Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Bruxelles (suite)

La Grand-Place constitue un ensemble d’architecture civile ancienne d’une étonnante richesse décorative. Elle est dominée par le plus remarquable monument gothique de Bruxelles, l’hôtel de ville (1402-1454) avec son beffroi de 96 mètres de haut, chef-d’œuvre de sveltesse. La maison dite du Roi, primitivement halle au pain, fut élevée sous Charles Quint, notamment par Lodewijk Van Boghem (v. 1470-1540), et reconstruite à l’identique au xixe s. La plupart des maisons qui entourent la place furent bâties par des gildes de métiers ; après le bombardement de la ville par les Français, en 1695, elles furent restaurées ou reconstruites dans un style baroque très orné.

Bruxelles est riche en monuments de styles Louis XVI et néo-classique : place Royale, due principalement au Français Barnabé Guimard († 1792) ; palais de la Nation (1779) du même architecte ; place des Martyrs ; palais de Laeken, par Louis-Joseph Montoyer (1749-1811), restauré après un incendie de 1890 ; palais du prince d’Orange, aujourd’hui des Académies (1823-1826) ; etc. L’éclectisme de la seconde moitié du xixe s. trouve sa plus baroque expression dans l’immense entassement de pierres du Palais de justice de Joseph Poelaert (1817-1879). Le même architecte rebâtit en style gothique l’église Notre-Dame de Laeken, dont la crypte abrite les sépultures des souverains belges.

Une génération plus tard, et pour quelques années seulement, Bruxelles prend une position d’avant-garde dans l’architecture occidentale, grâce à sa contribution à la naissance du modern style (v. art nouveau), principalement représenté par le baron Horta et Henry Van de Velde, sans oublier Paul Hankar (1859-1901). Victor Horta (Gand 1861 - Bruxelles 1947) fut un pionnier du modernisme dans les années 90. Par le caprice élégant des courbes, il renouvela dans un style précieux la technique du métal et du verre. La maison Tassel (1892), l’hôtel Solvay (1895-1900), la maison du Peuple (1896-1899, auj. détruite), la maison Horta (1898, musée depuis 1969) sont les exemples les plus célèbres d’une manière qui met brillamment en concurrence imagination formelle et logique constructive. Plus tard, Horta reviendra à une manière classique, notamment avec son palais des Beaux-Arts (1914-1928), toujours à Bruxelles.

Henry Van de Velde (Anvers 1863 - Zurich 1957), architecte, décorateur, théoricien, construisit sa propre demeure à Bruxelles-Uccle en 1895. Son utilisation de la courbe, de motifs décoratifs empruntés à la végétation eut à cette époque une grande influence sur l’architecture d’intérieur et le mobilier en Europe. Après différentes activités à l’étranger, et surtout en Allemagne, il devint, en 1926, directeur de l’Institut supérieur des Arts décoratifs de Bruxelles. Son dernier style le montre proche du fonctionnalisme néerlandais.


Peinture

Rogier Van der Weyden*, originaire de Tournai, fut peintre officiel de la ville d’environ 1435 à sa mort, en 1464, définissant l’orientation d’une école originale qui comprend notamment Vranck Van der Stockt (av. 1424-1495), successeur de Rogier comme peintre de la ville. Au xvie s., celle-ci fut le centre de la Renaissance de style « romaniste ». Bernard Van Orley*, peintre de Marguerite d’Autriche et auteur de cartons de tapisseries et de vitraux, marque le passage du maniérisme gothique à cette tendance italianisante que représente encore un Pieter Coecke Van Aelst (1502-1550, d’abord actif à Anvers). Gendre de ce dernier, Pieter Bruegel* l’Ancien fut, ainsi que ses enfants, lié à la vie artistique bruxelloise ; le musée d’Art ancien conserve plusieurs de ses œuvres majeures.

Au xviie s., la ville d’Anvers a la prépondérance ; toutefois David Teniers* travaille à Bruxelles et Jacob d’Arthois (1613 - v. 1686), peignant la forêt de Soignes, renouvelle l’art du paysage.

Au xixe s., François Joseph Navez (1787-1869) représente le renouveau du classicisme que, devenu directeur de l’Académie, il maintint en face des romantiques, Antoine Joseph Wiertz (1806-1865) et Louis Gallait (1810-1887). Dans la seconde moitié du siècle, Hippolyte Boulenger (1837-1874), fondateur de l’école paysagiste de Tervuren (en forêt de Soignes), et Charles De Groux (1825-1870), qui subit l’influence de Millet, sont les propagateurs sensibles du réalisme. Guillaume Vogels (1836-1896) représente le passage à un impressionnisme non soumis aux modèles français ; par contre, Henri Evenepoel (1872-1899) fait à Paris l’essentiel de sa brève carrière. Tous deux furent membres du « groupe des XX », l’une de ces associations qui témoignent du rôle alors joué par Bruxelles comme centre d’attraction et de création.

Ce rôle se poursuit au xxe s. Tous les grands artistes, comme précédemment Ensor*, ont exposé à Bruxelles, tels Rik Wouters (1882-1916) et Permeke*, et sont bien représentés au musée d’Art moderne de la capitale belge. La carrière des surréalistes Magritte* et Delvaux* est liée à la vie artistique de la capitale. En 1945, le groupe « la Jeune Peinture belge » est constitué par des artistes de tendance abstraite comme Antoine Mortier (né en 1908), Louis Van Lint (né en 1909), Englebert Van Anderlecht (1918-1961).


Sculpture

En 1379, Claus Sluter* est inscrit sur les registres corporatifs de la ville, mais il est à Dijon dès 1383. À la fin du xve s., l’atelier de Jean Ier Borman produit des retables de bois que caractérisent à la fois le réalisme et l’invention pittoresque.

Les Duquesnoy* représentent l’art baroque de la première moitié du xviie s. ; Gilles Lambert Godecharle (1750-1835), le retour au classicisme (frontons du palais de la Nation et du palais de Laeken) ; Constantin Meunier (1831-1905), le réalisme social du xixe s. (monument au Travail). Au xxe s., les principaux sculpteurs bruxellois sont J. Moeschal, J. P. Ghijsels, J. M. Strebelle.


Tapisserie

Les premières corporations de tapissiers apparaissent à Bruxelles vers 1300, mais leur production n’a pas été conservée. À la fin du xve et au début du xvie s. se développe une manière caractérisée par le manque voulu de perspective, les larges drapés aux plis sculpturaux, les gestes précis, le sens décoratif. Averti de l’œuvre de Raphaël, Bernard Van Orley* est le principal romaniste de l’histoire de la tapisserie en Belgique : son influence s’étend à tout le pays pendant plus d’un siècle. Plusieurs cartons de Michiel Coxcie (1499-1592) et tous ceux de Pieter Coecke Van Aelst furent exécutés à Bruxelles. Parmi les praticiens, on peut citer Pieter Van Aelst († 1531), qui travaille pour la cour de Charles V et pour le pape, Pieter de Pannemaker, fournisseur de la cour de Marguerite d’Autriche, les Kempeneer, les Dermoyen, etc. Vers 1560, le centre de la tapisserie se déplace progressivement à Anvers. Pieter de Kempeneer (1503-1580) est néanmoins très actif comme dessinateur de cartons de 1563 à 1580. C’est en 1794 que disparaît le dernier grand atelier, celui de Jacques Van der Borght. Le musée d’Art et d’Histoire de la capitale expose de nombreuses tentures illustrant l’évolution de cet art de la tapisserie bruxelloise.