Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Brasília (suite)

La circulation est très planifiée ; la ville offre un système de voirie sans croisement à niveau, le centre formant un carrefour articulé sur trois niveaux. L’axe principal est à peu près entièrement construit, avec la zone des banques et des ministères, celle du commerce, celle de la culture et des loisirs. Les deux ailes résidentielles, par contre, sont très diversement avancées. L’aile sud est pratiquement achevée, tandis que l’aile nord offre moins d’espace bâti. Le plan pilote, en effet, ne laisse guère de place à une population de faible niveau de vie, étant donné le type de constructions qu’il prévoit. Aussi, en dehors de l’espace urbain proprement dit, aménagé en fonction du plan pilote, des villes satellites ont-elles grandi, qui groupent la majorité de la population. Ces villes sont faites de bidonvilles ou bien, lorsqu’elles ont été planifiées, elles aussi, de petites maisons précaires correspondant au niveau de vie réel de cette vaste fraction de la population qui n’a pas accès aux emplois administratifs. Ces villes satellites comptent plus de 400 000 habitants, contre environ 100 000 pour la ville elle-même.

Ainsi, à la ville planifiée, parfaitement organisée, mais conçue dans le cadre d’une société développée, s’oppose la réalité actuelle d’un pays encore sous-développé, où les inégalités sociales se manifestent dans l’organisation de l’espace. Brasília sera peut-être la grande métropole d’un pays économiquement équilibré, elle n’est encore que la capitale, un peu artificielle, d’un pays sous-développé.

M. R.


L’urbanisme de Brasília

Trois noms restent attachés à la ville de Brasília : Juscelino Kubitschek, Lúcio Costa, Oscar Niemeyer.

Le premier acte de Kubitschek, lorsqu’il devint président de la République, en 1956, fut de créer un organisme chargé d’étudier et de réaliser le projet de la « Nouvelle Capitale », dont on parlait déjà depuis un siècle. Malgré une hostilité et des réticences affirmées, tant au sein du gouvernement que dans l’opinion publique, Kubitschek réussit à mener à bien la tâche qu’il s’était fixée : « faire participer tout le territoire au progrès général du Brésil ». À ce titre, Brasília est plus qu’une ville, c’est un symbole. Sous l’action du président, 50 000 ouvriers avaient bâti en trois ans l’essentiel de la capitale fédérale. En avril 1960, son inauguration solennelle fut suivie du transfert des Archives nationales et de diverses administrations. Mais, avec l’élection du nouveau président Jânio Quadros, en 1961, le rythme de construction et de transfert se ralentit singulièrement. L’opinion publique rendait Brasília responsable de la crise monétaire.

Le concours ouvert en 1956 avait abouti à la présentation de vingt-six dossiers, dont quatre furent primés par un jury international. Celui de Lúcio Costa, qui n’avait pas l’intention de concourir, se réduisait à un simple schéma. Partant d’une croix, indiquant une prise de possession, Lúcio Costa avait esquissé un plan marqué par deux axes dont l’un s’incurvait pour suivre la courbe d’un lac artificiel. L’intégration au site, le caractère monumental symbolisant le pouvoir, une certaine rigidité qui obligeait à considérer ce plan comme une entité sont les trois points essentiels qui déterminèrent la sélection du jury. Alliant le fonctionnel et le monumental, il créait d’emblée, et de façon irréversible, une capitale.

En ce qui concerne la circulation, le principe qui présida à l’élaboration du projet fut l’intégration de l’automobile dans la ville et la séparation du trafic des automobiles et des piétons. Les premiers travaux concernèrent l’infrastructure : transports, énergie, voirie. Le plan directeur d’urbanisme fut établi d’après les premières esquisses. L’axe incurvé, de 10 km de longueur, correspond à l’axe routier sur lequel se sont greffés les quartiers résidentiels. L’axe monumental se développe en forme de fuseau sur 6 km, de la tour de la télévision à la place des Trois-Pouvoirs, où se concentrent les bâtiments officiels. La jonction de ces deux éléments forme le centre vital de la cité, matérialisé par une plate-forme autour de laquelle s’organisent les bureaux, les hôtels, les commerces, les loisirs.

La localisation des bâtiments officiels avait été décidée en dehors du plan d’urbanisme, et leur réalisation confiée à Oscar Niemeyer*. À l’écart, sur les bords du lac, se trouve le palais de l’Aurore, résidence du président, construite en priorité ; de forme quadrangulaire, l’édifice s’orne en façade d’une série de piliers en forme de losange d’une grande légèreté dans les volumes, d’une pureté dans les lignes que rehausse leur blancheur éclatante.

Sur la place des Trois-Pouvoirs (législatif, exécutif, judiciaire) s’élèvent le palais du Congrès, le palais du Gouvernement et le palais de justice. Ces deux derniers sont caractérisés par le même parti, associant des piliers et des façades en retrait. Les éléments porteurs, de proportions différentes, ont un rythme identique destiné à faire naître une unité architecturale. Dominant la place, le palais du Congrès est constitué de trois éléments qui forment une admirable composition : les tours jumelles de l’administration, la coupole du Sénat et la soucoupe du palais des Représentants. La simplicité des lignes, l’ordonnance des volumes reliés par l’ampleur de la plate-forme créent une harmonie spatiale. Au-delà, de part et d’autre de l’esplanade prévue pour les parades, défilés et manifestations, s’alignent les onze ministères, bâtiments identiques de structure métallique (à l’exception du ministère des Affaires étrangères), dont la rigueur met en valeur, par contraste, les formes souples et élancées des trois palais. D’aspect différent, la cathédrale et le théâtre complètent cet ensemble monumental. Les vingt et une paraboloïdes de la cathédrale en béton précontraint, disposés sur un cercle de soixante-dix mètres de diamètre, sont réunis par des pans de verre antisolaire. Le théâtre, masse compacte de béton armé aux couleurs chaudes, a une forme de pyramide tronquée.