Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

byzantin (Empire) (suite)

La plus remarquable série de peintures, celle qui permet le mieux de suivre l’évolution chronologique de la peinture byzantine depuis le viie s., est celle qui a été découverte dans les églises de Cappadoce : on peut légitimement les intégrer aux discussions sur l’évolution de l’iconographie et du style dans la capitale même, en particulier pour la période des Comnènes. Il faut évidemment tenir compte des différences entre un art monastique, qui recouvre de fresques des églises taillées dans le roc, et les oeuvres accomplies du milieu impérial. Dans toutes les provinces, d’ailleurs, interviennent d’autres influences, et aussi d’autres traditions. Mais ces divergences mêmes permettent de marquer plus clairement l’emprise de Constantinople et le rayonnement de son art.


L’époque des paléologues

Après la reconquête de Constantinople par Michel VIII Paléologue, en 1261, l’art byzantin devait connaître encore une renaissance brillante, qui se manifesta à Constantinople — en particulier à Saint-Sauveur-in-Chora, dans les étonnantes mosaïques du début du xive s. — et se répandit dans tout le domaine de l’Église orthodoxe.

Cet art, sur beaucoup de plans, forme contraste avec celui des Comnènes. Aux figures isolées, peu nombreuses, se détachant sur un fond d’or ou un fond bleu, avec un minimum de décor destiné seulement à situer la scène, se substituent des groupes animés, placés devant des fonds extraordinairement complexes. Les personnages eux-mêmes tendent à être figurés en volume, dans un espace dont la profondeur s’affirme. Souvent un mur sépare le premier plan du fond d’or devant lequel se trouvent des édifices et des arbres. Et, en avant du mur, chaque meuble fournit l’occasion de développer toute une superposition d’éléments figurés dans des perspectives aberrantes mais efficaces, qui paraissent dériver des architectures du IIIe style pompéien. Dans ce chaos de structures incompatibles, on s’attendrait à ce que le tableau cesse d’être lisible : mais les masses, à l’analyse, se montrent disposées en fonction de chacun des protagonistes, accompagné comme par un cadre personnel. Si l’on ajoute que les mouvements des personnages prennent volontiers une ampleur dramatique, nous nous trouvons en présence d’un renouvellement complet des méthodes d’interprétation ; l’iconographie de base, pourtant, reste le plus souvent fidèle aux schémas traditionnels. Dans les églises de Mistra (Péloponnèse), à Vatopedhíou, à Khiliandharíou et dans d’autres monastères du mont Athos*, on trouve d’autres riches exemples de cet art, qui s’est lui aussi propagé avec vigueur en Macédoine (Čučer, Ohrid), dans d’autres parties de l’actuelle Yougoslavie (Dečani, Studenica, Peć), en Sicile (Monreale), à Saint-Marc de Venise et, vers l’est, jusqu’à Trébizonde.

En 1453, les Turcs prirent Constantinople : l’Empire byzantin était mort. Mais l’Église orthodoxe n’avait pas péri avec lui, ni les royaumes qu’elle avait conquis, ni l’art qui exprimait sa foi. Ainsi, dans les couvents du Liban et dans ceux du mont Athos, dans les paroisses de Grèce, en Arménie, en Géorgie*, dans les États slaves des Balkans comme en Russie*, on allait d’abord conserver avec amour les monuments du passé, églises, fresques ou manuscrits ; on allait aussi continuer à construire, à peindre, à illustrer à partir des traditions byzantines diversement interprétées. À Constantinople même, au xvie s., le grand architecte turc Sinan allait élever de somptueuses mosquées à coupole, qui procèdent, librement, de Sainte-Sophie. L’art russe, certes, n’est pas l’art byzantin ; mais il descend de l’art byzantin comme la Renaissance, en Occident, descend de l’art romain. Avec une précision plus grande, puisque la pensée à exprimer, la foi orthodoxe, reste la même.

J. L.

 G. Millet, l’École grecque dans l’architecture byzantine (Leroux, 1916) ; Recherches sur l’iconographie de l’Évangile (De Boccard, 1916). / J. Ebersolt, les Arts somptuaires de Byzance (Leroux, 1923) ; Monuments d’architecture byzantine (Éd. d’art et d’histoire, 1934). / C. Diehl, Manuel d’art byzantin (Picard, 1925-1926 ; 2 vol.). / D. T. Rice, Byzantine Glazed Pottery (Oxford, 1930) ; Art of the Byzantine Era (Londres, 1963). / K. Weitzmann, Die byzantinische Buchmalerei des 9. und 10. Jahrunderts (Berlin, 1935). / A. Grabar, l’Empereur dans l’art byzantin (Les Belles Lettres, 1936) ; l’Iconoclasme byzantin (A. Maisonneuve, 1958) ; l’Âge d’or de Justinien (Gallimard, 1965) ; Sculptures byzantines (Picard, 1973-1976 ; 2 vol.). / O. Demus, Byzantine Mosaic Decoration (Londres, 1947). / J. Beckwith, The Art of Constantinople (New York, 1961 ; 2e éd., 1968). / R. Krautheimer, Early Christian and Byzantine Architecture (Harmondsworth, 1965). / C. Delvoye, l’Art byzantin (Arthaud, 1967). / A. Bon, Byzance (Nagel, 1972).

Les techniques précieuses

Art de cour en même temps qu’art chrétien, l’art byzantin était volontiers un art de luxe. Et il s’est exprimé par des objets précieux — miniatures et icônes, certes, mais aussi tissus, ivoires, orfèvrerie, bijoux — tantôt destinés aux empereurs, mais si profondément marqués par la religion qu’ils lui empruntent leurs motifs, tantôt destinés aux églises, avec, réciproquement, une influence impériale telle, sur la liturgie ou l’iconographie, qu’elle réapparaît toujours.

La tendance actuelle de la critique est de donner à toutes ces œuvres, comme origine, la capitale de l’Empire. Il y a là sans doute quelque excès ; des villes comme Antioche, Jérusalem ou Alexandrie, Thessalonique ou Ravenne, quelle que soit la prédominance de Constantinople, ont pu garder quelque chose de leur puissance créatrice.

Ivoires

Pour les ivoires, le chef-d’œuvre est sans doute, à Ravenne (musée de l’Archevêché), la chaire de l’évêque Maximien (vers 550), celui-là même qui figure à côté de Justinien sur la mosaïque de San Vitale. C’est une œuvre d’aspect composite, avec des rinceaux décoratifs, des niches ou sont debout des apôtres, et aussi des plaques où sont présentées des scènes de l’Écriture. Les icônes d’ivoire, les si nombreuses plaques de diptyques ou de triptyques — par exemple le triptyque Harbaville, du xe s. (Louvre) —, les coffrets d’usage religieux ou privé, les reliures présentent souvent la même perfection. L’iconographie est celle des manuscrits ; on trouve surtout des images du Christ, de la Vierge et des saints, mais aussi des tableaux complexes. Le style est tantôt pénétré des traditions hellénistiques, tantôt plus docile à des formes proprement byzantines ; parfois, comme dans les autres arts, les deux tendances se mêlent et contribuent au charme surprenant que la matière confère aux objets. Transportables, ceux-ci ont joué un grand rôle dans la propagation des formes créées à Constantinople.