Butor (Michel) (suite)
Là réside peut-être la plus profonde originalité de Butor. Il est légitime de lui faire une place dans l’école du « nouveau roman » : tels Nathalie Sarraute ou Beckett, il considère la réalité comme un jeu de relations indéterminées, attache beaucoup plus de prix aux apparences qu’aux « profondeurs » et soumet les méandres du temps aux lignes de l’espace. Mais il se sépare radicalement d’un Robbe-Grillet en considérant la culture comme le milieu même de l’homme et surtout comme son salut. Les cartes que dresse son écriture, à la fois proustienne et familière, indiquent des modèles de cheminements à travers nos représentations et à travers nos « lectures » d’un livre, d’un tableau, d’une musique.
Le culturel est pour lui le bien commun des hommes, qui doivent apprendre à y employer leur temps grâce à des tables d’orientation. Dans tous ses ouvrages, Butor est le pédagogue de cet emploi, et il est technicien littéraire dans la mesure même où il récuse la technicité mécaniste de son époque. On ne s’étonnera donc pas de trouver dans ses récits un monde de personnages moyens, sinon humbles, qui n’ont rien du héros et sont simplement aux prises avec le double problème de leur présence au monde et de leur « moi ». Le « structuralisme » de Butor est un humanisme. Créateur ou critique, Butor révèle des jeux de formes, des combinatoires esthétiques, parce que là réside à ses yeux le sens de la vie. Son appétit de littérature, de peinture, de musique est non moins « hugolien » (G. Raillard) qu’organisé, mais, en lisant ses écrits, on peut imaginer Montaigne étudiant la facture des Misérables.
Principales œuvres de Michel Butor
Passage de Milan (1954), roman ; l’Emploi du temps (1956), roman ; la Modification (1957), roman ; le Génie du lieu (1958) ;
Répertoire I, II, III (1960, 1964, 1968) ; Degrés (1960), roman ;
Histoire extraordinaire, essai sur un rêve de Baudelaire (1961) ;
Mobile, étude pour une représentation des États-Unis (1962) ;
Réseau aérien (1962), texte radiophonique ; Description de San Marco (1963) ; Hérold (1964) ; Illustrations (1964) ;
6 810 000 litres d’eau par seconde, étude stéréophonique (1965) ;
Portrait de l’artiste en jeune singe (1967) ;
Dialogue avec 33 variations de Ludwig van Beethoven sur une valse de Diabelli (1971).
M. Z.
R. M. Albérés, Michel Butor (Éd. universitaires, 1964). / J. Roudaut, Michel Butor ou le Livre futur (Gallimard, 1964). / L. S. Roudiez, Michel Butor (New York, 1965). / J. Kolbert et C. Book, l’Art de Michel Butor (Oxford, 1967). / J. Ricardou, Problèmes du nouveau roman (Éd. du Seuil, 1967). / G. Raillard, Michel Butor (Gallimard, 1968). /M. Zeṛaffa, Personne et personnage. Le romanesque des années 1920 aux années 1950 (Klincksieck, 1969). / F. Van Rossum-Guyon, Critique du roman. Essai sur « la Modification » de Michel Butor (Gallimard, 1971). / L. Dällenbach, le Livre et ses miroirs dans l’œuvre romanesque de Michel Butor (Lettres modernes, 1972). / A. Helbo, Michel Butor. Vers une littérature du signe (Complexe, 1975).