Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Afars et des Issas (Territoire français des) (suite)

La population du territoire est estimée à 125 000 habitants, soit une densité moyenne de 6 habitants au kilomètre carré. Comme près de la moitié de la population est concentrée à Djibouti, et au moins la moitié du reste en d’autres points de la côte (Tadjoura, Obock), l’intérieur du pays est presque vide. En l’absence d’un recensement précis, des estimations indiquent une majorité d’Issas et de Somalis, plus nombreux aujourd’hui que les Afars.

Le territoire est divisé en 4 cercles (Ali Sabieh, Dikhil, Tadjoura, Obock) et 1 district (Djibouti). Ali Sabieh est un village autour d’une station de chemin de fer, avec une école, un dispensaire et une mission catholique. Tadjoura, seule agglomération antérieure aux Français, était autrefois le point de départ des caravanes montant vers l’Éthiopie. Dikhil groupe quelques commerces autour d’un poste créé en 1928, dans la région de contact entre les ethnies issa et afar. Obock a perdu son rôle de capitale après le choix par le gouverneur Léonce Lagarde du site de Djibouti.

En l’absence de ressources agricoles ou minières, la vie économique du territoire se concentre à Djibouti, port de transit créé artificiellement dans le désert, terminus de la voie ferrée d’Addis-Abeba (exportations de café et peaux). À partir de 1949, l’érection du territoire en une zone franche favorisa l’installation d’une centaine de maisons d’import-export. Le port civil et militaire s’appuie à une pointe rocheuse créant un bon site naturel. Les quartiers résidentiels s’allongent du côté oriental de la pointe, sur le front de mer (Serpent, Boulaos). Au sud du port s’étend le quartier commerçant, la ville africaine (Magala), avec l’oasis d’Ambouli et, encore plus au sud, à proximité de la ville, l’aéroport international. En 1970, le trafic du port a été de 1 083 000 t (dont 995 000 t aux entrées). Le trafic de transit a été très fortement réduit de 1967 à 1975 par la fermeture du canal de Suez.

Le réseau routier du territoire compte 900 km, dont 45 km bitumés, 400 km à revêtement non stabilisé, le reste en sol naturel. Le parc automobile était en 1970 de 7 200 véhicules légers et 1 062 camions. D’importants travaux d’hydraulique pastorale sont actuellement entrepris (sondages) dans le dessein de développer l’élevage.

R. B.


L’histoire

Bien que le territoire ait été acquis en 1862, ce n’est qu’en 1884 que les Français s’installent officiellement à Obock. Dès 1888, le port est abandonné pour Djibouti, mieux situé, et en 1896 la colonie prend le nom de Côte française des Somalis.

De 1940 à 1942, la colonie, restée sous le contrôle de Vichy, subit le blocus anglais, puis se rallie à la France libre, et un bataillon somali prend part aux combats de la Libération en France.

En 1946, la Côte française des Somalis devient territoire d’outre-mer. La mise en œuvre du nouveau statut soulève de grandes difficultés, dues aux rivalités tribales et ethniques. En 1949, l’élection d’un sénateur somali de souche étrangère provoque des émeutes, qui font trente-huit morts et une centaine de blessés.

À partir de 1957, l’application de la loi-cadre de 1956, avec l’élection d’une assemblée désignée par un collège unique et la nomination d’un Conseil de gouvernement, modifie fortement la physionomie du territoire. En 1958, le vice-président du Conseil de gouvernement, Mahmoud Harbi, un Somali issa, croit pouvoir entraîner les électeurs à voter « non » au référendum et à réclamer l’indépendance. Il est battu grâce à un rapprochement des Afars et des Issas modérés, menés par le sénateur issa Hassan Gouled. L’accession de la Somalie britannique à l’indépendance en 1960 amène ce dernier à demander une évolution du statut. Il est suivi par le nouveau vice-président du Conseil, un jeune Afar de Tadjoura, Ali Aref Bourhan. Les pourparlers avec les autorités françaises à Paris échouent faute d’accord entre les différents représentants de la population. Pendant ce temps les jeunes évolués s’organisent et fondent le parti du Mouvement populaire (P. M. P.), qui regroupe de nombreux allogènes. Les éléments modérés de la population réagissent. À Paris, le sénateur afar Mohammed Kamil fait adopter une loi qui modifie la carte électorale et donne une majorité de représentants aux populations de l’intérieur, jusque-là en minorité par rapport à Djibouti.

Au même moment, quatre-vingts notables et représentants des Afars et Issas se réunissent dans la petite localité d’Arta, où ils adoptent une charte d’union ; en novembre 1963, les élections se déroulent dans le calme sous le signe de cet accord et, pour la première fois, les Afars, qui présentent un front uni, obtiennent la majorité des sièges.

Une certaine agitation politique se développe à partir de la seconde moitié de 1964. Tout d’abord, l’Assemblée territoriale connaît une crise interne qui amène la démission de cinq des six conseillers issas : ceux-ci précisent qu’ils dénient à quiconque le droit de s’immiscer dans les affaires intérieures du territoire. Le vice-président Ali Aref dispose du soutien sans réserve de l’Administration, mais, au sein du Conseil de gouvernement, trois de ses ministres se désolidarisent de lui et réduisent sa majorité. Parallèlement, le P. M. P. connaît une éclipse après la condamnation de son président pour menées subversives. En 1966, l’opposition au vice-président menée par Mohammed Kamil et par Hassan Gouled se développe, et la visite du général de Gaulle en août sert de prétexte à de très violentes manifestations hostiles à Aref, au cours desquelles les éléments extrémistes réclament, avec le départ du vice-président, l’indépendance du territoire.

Les émeutes font plusieurs dizaines de morts et de blessés. Un gouvernement de transition est mis en place tandis que, par référendum, le choix est donné à la population entre l’indépendance et le maintien au sein de la République avec un statut rénové prévoyant une large autonomie interne. La majorité des électeurs choisissant, le 19 mars 1967, le maintien du pays au sein de la République française, une nouvelle flambée de violences éclate chez les Somalis de Djibouti.

Le nouveau statut est mis en place le 3 juillet 1967 et, à cette date, le territoire prend l’appellation de « Territoire français des Afars et des Issas ». Ali Aref est réélu à la tête du nouveau gouvernement, auquel participent, depuis 1968, des Issas modérés.

G. M.