Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

byzantin (Empire) (suite)

Il est détrôné par son frère aîné Alexis III Ange (1195-1203), dont l’impuissance précipite la décadence de l’État. Byzance, que l’empereur d’Allemagne Henri VI avait envisagé de subjuguer, est la victime de la 4e croisade, mise en branle par le pape Innocent III. Le vieux doge Enrico Dandolo met la grande entreprise au service des intérêts mercantiles de la république de Venise. Son plan reçoit le concours inespéré d’Alexis IV Ange (1203-1204), le fils d’Isaac II, détrôné et incarcéré : le jeune prince propose aux croisés de l’aider à renverser l’usurpateur son oncle et les allèche par de belles promesses qu’il était incapable de tenir. Et c’est ainsi que la flotte des croisés s’en vient défiler sous les murailles maritimes de Constantinople le 24 juin 1203. La ville tombe entre leurs mains le 17 juillet, et Isaac II et son fils recouvrent leur trône. Mais ils ne peuvent honorer les promesses faites aux croisés et sont renversés par Alexis V Murzuphle. L’avènement de cet usurpateur précipite le dénouement de la tragédie. Les croisés, las d’être lanternés, se partagent l’Empire en mars 1204 et, le 12 avril suivant, escaladent les murailles. Ils fondent un Empire latin, qui, après quelques années de prospérité, allait végéter un demi-siècle (1204-1261).


L’empire de Nicée

Au moment où les barons francs et les Vénitiens procédaient au partage du butin, des princes grecs en fuite créaient des principautés : Théodore Lascaris à Nicée, Michel Ange en Épire, Alexis et David Comnène à Trébizonde. Le destin réservera à la première l’honneur de restaurer l’Empire byzantin.

Théodore Lascaris (1204-1222). Le souverain s’emploie d’abord à assurer la survie de son petit État, dont la création gênait les seigneurs grecs du voisinage et les Latins qui entendaient entrer en possession de leurs fiefs d’Asie Mineure. Les interventions répétées du tsar bulgare Jean II Kalojan dans les Balkans le sauvent de la ruine : Théodore assoit progressivement son autorité et organise sa principauté sur le modèle de l’ancienne Byzance, dont il se prétend l’unique empereur légitime (1208). Sa victoire inattendue sur le sultan d’Iconium en 1211 avive ses ambitions. En 1214, il annexe une large bande de territoire le long de la mer Noire au détriment des Comnènes de Trébizonde. La même année, les Latins reconnaissent tacitement l’existence de son royaume, et, en 1219, il signe un accord commercial avec Venise.

Son successeur, Jean III Doukas Vatatzès (1222-1254), consolide la position de la principauté et prend pied en Thrace, où il occupe Andrinople. Il en est refoulé par son rival Théodore Ange et le tsar bulgare, qui, chacun pour son compte, poursuivaient le même objectif : supplanter les Latins à Constantinople. Mais les événements favorisent l’empereur de Nicée : l’armée de Théodore Ange est écrasée à Klokotnica en Thrace, en 1230, par les Bulgares de Jean III Asen II ; ce dernier meurt en 1241 et son royaume est peu après contrôlé par les Mongols de la Horde d’Or. Jean Vatatzès n’avait plus de compétiteur à sa mesure : il étend son autorité de la Thrace à la Macédoine. En 1242, Thessalonique reconnaît sa souveraineté et il occupe la ville en 1246. À sa mort, l’empire de Nicée avait plus que doublé, et toutes les conditions étaient réunies pour le rétablissement de l’Empire byzantin.

Son fils Théodore II Doukas Lascaris (1254-1258), souverain très cultivé et homme d’action, conserve dans son intégrité l’héritage paternel et pratique à l’intérieur une politique anti-aristocratique. À sa mort, la noblesse relève la tête : un de ses représentants les plus en vue, Michel Paléologue, est nommé régent, et ses pairs en font un associé du petit Jean IV Doukas Lascaris (1258-1259). L’Empire, menacé par une coalition de la Sicile, de l’Épire et de l’Achaïe, est sauvé à la bataille de Pelagonia (1259). Contre Venise, il signe un accord avec Gênes (mars 1261), qui promet son appui militaire en échange de privilèges commerciaux. Constantinople, vide de défenseurs, est enlevée presque sans coup férir par le général Alexis Strategopoulos (25 juill. 1261).


Les Paléologues


Michel VIII Paléologue (1259-1282)

L’empereur associé au trône, Michel Paléologue, fait son entrée solennelle dans la capitale le 15 août 1261 et reçoit la couronne impériale à Sainte-Sophie. Quelques mois plus tard, il fait aveugler l’héritier légitime, Jean IV Lascaris. La nouvelle dynastie allait diriger l’Empire jusqu’à sa chute.

L’Empire restauré n’était qu’un pâle reflet de l’Empire d’antan : les villes maritimes italiennes contrôlaient les eaux byzantines ; les Serbes et les Bulgares avaient grignoté la péninsule des Balkans ; des princes grecs et latins s’étaient partagé la Grèce. En Occident, les puissances qui avaient soutenu l’Empire latin n’aspiraient plus qu’à la destruction du nouvel Empire grec. Le danger le plus menaçant venait du roi de Sicile, Charles Ier d’Anjou, le frère du roi de France, qui avait pris la tête d’une vaste coalition groupant, outre la Sicile, l’Achaïe, l’Épire, la Thessalie, la Serbie et la Bulgarie. Pour prendre à revers les puissances balkaniques, Michel VIII noue des alliances matrimoniales avec la Hongrie et les Tatars de la Horde d’Or. Contre Charles d’Anjou, il se tourne vers Rome et propose à la papauté d’entamer de nouvelles négociations sur l’union des Églises ; tant que celles-ci dureraient, il était assuré que les papes retiendraient leur protégé d’attaquer l’Empire byzantin. Sommé par le pape Grégoire X de passer aux actes, Michel VIII se résout à signer l’union au concile de Lyon (juill. 1274).

L’Empire en retire des avantages politiques importants, lance aussitôt une grande offensive contre les principautés grecques et franques de Grèce et reprend l’avantage dans la mer Égée. Mais le peuple et le clergé byzantin ne souscrivent pas à la politique unioniste du souverain et opposent une résistance acharnée : l’empereur, qui voit dans l’union des Églises une nécessité politique vitale pour l’Empire, écarte sans pitié tous les récalcitrants.