Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bruxelles (suite)

L’axe ABC est, d’autre part, matérialisé par une voie d’eau : le canal de Willebroek, au nord, met Bruxelles en contact avec le port d’Anvers ; son gabarit est de 3 000 t. Le canal de Charleroi à Bruxelles a été porté au gabarit de 1 350 t ; il passe par le plan incliné de Ronquières et va accélérer la jonction entre les agglomérations de Bruxelles et de La Louvière - Charleroi. Le trafic maritime du port de Bruxelles est de l’ordre de 300 000 t.

L’aéroport de Bruxelles est, de loin, le premier aéroport belge, assurant les deux tiers des vols du pays.

• Le rôle économique. Se concentrent à Bruxelles 70 p. 100 des emplois belges dans des bureaux de direction. Les banques, assurances et sièges sociaux occupent 40 000 des actifs. Les banques y emploient 58 p. 100 des actifs du pays de cette branche et les assurances, 66 p. 100. 35 grandes banques s’y sont installées dont, notamment, les sièges sociaux de la Société générale, de la Banque Lambert, de la Banque de Bruxelles, de l’Union du crédit, la direction de la Banque nationale. La Bourse est la plus importante du pays. À Bruxelles sont installés 56 p. 100 des sièges sociaux du pays.

• Le rôle culturel. Plus de la moitié de la presse belge est imprimée à Bruxelles. Les théâtres, les concerts, les musées, les monuments concourent à la renommée de la ville, mais il s’agit seulement « d’une prééminence marquée, sans rien d’un monopole accapareur ». Bruxelles possède une université libre, mais les universités d’État sont situées à Liège et Gand ; l’université catholique est à Louvain, et les grandes écoles sont généralement ailleurs qu’à Bruxelles.

• Le rôle gouvernemental. Les organismes européens se dispersent à Luxembourg, Strasbourg et Bruxelles, mais c’est à Bruxelles qu’ils sont actuellement les plus nombreux et que se tiennent le plus souvent les grandes réunions. Bruxelles est le siège du gouvernement belge, des ministères, des grands organismes gouvernementaux, des ambassades. La centralisation, sur ce point, ressemble à la centralisation parisienne.

On peut cependant difficilement comparer Bruxelles à Paris. Bruxelles n’a guère qu’un million et demi d’habitants, soit environ 5 fois moins que Paris dans un pays dont la densité est 3,5 fois plus forte que la densité française. D’autre part, deux autres villes pèsent d’un grand poids, en Belgique : Anvers, la « Métropole », à quelques dizaines de kilomètres seulement au nord, et Liège, la « Cité ardente » à moins de 100 km à l’est. Et c’est en cela que la structure belge est intermédiaire entre la structure polynucléaire de l’Europe du Nord-Ouest et la structure centralisée de la France. Le poids démographique de deux autres villes n’est pas très inférieur à celui de la capitale, et chacune d’entre elles joue un rôle économique et directionnel important. De plus, chacune de ces deux villes fait figure de chef de file, l’une pour la région néerlandophone, l’autre pour la région francophone, et le rôle directionnel de Bruxelles est sans cesse remis en question par la querelle linguistique.

Parler français était (ou est encore...) considéré comme un signe de promotion sociale, et les habitants de Bruxelles, dans un territoire situé au nord de la limite linguistique et, pour une bonne part, issus de territoires néerlandophones, se mettaient à parler le français. Le français était la langue administrative de 16 des 19 communes avant la loi linguistique de 1963 ; les Flamands accusaient les hauts fonctionnaires d’être francophones et, de source wallonne, on estime que 85 p. 100 de la population parlent le français. Depuis 1963, dans l’arrondissement de Bruxelles-Capitale, les deux langues ont le même statut officiel, et il existe des écoles dans les deux langues. Mais chaque : communauté linguistique reproche à Bruxelles de favoriser l’autre partie du pays. De sorte que la Belgique est divisée non en deux mais en trois parties : les Flamands, les Wallons et les Bruxellois. Les élections de 1971 ont souligné l’importance et la gravité du fait bruxellois.

