Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Butor (Michel) (suite)

Là réside peut-être la plus profonde originalité de Butor. Il est légitime de lui faire une place dans l’école du « nouveau roman » : tels Nathalie Sarraute ou Beckett, il considère la réalité comme un jeu de relations indéterminées, attache beaucoup plus de prix aux apparences qu’aux « profondeurs » et soumet les méandres du temps aux lignes de l’espace. Mais il se sépare radicalement d’un Robbe-Grillet en considérant la culture comme le milieu même de l’homme et surtout comme son salut. Les cartes que dresse son écriture, à la fois proustienne et familière, indiquent des modèles de cheminements à travers nos représentations et à travers nos « lectures » d’un livre, d’un tableau, d’une musique.

Le culturel est pour lui le bien commun des hommes, qui doivent apprendre à y employer leur temps grâce à des tables d’orientation. Dans tous ses ouvrages, Butor est le pédagogue de cet emploi, et il est technicien littéraire dans la mesure même où il récuse la technicité mécaniste de son époque. On ne s’étonnera donc pas de trouver dans ses récits un monde de personnages moyens, sinon humbles, qui n’ont rien du héros et sont simplement aux prises avec le double problème de leur présence au monde et de leur « moi ». Le « structuralisme » de Butor est un humanisme. Créateur ou critique, Butor révèle des jeux de formes, des combinatoires esthétiques, parce que là réside à ses yeux le sens de la vie. Son appétit de littérature, de peinture, de musique est non moins « hugolien » (G. Raillard) qu’organisé, mais, en lisant ses écrits, on peut imaginer Montaigne étudiant la facture des Misérables.

Principales œuvres de Michel Butor

Passage de Milan (1954), roman ; l’Emploi du temps (1956), roman ; la Modification (1957), roman ; le Génie du lieu (1958) ;
Répertoire I, II, III (1960, 1964, 1968) ; Degrés (1960), roman ;
Histoire extraordinaire, essai sur un rêve de Baudelaire (1961) ;
Mobile, étude pour une représentation des États-Unis (1962) ;
Réseau aérien (1962), texte radiophonique ; Description de San Marco (1963) ; Hérold (1964) ; Illustrations (1964) ;
6 810 000 litres d’eau par seconde, étude stéréophonique (1965) ;
Portrait de l’artiste en jeune singe (1967) ;
Dialogue avec 33 variations de Ludwig van Beethoven sur une valse de Diabelli (1971).

M. Z.

 R. M. Albérés, Michel Butor (Éd. universitaires, 1964). / J. Roudaut, Michel Butor ou le Livre futur (Gallimard, 1964). / L. S. Roudiez, Michel Butor (New York, 1965). / J. Kolbert et C. Book, l’Art de Michel Butor (Oxford, 1967). / J. Ricardou, Problèmes du nouveau roman (Éd. du Seuil, 1967). / G. Raillard, Michel Butor (Gallimard, 1968). /M. Zeṛaffa, Personne et personnage. Le romanesque des années 1920 aux années 1950 (Klincksieck, 1969). / F. Van Rossum-Guyon, Critique du roman. Essai sur « la Modification » de Michel Butor (Gallimard, 1971). / L. Dällenbach, le Livre et ses miroirs dans l’œuvre romanesque de Michel Butor (Lettres modernes, 1972). / A. Helbo, Michel Butor. Vers une littérature du signe (Complexe, 1975).

Buxtehude (Dietrich)

Compositeur allemand (Oldesloe v. 1637 - Lübeck 1707).


Sa famille était originaire de Oldesloe, dans le Holstein. Son père, Johann (1602-1674), fut organiste d’Hälsingborg de 1638 à 1641, puis de Helsingør. Dietrich travailla sous sa direction avant d’être nommé organiste d’Hälsingborg en 1657. À la suite de la guerre de Trente Ans, la ville d’Hälsingborg fut cédée par le Danemark à la Suède. Nommé en mars 1668 successeur de Franz Tunder à l’orgue de Sainte-Marie (Marienkirche) de Lübeck, Buxtehude fit là toute sa carrière. Il avait épousé la plus jeune des filles de Tunder, Anna Margareta, dont il eut cinq enfants. Il avait été appelé à jouer à Sainte-Marie sur un orgue remontant au début du xvie s., qu’il fit restaurer en 1704. Dans cette église, il devait trouver également un orgue du xve s., dans la chapelle de la Danse des morts. C’est pour une série de concerts du soir (Abendmusiken) qu’il semble avoir écrit une grande partie de ses cantates, le reste étant destiné à des exécutions publiques ou à des événements affectant la vie de famille d’aristocrates ou de riches bourgeois (cantates nuptiales et funèbres). Il paraît avoir entretenu des rapports avec le maître de chapelle de la cour de Copenhague, Kaspar Förster, avec Johan Lorentz, organiste de Saint-Nicolas, avec les théoriciens Andreas Werckmeister et Johann Theile. Il était lié d’amitié avec la famille Düben, notamment avec Gustaf (1624-1690), qui avait su réunir une extraordinaire collection de musique contemporaine. Il reçut la visite de Mattheson et de Händel en 1703 et celle de J.-S. Bach en 1705. Parmi ses élèves, on compte les musiciens Daniel Erich, Georg Dietrich Leiding, Friedrich Gottlieb Klingenberg et surtout Nikolaus Bruhns (1665-1697). Il est également possible que Buxtehude, dont la musique suppose une grande pratique de l’art français, notamment de l’art lullyste, ait pris connaissance de ce dernier en fréquentant le Français Daniel Danielis, qui fut maître de chapelle à Güstrow.

L’œuvre de Buxtehude évoque le message d’une Allemagne qui se relève des ruines de la guerre de Trente Ans et qui est pleine de vitalité et de dynamisme. Elle comporte une partie religieuse et une partie profane.

À ses cantates, Buxtehude donne le nom de concertos, motets ou dialogues. Ses œuvres se situent entre le concert spirituel, la symphonie sacrée et la cantate d’église. Elles commentent des textes bibliques, en langue allemande ou latine, et elles adoptent des formes très fantaisistes, groupant une sonate initiale, de grands chœurs en style concertant, des ariosi et des arias, des récitatifs. Il lui arrive également d’insérer dans ses cantates des variations sur un thème de choral ou sur une basse obstinée, et il éclaire ses commentaires vocaux par l’utilisation d’instruments employés souvent dans un propos descriptif. Une certaine austérité marque ses cantates sur paroles allemandes, alors qu’un lyrisme tout italien imprègne ses airs sur texte latin.