Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

brique (suite)

Les briques et les tuiles destinées à être utilisées en extérieur ne doivent pas absorber l’humidité, n’être pas gélives, ce qui pose le problème de la porosité. La porosité diminue quand augmente le degré de cuisson, qui transforme une partie de la porosité ouverte en porosité occluse. La conductivité thermique est un facteur important dans le bâtiment. Les briques les plus denses et en même temps les moins poreuses présentent en climat froid des déperditions calorifiques importantes : ainsi un mur de 33 cm d’épaisseur en briques pleines a un coefficient de transmission thermique K de 1,7 kcal/m2/°C. Aussi la plupart des briques de construction possèdent-elles des évidements (briques creuses) obtenus au moment du filage par la disposition de noyaux, ou mandrins, à la sortie de la filière. Le coefficient de transmission thermique d’un mur de 33 cm d’épaisseur construit avec de telles briques tombe à 1,3.

I. P.

L’architecture de brique

Dans les premières cités, établies il y a cinq millénaires au bord des grands fleuves, le matériau principal a toujours été la brique, faite de limon plastique mêlé de paille, pétrie et tassée dans des cadres en bois, puis séchée à l’ombre (brique crue), ou bien cuite dans un four, à l’exemple de la poterie.

Les villes de l’Indus, Harappā, Mohenjo-Dāro ou le port de Lothal, étaient entièrement en brique : chaussées, murailles, piscines, aqueducs ; cependant, la voûte y fut à peine pratiquée. Les Égyptiens ont utilisé la brique pour leurs maisons comme pour leurs forteresses. En Mésopotamie, où l’absence de bonne pierre suffirait à motiver une telle architecture, Our, Babylone, Ninive furent des villes de brique, comme les villes sassanides ou musulmanes qui leur ont succédé. De là cette massiveté, liée à une tradition du mur en brique crue, ce goût de la polychromie qui a donné les « tours de Babel » (ziggourats) et les bas-reliefs de la porte d’Ishtar. Mais avant tout la brique y a engendré l’arc et la voûte, franchissant le vide sans cintrage grâce à l’adhérence d’éléments posés à plat. L’Égypte aussi a pratiqué de tels berceaux ; mais les Babyloniens ont su tirer le maximum d’une technique dont le palais de Ctésiphon, au vie s. de notre ère, marque la survivance locale, en attendant l’infinie variété des voûtes musulmanes.

Si les temples archaïques grecs et les temples étrusques faisaient appel à un décor de terre cuite, ce n’est qu’au ier s. que les Romains donnent à la brique, en Italie, un rôle prépondérant. Ils l’emploient en arases dans l’appareil dit « mixte », qui comprend une partie de moellons, ou pour former la totalité des parements. Mieux, ils lancent sur de légers cintrages des nervures de briques pour coffrer leurs voûtes en concrétion, accusant une maîtrise dont les grands thermes, la basilique de Maxence ou le Panthéon témoignent encore à Rome. L’emploi de la brique permet aux Romains des combinaisons de surfaces courbes qui marquent déjà une vision baroque de l’espace (temple de la Minerva medica à Rome, Villa Hadriana à Tibur) et une science consommée des contre-butements. Jamais cependant le matériau n’est avoué ; il est revêtu d’enduits colorés, de mosaïques, de plaques de marbre, voire d’une ordonnance ; les baies sont « coffrées » d’éléments rapportés, chambranles et linteaux. Toute cette technique persistera d’ailleurs en Italie, elle aura son rôle au moment de la Renaissance et plus tard encore. Les Romains ont en outre su tirer parti des possibilités que leur offrait la brique dans un autre domaine, le chauffage sur hypocauste.

Chez les Byzantins, héritiers de Rome et de l’Orient, on remarque une volonté d’allégement dans l’emploi des mêmes techniques ; ainsi on utilise, pour garnir les reins des voûtes et bientôt pour former la coupole elle-même, en spirale, des amphores ou des tubes de poterie s’emboîtant les uns dans les autres (San Vitale de Ravenne).

