À la même époque sont réalisés The Battle of the Long Sault (Dollard des Ormaux) et Dollar Mark. En 1917, dans les nouveaux studios de Trenton, Harry Knoles met en scène The Great Shadow, qu’interprète Tyrone Power Sr., tandis qu’Henry Otto achève sa Lorelei of the Sea. Entre 1919 et 1923, le producteur Ernest Shipman remporte de grands succès publics avec des films adaptant les œuvres célèbres de Ralph Connor et de James Oliver Curwood : Back to God’s Country (de D. Hartford, 1919), God’s Country and the Women (de R. S. Sturgeon, 1920), Cameron of the Royal Mounted (de Henry Macrae, 1921), God’s Crucible (ou The Foreigner, 1921), The Golden Snare (de D. Hartford, 1921), Sky Pilot (de King Vidor, 1921), Man from Glengarry (de Henry Macrae, 1923). En 1921 est fondé le Canadian Government Motion Picture, dont un embryon avait fonctionné dès 1914 : il s’agit avant tout d’une agence cinématographique dont le but est de favoriser le tourisme et de faire connaître à l’étranger les ressources du pays. En 1925, Ernest Ouimet dirige Madeleine de Verchères et fait réaliser par Paul Cazeneuve Why get married. Le Canada a une petite production nationale assez timide, mais il accueille surtout certaines compagnies américaines, qui viennent tourner dans les grands espaces de l’Ouest des films d’aventures sous la direction de Herbert Brennon, George Archainbaud, Lambert Hillyer, Frank Lloyd, William Beaudine et Irving Cummings. En 1928 est entrepris le film le plus coûteux de l’histoire du cinéma canadien, Carry on Sergeant, de Bruce Bairnsfather, long métrage sur la Première Guerre mondiale qui a la malchance d’être réalisé en muet et qui, de ce fait, est un échec complet. (Le premier film sonore canadien est The Viking [1930], de George Melford.) La période qui s’étend de 1930 à la Seconde Guerre mondiale est une période de transition : peu de films dignes d’intérêt, sinon quelques documentaires dans la série des « Canadian Cameo », que Gordon Sparling poursuivra jusqu’en 1953 ; implantation de compagnies américaines (la Columbia installe une filiale, la Central Films) ; priorité donnée aux courts métrages et aux films touristiques. En 1939 est fondé à Ottawa le National Film Board (Office national du film) à la suite d’un rapport fait par Ross McLean sur l’inefficacité du Motion Picture Bureau. Le documentariste britannique John Grierson en devient le directeur. Il appelle auprès de lui des hommes comme Stuart Legg, Norman McLaren, R. Spottiswode, S. Hawes, qui réunissent leurs compétences pour créer le premier organisme réellement structuré du cinéma canadien. En 1941, l’O. N. F. devient l’unique centre de coordination et de production du gouvernement. La guerre ayant éclaté, les premiers films produits sont essentiellement des documentaires, dont certains de valeur, comparables à la série américaine Why we fight (Pourquoi nous combattons) de Capra. C’est Stuart Legg qui supervise la série The World in Action (1941-1945). À la fin des hostilités, Grierson quitte le Canada, et l’O. N. F. rencontre certaines difficultés. L’abondance de films didactiques, de documentaires sociaux, de courts métrages touristiques, dont la qualité est très variable, conduit peu à peu à une sclérose des recherches artistiques et paralyse toute tentative de renouveau. D’autre part, quelques producteurs indépendants menacent le monopole de l’O. N. F. Les essais de films indépendants (21 longs métrages environ de 1945 à 1955) sont néanmoins très imparfaits : du Père Chopin (1945) et de Whispering City (la Forteresse, 1947), réalisés par Fedor Ozep, aux mélodrames naïfs comme la Petite Aurore, l’enfant martyre (de J. Y. Bigras, 1951), les films sont d’un médiocre niveau cinématographique et destinés à un marché national. Seul, en marge de ces courants, Norman McLaren élabore une œuvre personnelle, qui renouvelle le dessin animé et dont la renommée devient rapidement internationale. À partir de 1956, l’influence de la télévision modifie les goûts du public. L’O. N. F. se reconvertit et transfère ses locaux d’Ottawa à Montréal. Un mouvement cinéphile s’étend dans le pays ; ciné-clubs et revues attirent un grand nombre de jeunes, qui deviendront quelques années plus tard les pionniers d’un nouveau cinéma canadien. L’équipe française au sein de l’O. N. F. est en très sensible augmentation. Les recherches se précisent. Le département de l’animation prend un essor remarquable. Le documentaire et le court métrage servent de tremplin à des cinéastes comme Colin Low (auteur de Capitale de l’or [City of Gold, 1957], film racontant avec des photos d’époque la ruée vers l’or à Dawson City en 1897), Wolf Koenig, Roman Kroitor, Raymond Garceau, Guy L. Coté, Arthur Lamothe, Gilles Groulx, Louis Portugais, Claude Jutra. La Cinémathèque canadienne est créée. Dès 1958, la grande aventure du « cinéma direct » commence : Michel Brault, Marcel Carrière et Gilles Groulx tournent les Raquetteurs. L’influence bénéfique de Jean Rouch et de Richard Leacock donne naissance à des œuvres très significatives de Michel Brault (Pour la suite du monde, 1963, avec la collaboration de Pierre Perrault ; Entre la mer et l’eau douce, 1967), Pierre Perrault (le Règne du jour, 1967 ; les Voitures d’eau, 1969 ; l’Acadie, l’Acadie, 1970), et dans un genre un peu différent d’Allan King (Warrendale, 1967 ; Un couple marié [A Married Couple], 1969). L’O. N. F. s’engage prudemment dans la production de longs métrages : À tout prendre (1963) de Claude Jutra, le Chat dans le sac (1964) de Gilles Groulx, Départ sans adieu (Nobody waved good-bye, 1964) de Don Owen. Des cinéastes indépendants comme J.-P. Lefebvre (le Révolutionnaire, 1965 ; Il ne faut pas mourir pour ça, 1967 ; les Maudits sauvages, 1971 ; les Dernières Fiançailles, 1973) viennent concurrencer l’O. N. F., mais cette émulation est très vivifiante pour le jeune cinéma canadien (écoles de Vancouver, de Toronto et surtout de Québec), qui, depuis 1965, s’est fait remarquer dans de nombreux festivals internationaux. Parmi les metteurs en scène les plus en vue, outre P. Perrault, M. Brault, A. King, G. Groulx (Entre tu et vous, 1970), C. Jutra (Wow, 1969 ; Mon oncle Antoine, 1971), D. Owen (The Ernie Game, 1967), il faut citer également Gilles Carie (le Viol d’une jeune fille douce, 1968 ; la Vraie Nature de Bernadette, 1971), Denys Arcand (Réjeanne Padovani, 1973), Paul Almond (Isabel, 1968), Robin Spry (Prologue, 1969), mais aussi Fernand Dansereau, Denis Heroux, George Kaczender, Marcel Carrière, Donald Shebib, Arthur Lamothe, Jean-Claude Labrecque, André Brassard, Harvey Hart.

J.-L. P.

 R. Daudelin, Vingt Ans de cinéma au Canada français (Québec, 1967). / G. Marsolais, le Cinéma canadien (Montréal, 1968). / R. Prédal, Jeune Cinéma canadien (Serdoc, Lyon, 1969).