Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bresson (Robert) (suite)

Le public, qui a été conquis par le premier essai de Bresson, est totalement décontenancé par le second. L’insuccès commercial des Dames inquiète les producteurs, mais il ne peut refréner l’enthousiasme de quelques critiques. André Bazin, par exemple, résume en une formule choc son admiration : « Il n’a fallu que le bruit d’un essuie-glace d’automobile sur un texte de Diderot pour en faire un dialogue racinien. »

Pour son troisième film, Bresson fait encore appel à un écrivain, Georges Bernanos. Le Journal d’un curé de campagne (1950, prix Louis Delluc), comme Mouchette tourné seize ans plus tard, suit de très près le texte écrit, et pourtant rien n’est plus éloigné de ce qu’on appelle communément une « fidèle adaptation » qu’un film de Bresson.

Lorsque Bresson projette de tourner Un condamné à mort s’est échappé, il précise ses intentions : « Je désire tourner un film d’objets et un film d’âme : on verra donc essentiellement des mains et des regards. J’ai choisi mes acteurs pour leur ressemblance morale avec les personnages qu’ils incarnent. » Dans le cinéma français, Bresson commence à avoir une singulière réputation : on se bat avec des mots en isme pour tenter d’analyser sa démarche : jansénisme, absolutisme, mysticisme, ascétisme. Après Pickpocket (1959), le Procès de Jeanne d’Arc (1962), Au hasard Balthazar (1965), Mouchette (1967), Une femme douce (1969) et Quatre Nuits d’un rêveur (1971), Lancelot du Lac (1973), le doute n’est plus permis : Bresson poursuit avec opiniâtreté une ligne de conduite de plus en plus éloignée des concessions habituelles à la profession.

Ce « maniaque du vrai » n’emploie plus d’acteurs professionnels depuis le Journal : il se méfie des comédiens formés dans le cadre rigide des conservatoires et préfère faire appel à des inconnus choisis dans divers milieux sociaux. Il a la réputation d’être un metteur en scène inflexible, dont les exigences sur le plateau sont célèbres. Celles-ci concernent non seulement le jeu des acteurs, mais encore et surtout leur diction. Son parti pris de neutralité vocale n’est pas sans irriter ceux qui estiment qu’une recherche trop poussée dans ce domaine conduit immanquablement à une absence regrettable de « naturel ».

Tous les films de Bresson sont les maillons d’une même chaîne. Ce sont avant tout des œuvres « disciplinées », attentives aux imperceptibles mouvements révélateurs des visages saisis à l’instant précis de leur tension psychologique maximale et profondément respectueuses des moindres détails qui trahissent les sentiments d’un homme avec une vérité plus cruelle que mille explications verbales (importance donnée aux gestes et aux objets dans Un condamné à mort s’est échappé et dans Pickpocket). Il est possible que, au-delà du dépouillement bressonien, ce soit le silence. Mais il se peut aussi que la voie rigide qu’il a décidé de suivre soit la seule capable de rendre au cinéma son autonomie par rapport aux autres arts.

J.-L. P.

 R. Briot, Robert Bresson (Éd. du Cerf, 1957). / J. Semolué, Bresson (Éd. universitaires, 1960). / M. Estève, Robert Bresson (Seghers, 1963). / R. Droguet, Robert Bresson (Serdoc, Lyon, 1967). / The Films of Robert Bresson (Londres, 1969).

Brest

Ch.-l. d’arrond. du Finistère ; 172 176 hab. (Brestois). Second centre urbain et industriel de la Bretagne (après Rennes), Brest est aussi un port militaire et de commerce, une ville universitaire.



Le site

La ville est située sur la rive nord d’une baie où débouchent l’Elorn et l’Aulne. La rade de Brest forme un plan d’eau de 15 000 ha (dont 4 000 à plus de 12 m de profondeur) communiquant avec la mer par le Goulet, zone d’effondrement qui a créé deux passes profondes, de 2 kilomètres de large. Ce site, fort propice à l’établissement d’activités maritimes, est contrarié par une situation difficile : manque de liaison avec l’arrière-pays à caractère essentiellement rural et difficultés d’accessibilité. Ces caractères ont déterminé dès le xvie s. la vocation militaire. La ville s’est installée sur les bords de la Penfeld, petite rivière encaissée perpendiculaire au littoral en son embouchure et dont l’estuaire profond et abrité était propice à l’installation d’un port.

Après la création de l’arsenal au xviie s., deux foyers d’habitations se développèrent de part et d’autre de la Penfeld : Brest à l’est (6 000 hab. en 1681) et Recouvrance à l’ouest, réunis en 1683 par l’enceinte de Vauban. Dans la seconde moitié du xixe s. (61 000 hab. en 1851), la ville déborda sur les trois communes voisines : Saint-Pierre-Quilbignon, Lambézellec et Saint-Marc, qui furent annexées après la Seconde Guerre mondiale. Voisine de 125 000 habitants en 1914, l’agglomération comptait moins de 100 000 habitants en 1946 en raison des destructions de la guerre. Brest retrouva sa population d’avant guerre en 1954, et depuis celle-ci n’a cessé d’augmenter. La population de l’agglomération avoisinait 140 000 habitants en 1962, et approchait 200 000 en 1975. À l’excédent des naissances sur les décès s’ajoute, en effet, un assez fort mouvement migratoire.

M.-M. F.


L’histoire

Brest, au iiie s., n’est qu’un camp retranché qu’elle restera longtemps. Au xe s., le château appartient aux comtes de Léon. Hervé III le cède au duc de Bretagne Jean Ier en 1240.

La mort sans enfants du duc Jean III, en 1341, ouvre la guerre de succession entre la maison de Blois, soutenue par la France, et celle de Montfort, alliée des Anglais. Dès le commencement des hostilités, Édouard III d’Angleterre s’empare du château de Brest, dont il fait une place si forte que Bertrand du Guesclin ne peut la prendre (1373). Le duc Jean IV le récupère en 1397. Les efforts de la duchesse Anne pour conserver Brest avec l’aide des Anglais (1489) n’empêchent point Charles VIII de s’en rendre maître. Le 30 juillet 1558, la bourgade de 3 000 âmes, qui s’est groupée au pied du château, échappe à une nouvelle occupation anglaise. Mais déjà les rois de France — maîtres de la Bretagne — songent à tirer parti de l’admirable position de Brest.