Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bulgarie (suite)

Le second Empire bulgare

La lutte pour la libération totale de la Bulgarie fut poursuivie par le frère d’Asen et de Pierre, Kalojan (1197-1207). En conclusion d’opérations militaires couronnées de succès, une grande partie de la Thrace et presque toute la Macédoine furent réunies à l’État bulgare. Les offensives entreprises par l’Empire latin de Constantinople fondé en 1204 furent repoussées. Une lourde défaite fut infligée aux chevaliers latins lors d’une bataille livrée près d’Andrinople (14 avr. 1205), au cours de laquelle l’empereur Baudouin de Flandre fut fait prisonnier. Kalojan occupa alors Thessalonique, donnant ainsi au second Empire bulgare un débouché sur la mer Égée.

Le second Empire bulgare atteignit le sommet de sa puissance politique au cours du règne de Jean III Asen II (1218-1241). Lors de la bataille de Klokotnica (mars 1230), les Bulgares défirent les troupes de l’empereur d’Epire Théodore Comnène, qui, lui aussi, fut capturé. La Bulgarie, qui était bordée par trois mers, la mer Noire, la mer Égée et l’Adriatique, devint alors la principale puissance de la péninsule balkanique. L’économie du pays s’anima et pour la première fois furent émises des pièces de monnaie bulgares. Une vie culturelle intense, dont le centre était Tărnovo, se développa dans tout le pays. En 1235, Nicée fut obligé de reconnaître l’autonomie de l’Église bulgare.

Au cours de la seconde moitié du xiiie s., en raison du processus de féodalisation, le morcellement politique de l’Empire s’accéléra, ce qui aboutit à une décadence économique et militaire, ainsi qu’à l’accroissement du mécontentement de la population rurale. En outre, les incursions de divers ennemis — les Byzantins, les Magyars, les Tatars — devinrent plus fréquentes. En 1277 éclata une importante insurrection paysanne, ayant à sa tête le berger Ivajlo et dirigée tant contre l’aristocratie des boyards que contre les envahisseurs étrangers (Tatars et Byzantins). Au début, les insurgés remportèrent des succès, et Ivajlo s’empara de Tărnovo, où il fut proclamé tsar. Mais, par la suite, le soulèvement fut écrasé, et les boyards triomphèrent. Le morcellement politique du pays se poursuivit, avec une période de stabilisation sous le règne du tsar Théodore Svetoslav (1300-1321).

À la fin du règne du tsar Jean Alexandre (1331-1371), l’Empire bulgare fut divisé en royaume de Tărnovo, royaume de Vidin et principauté de la Dobrudža (Dobroudja). Entre-temps avaient d’ores et déjà pris pied sur la péninsule des Balkans les Turcs Osmanlis (1352), qui, profitant de la faiblesse des États balkaniques (Byzance, Bulgarie, Serbie, Bosnie) et des rapports tendus entre eux, entreprirent une conquête systématique. Après 1371, les Turcs s’emparèrent d’une importante partie des territoires bulgares en Thrace et en Macédoine. En 1382, Sredec (Sofia) fut prise, et, en 1388, de puissantes forces ottomanes occupèrent une partie de la Bulgarie du Nord-Est. En 1393, les Turcs prirent Tărnovo et mirent fin au royaume de ce nom, dont le dernier souverain, Ivan Šišman (1371-1393), fut tué. En 1396, ce fut le tour du royaume de Vidin et, presque en même temps, de la principauté de la Dobroudja d’être occupés. Le peuple bulgare offrit une résistance acharnée aux envahisseurs, ce dont témoignent les sources contemporaines ainsi que de nombreuses légendes et chansons populaires.


La Bulgarie sous le joug turc

Le passage du peuple bulgare sous le joug turc eut des conséquences graves. Toutes les institutions de l’État bulgare furent abolies par les conquérants. Les Turcs détruisirent les églises et les monastères. Le territoire bulgare devint la base de départ des troupes turques vers les autres terres balkaniques et l’Europe centrale. De fortes garnisons s’installèrent dans les grandes villes. De nombreux Bulgares furent réduits en esclavage. Au cours des premiers siècles d’oppression, des Bulgares émigrèrent en Transylvanie et en Autriche, plus tard en Roumanie. La Sublime Porte chercha à renforcer ses positions dans les terres conquises par l’établissement de musulmans venant d’Asie et par des tentatives d’islamisation des Bulgares. Mais le peuple résista opiniâtrement à ces tentatives et conserva sa foi chrétienne. L’immigration des musulmans (Turcs, Tatars, Tcherkesses, etc.) se poursuivit durant les cinq siècles d’esclavage turc. Les voyageurs qui pénétrèrent en Bulgarie au xvie s. témoignent, dans leurs récits, du fait que les fertiles plaines bulgares étaient alors occupées par une nombreuse population musulmane, les Bulgares étant repoussés vers les régions forestières et montagnardes. Les centres stratégiques, tels que Plovdiv, Sofia, Vidin, Nikopol, Varna, Skopje, etc., avaient pris un aspect turc.

En Bulgarie, province de l’Empire ottoman, le pouvoir suprême introduisit le système turc de féodalité militaire. Sur la base des traditions et des lois ottomanes, les Bulgares devinrent des rayias (sujets) de l’Empire. Les paysans, qui représentaient l’immense majorité du peuple, furent attachés à la terre des féodaux ou aux possessions féodales du sultan et de son entourage. Le rayia était tenu de travailler gratuitement (angarija) et de payer différentes lourdes charges fiscales en argent et en nature (au nombre de plus de 90). De plus, aux yeux des conquérants, les Bulgares chrétiens restaient des « infidèles ».

Très lourds étaient les impôts de discrimination religieuse, qui étaient payés uniquement par les « infidèles » : le djizya (impôt général), le haraç (droit de travailler la terre), le devširme (impôt du sang), etc. Il y avait aussi l’impôt de la « respiration de l’air ».

Les Bulgares n’avaient pas accès aux fonctions administratives. Seules quelques petites communautés remplissaient des fonctions spéciales (servir dans les trains régimentaires de l’armée turque, garder les colis, etc.) et étaient exemptes des impôts de discrimination religieuse. Lorsque les Bulgares recevaient l’autorisation de construire une église (contre des rachats très élevés), cette dernière devait être petite et bien cachée pour ne pas irriter les fidèles musulmans, alors que les mosquées des conquérants étaient édifiées sur les places publiques, avec des dimensions monumentales.