L’architecture médiévale, lorsqu’elle tend à devenir une structure de points porteurs et de nervures, est une conception d’appareilleurs. Cependant, elle s’adapte à l’emploi de la brique partout où la pierre manque ; il en résulte une architecture tout en brique, comme dans le Toulousain (Sainte-Cécile d’Albi), ou mixte, réservant la pierre pour les chaînages, les corniches et les baies, surtout dans les Flandres et en Angleterre. Dans la France du Nord, on a fait de l’association brique-pierre la caractéristique des styles Henri IV et Louis XIII, oubliant les précédents comme le manoir de Plessis-lez-Tours.

En Italie, où l’on avait continué à construire en brique au Moyen Âge, nombre de monuments du xvie s. le sont de même ; et la brique, revêtue de mortier, va rester le matériau préféré de l’ère baroque, grâce aux possibilités qu’elle offre d’obtenir des murs courbes et des voûtes minces, support idéal des décors peints.

Au xviiie s., des tentatives sont faites en France pour obtenir, à l’épreuve du feu, des planchers et des combles en brique, puis en poteries fabriquées spécialement (au Palais-Royal et à la Bourse, à Paris). Dans le même dessein sont mises au point, au milieu du xixe s., les briques creuses, départ d’une industrie céramique variée (hourdis de planchers, boisseaux de cheminées, sanitaire). Mais c’est surtout dans un but décoratif que l’on utilise alors la brique, vernissée ou non, et la terre cuite ornementale ; les architectes « rationalistes », notamment, font un large usage de ces matériaux comme remplissage de leurs structures métalliques dont, après l’usine Menier de Noisiel, les galeries de l’Exposition internationale de 1889 fournissent l’exemple le plus typique (v. fer). À la même date, aux États-Unis, la plupart des constructions urbaines sont en brique, tels les « tenements » de Chicago ; les premiers gratte-ciel eux-mêmes auront leur ossature enrobée de « terra cotta » à l’épreuve du feu.

Au terme de cinquante années d’efforts, un « art nouveau » apparaît peu avant 1900, et c’est encore à la brique qu’il s’adresse le plus volontiers. À Barcelone, Gaudí* réalise ses voûtes et ses toitures en briques minces, selon la tradition catalane, et jusqu’aux surfaces gauches de l’école (1909) de sa Sagrada Familia. À Paris, ce sont les structures en briques armées d’Anatole de Baudot, le rationaliste, pour l’église Saint-Jean-l’Evangéliste (1894-1904). À la Bourse d’Amsterdam (1897-1903), Hendrik Petrus Berlage va jusqu’à exprimer la rigueur du mur plan en traitant en creux les reliefs de ses chapiteaux ; et ce sera le souci constant de ses disciples Jacobus Johannes Pieter Oud et Gerrit Thomas Rietveld. Le style international, qui doit beaucoup à ces Hollandais, utilise de préférence le béton, que le coffrage en bois condamne longtemps aux formes planes. Lorsque les architectes veulent sortir de cette contrainte, ils peuvent faire appel à la brique, comme à la chapelle du Massachusetts Institute of Technology, où Eero Saarinen*, en 1955, a réalisé un cylindre doublé à l’intérieur par un mur ondulant. À l’église de Forbach, Émile Aillaud réduit l’édifice à un mur qui s’enroule sur lui-même, attire et enveloppe le passant pour lui montrer le ciel : conception baroque sur le thème millénaire de la tour de Babel.

H. P.

I. P.

➙ Céramique.

 N. Lloyd, A History of English Brickwork (Londres, 1925). / W. Emerson et G. Gromort, The Use of Brick in French Architecture (New York, 1935). / W. Henze, Architektur und Bau-Keramik (Halle, 1955).