A. G.


L’histoire

D’après la légende, Bruxelles aurait été fondée vers 600 par l’évêque de Cambrai, saint Géry, sur une petite île de la Senne. Née sans doute sur les hauteurs de la rive droite de la Senne, la ville aurait été ainsi à l’abri des inondations. En 977, l’empereur Otton II confie le comté dont Bruxelles fait partie au duc de Basse-Lotharingie, Charles de France. Celui-ci fait alors construire dans l’île dite de Saint-Géry un castrum, ou château, protégeant la frontière occidentale de l’empire contre les attaques flamandes. Poste défensif, ce château est aussi le centre administratif du comté et une place marchande de grande importance. Bruxelles est un portus : la Senne cessant d’être navigable à cet endroit, les marchandises y sont débarquées pour être acheminées par terre, vers le sud. Par ailleurs, point de transit entre les deux principales villes de Flandre, Bruges et Gand, à l’ouest, et Louvain, Liège, la Meuse et le Rhin, à l’est, Bruxelles se trouve sur la nouvelle route commerciale Cologne-Bruges, qui remplace la vieille voie Bavai-Gembloux-Tongres, au sud. Favorisée par son site et sa situation, Bruxelles va connaître un essor rapide. Sous le règne du duc de Brabant, Lambert II Balderic († v. 1063), le transfert de la châsse de sainte Gudule de la chapelle du château à l’église des Saints-Michel-et-Gudule, récemment édifiée, est d’une grande importance pour le développement de la ville. Longtemps attribuée à Lambert II en 1040, la construction de la première enceinte de la ville ne daterait que de 1100. À l’abri de murs de 4 000 m de périmètre, flanqués de 50 tours, percés de 7 portes, la vie urbaine se développe autour de trois foyers principaux : l’église des Saints-Michel-et-Gudule, le Nouveau Marché installé en dehors de l’île de Saint-Géry et le château de Coudenberg, résidence ducale sur la rive droite de la Senne.

Aussi Bruxelles devient-elle au xiiie s. la ville politiquement la plus importante du Brabant, et cela bien que Louvain en soit de droit la capitale. Administrée par un échevinage en 1155 et peut-être même dès 1138, Bruxelles reçoit sa première keure, ou charte, des mains du duc Henri Ier (duc de 1190 à 1235), le 10 juin 1229. Celle-ci accorde à la commune constituée par les bourgeois qui ont prêté serment de nombreux privilèges : sauvegarde des personnes et des propriétés privées, prohibition de la justice personnelle, inviolabilité du domicile, interdiction d’abriter des coupables et de falsifier les poids et mesures. Privilégiés par hérédité ou par achat du droit de bourgeoisie, les notables bruxellois fondent une gilde dont la constitution est approuvée par le duc de Brabant en 1289. Composée des seuls membres des lignages, la gilde ne se contente pas de diriger l’industrie drapière et d’exercer sa domination économique et sociale sur les salariés ; ses préoccupations sont également politiques et ses interventions fréquentes auprès des échevins auxquels ses membres sont apparentés. Contre cette oligarchie dirigeante éclatent bientôt des mouvements revendicatifs unissant les petits patrons aux compagnons. Animée par la moyenne bourgeoisie désireuse de partager l’échevinage avec les lignages, la première émeute populaire de 1303 contraint le duc à accorder « une gilde au commun de sa ville de Bruxelles » ; il s’agissait sans doute d’élargir, du côté des petits métiers, la composition de la gilde. Une deuxième émeute ayant éclaté au début de 1306 et contraint les patriciens à la fuite, le duc Jean II (duc de 1294 à 1312), absent de Bruxelles, se hâte de revenir pour écraser les forces des gens des métiers à Vilvoorde. Malgré ces troubles, Bruxelles connaît un développement considérable, ses draps étant, en particulier, exportés avec succès, notamment au xive s. sur les marchés de Paris, d’Allemagne du Sud et jusqu’à Venise.