Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Burundi (suite)

L’histoire

Le Burundi est un des rares États africains à avoir existé tel quel avant la colonisation. Il faisait partie de l’ensemble des royaumes des grands lacs de l’Est africain. Sa population est composée, outre les petits groupes de Twas (chasseurs et potiers pygmoïdes), d’une majorité de Hutus et d’une minorité de Tutsis. Les premiers sont classés parmi les peuples « bantous », les seconds parmi les peuples « couchitiques » ou « niloéthiopides ». Il est impossible de préciser les dates d’arrivée de ces différents groupes ethniques, mais l’ancienneté de la présence des uns et des autres en Afrique centrale ou orientale, telle que la révèlent les études de la période préhistorique, invite à mettre en doute l’hypothèse de l’« invasion hamitique » tardive.

La collaboration de cultivateurs hutus et de pasteurs tutsis a pu être très précoce et favoriser la pénétration progressive des montagnes boisées du Ruanda et du Burundi (avant le xive s.). On est frappé de l’unité linguistique du pays : le kirundi (langue bantoue) est le support d’une littérature orale raffinée à laquelle tous participaient. L’unité culturelle apparaît aussi dans l’art (vanneries, danses, musique) et dans les croyances (culte des ancêtres, initiation au dieu-héros Kiranga). Mais la dichotomie ethnique s’était perpétuée dans la vie sociale : les lignages tutsis bénéficiaient de l’abondance de leurs troupeaux de bovins et de leur participation plus étroite au pouvoir ; les lignages hutus constituaient la masse des cultivateurs, dont beaucoup étaient plus ou moins dépendants des premiers. La vache, animal vénéré, était le gage de contrats de clientèle (ubugabire) qui tissaient un réseau de relations du haut en bas de la société, mais desquels les éleveurs tutsis tiraient le plus d’influence. La monarchie assurait l’unité de ces populations : la famille royale, dans laquelle étaient choisis les chefs (baganwa), se disait étrangère aux deux ethnies (et non tutsi comme au Ruanda) ; le roi (mwami) était un personnage divin, garant de la survie et de la fertilité du pays. La fondation du royaume est parfois reliée à la migration vers le sud des chefs hinda, issus du royaume de Kitara, détruit au xvie s. La dynastie du Burundi pourrait remonter au moins au xviie s. Elle se subdivise en cycles de quatre rois, dont le dernier est le mieux connu : Ntare Rugamba (première moitié du xixe s.) donne au pays ses frontières actuelles ; Mwezi Gisabo (1852? - 1908) doit lutter contre des chefs rebelles et contre des étrangers (Arabes, puis Allemands) ; Mutaga (1908-1915) et Mwambutsa (1915-1966) assurent la continuité du royaume sous le contrôle européen.

La période coloniale se subdivise en deux phases. De la fin du xixe s. à 1916, le Burundi fait partie de l’Afrique-Orientale allemande. Pénétré en 1892, érigé en résidence en 1906, il reste soumis à une administration militaire due à la proximité de la frontière congolaise et aux conflits que les Allemands arbitrent entre le roi (Mwezi ne s’est soumis qu’en 1903) et différents chefs. Le contrôle du pays est facilité par la présence très précoce des Pères blancs, mais son développement n’est qu’amorcé à la veille de la Première Guerre mondiale.

De 1916 à 1962, le « Ruanda-Urundi » entre dans l’orbite du Congo belge, avec le statut de « mandat B » à partir de 1923, puis de « pays sous tutelle » en 1946. L’administration européenne coiffe la hiérarchie traditionnelle des chefs. Le développement agricole n’empêche pas un fort courant d’émigration vers l’Afrique britannique. Les produits commerciaux sont mis en valeur surtout après 1946 (café et coton). La scolarisation est le fait des missions : les deux tiers des Burundis sont baptisés.

L’accession à l’indépendance est marquée par une tension interne grave, due notamment à l’exemple de la révolution ruandaise de 1959 et à la rivalité entre les partisans d’une autonomie interne (encouragée par la Belgique) et ceux de l’indépendance immédiate (encouragée par l’O. N. U.) regroupés dans le parti d’« union et de progrès national » (UPRONA). Sous la conduite d’un fils du roi, Louis Rwagasore, ce dernier remporte les élections de 1961, mais est assassiné en octobre. Depuis son indépendance (1er juill. 1962), le pays a connu une vie politique agitée, les divisions du personnel dirigeant dégénérant en rivalités ethniques et aboutissant à une remise en question de la monarchie. Le roi Mwambutsa a été renversé en juillet 1966, et la république proclamée (28 nov. 1966) sous la présidence du colonel Michel Micombero, lui-même renversé en 1976 par un coup d’État militaire. Mais les affrontements entre les Hutus, de race bantoue, qui, paysans pour la plupart, représentent plus de 80 p. 100 de la population, et les Tutsis, qui détiennent le pouvoir, dominent la scène politique : en 1972, la sanglante révolte des Hutus se solde par une impitoyable répression.

J.-P. C.

 Le Burundi (la Documentation fr., « Notes et études documentaires », 1967). / K. H. Hausner et B. Jezic, Rwanda-Burundi (Bonn, 1968). / G. Mpozagara, la République du Burundi (L. G. D. J., 1971). / X. Richer, À la découverte du Burundi (Delroisse, 1974).

Busoni (Ferruccio)

Compositeur et pianiste italien (Empoli, près de Florence, 1866 - Berlin 1924).


La personnalité complexe de Busoni rappelle par quantité de traits celle de Liszt, qu’il admirait passionnément et dont il est à bien des égards un héritier, et même une réincarnation. Comme Liszt, il a partagé ses dons entre quatre activités, dont une seule eût suffi à sa gloire. Mais, bien plus encore que chez Liszt, le rayonnement du pianiste virtuose, du pédagogue, du chef d’orchestre propageant l’œuvre des jeunes musiciens méconnus a nui à celui du compositeur, très peu connu aujourd’hui encore. Comme Liszt, Busoni, caractère d’une magnifique générosité, a été partagé entre la culture latine et la culture germanique : il naquit d’un père clarinettiste italien et d’une mère pianiste d’origine autrichienne. Au terme d’études effectuées tant en Italie qu’en Allemagne et de tournées de concerts qui firent rayonner sa précoce réputation de virtuose jusqu’en Finlande (1888-1890), où il se maria, et aux États-Unis (1891-1894), il fit de Berlin son domicile principal, tout en continuant à voyager beaucoup. Il y dirigea à ses frais des concerts de musique nouvelle. La Première Guerre mondiale, mettant aux prises ses deux patries, l’Italie et l’Allemagne, l’exila à Zurich, où il passa cinq années amères « au-dessus de la mêlée » (1915-1920). Il revint à Berlin déjà gravement malade et y mourut sans avoir pu mettre la dernière main à son œuvre maîtresse, le Doktor Faust, opéra dont son disciple Philipp Jarnach compléta la dernière scène d’après ses esquisses.