Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

bouteillerie (suite)

Historique

L’origine du soufflage du verre daterait du début de l’ère chrétienne. Il est douteux, comme on l’a prétendu, que certaines fresques de Beni-Hassan, remontant à dix-sept siècles plus tôt, représentent le soufflage du verre ; il s’agit plutôt d’un travail métallurgique. À l’époque romaine, la fabrication de verre creux est essentiellement celle de petites fioles (balsamaires). Plus tardivement apparaissent les flacons et bocaux moulés en des formes ornementales. À partir du xiiie s., les vaisseaux de verre se généralisent sous des formes très diversifiées allant du baril au gobelet. Les verreries de « menu verre » se développent au xvie et au xviie s. À la fin du xviiie s., la bouteillerie devient une production de masse et trouve sa pleine expression avec la mécanisation apparue au xixe s. Les formes se fixent alors en fonction d’un usage spécifique : bouteille de bourgogne, de champagne, de vin d’Alsace. À partir de 1965, la vogue de l’emballage perdu, tendant à abolir le principe de la bouteille consignée, entraîne un développement considérable de la production verrière malgré la concurrence que lui oppose le plastique (eau minérale, vins de ménage, huile de table, etc.).


Fabrication

Le verre ne peut se façonner que dans un intervalle de température appelé palier de travail et correspondant à une viscosité comprise entre deux mille et quelques centaines de milliers de poises. Au-dessus, il est trop liquide pour être « cueilli », au-dessous, il est trop « raide » pour être aisément déformé par soufflage.


Méthode traditionnelle

Le principe du travail à l’ancienne consiste à prélever au bout d’une canne qui a été réchauffée à l’ouvreau du four, pour que le verre y adhère, une certaine quantité du matériau fondu entre 1 100 °C et 1 300 °C, que la pratique du cueilleur sait rendre constante d’un cueillage à l’autre et qu’il répartit par rotation de la canne sous la forme d’une grosse goutte pendant à l’extrémité de celle-ci. C’est la cueillée, ou paraison. La canne ainsi chargée passe aux mains du souffleur. Celui-ci, par une courte pulsation de son souffle, fait apparaître une bulle dans la masse visqueuse à la base du canal de la canne. C’est le perçage. La paraison est façonnée au marbre, c’est-à-dire allongée et rendue cylindrique par roulage sur une surface plane, ou mieux dans une forme creuse : la mailloche ou le bloc (paraisonnage). La bouteille est alors gonflée en l’air, et seule l’adresse du souffleur arrive à lui donner une capacité et une forme correctes.

Dans le soufflage au moule, la paraison est introduite dans un moule formé de deux demi-coquilles ouvrantes facilitant le travail de reproductibilité. Primitivement, ce moule était en bois imbibé d’eau. La caléfaction préservait quelque peu le bois de la calcination, lorsque la paraison gonflée par le souffleur atteignait les parois. Plus tard, le moule est en fonte. On introduit alors dans le moule, à chaque soufflage, quelques minces lanières de bois, les plumettes, qui jouent le rôle du moule de bois primitif, ou bien on le graisse. En même temps qu’il gonfle la paraison, le souffleur fait tourner sa canne pour régulariser les contacts verre-moule. Lorsque le verre s’est assez refroidi, le moule est ouvert et la bouteille retirée. Le souffleur colle au fond de la bouteille une tige de fer, le pontil, qui lui permet de maintenir la bouteille lorsqu’il la détache de la canne par une touche à l’eau suivie d’un coup sec. Le pontil, qu’il fallait détacher, a été remplacé par une pince prenante, ou sabot. Le rebrûlage arrondit les bords de ce qui va devenir le goulot, renforcé le plus souvent par un cordon. La bouteille achevée est alors portée dans un four de recuisson, l’arche à recuire, où elle séjourne à une température progressivement descendante de 550 °C à 440 °C, pour permettre le relâchement des tensions.


Technique moderne

À partir de la méthode ancienne pratiquée encore dans maints pays peu industrialisés et dans certains ateliers artisanaux, la mécanisation a d’abord tenté de reproduire les gestes du cueilleur et du souffleur. Pour gonfler de grosses capacités telles que des bonbonnes, les souffleurs de verre ont l’habitude d’éjecter à la bouche une petite quantité d’alcool, dont la vaporisation aide leur souffle. Aussi, les études ont-elles d’abord porté sur la substitution de l’air sous pression au souffle humain, puis sur la mécanisation de l’ouverture et de la fermeture des moules. Le soufflage s’effectue en deux temps. La première phase associe le perçage à la production d’une ébauche dans un premier moule étroit, ou moule ébaucheur, puis l’ébauche est transférée dans le moule finisseur. Le maintien de la bouteille pendant le transfert est obtenu par un moule de bague, dans lequel le goulot est maintenu par sa forme et non plus par collage, comme cela se passait au mors de canne.

Pour prélever un poids constant de matière lors du cueillage, on a d’abord utilisé un doseur volumétrique, qui n’est autre qu’un moule ébaucheur à succion. Le verre fondu était directement aspiré dans ce moule à partir de la surface du bain, puis la paraison était transférée dans le moule finisseur, où s’effectuait le soufflage définitif. Les contraintes imposées par un cueillage dans le four ou dans un avant-corps tournant pour renouveler le site de prélèvement limitaient les cadences de production. Un pas décisif fut fait lorsqu’on sut délivrer à grande cadence des poids constants de matière à l’aide d’un robinet doseur.

• Alimentation. Le verre fondu est mis à la bonne température dans un canal réfractaire (feeder) branché sur le bassin de braise du four à cuve. À l’extrémité du feeder terminé par une cuvette se trouve un poinçon réfractaire, sorte d’obturateur mobile verticalement, qui se déplace dans l’axe d’un tube plus large plongeant dans le verre. En raison de la haute viscosité du verre, la montée du poinçon aspire dans et sous l’espace annulaire poinçon-tube un certain volume de verre qui est refoulé par la descente du poinçon à travers le trou calibré de la cuvette. Ainsi se forme la paraison. Elle est sectionnée sous la cuvette par une paire de ciseaux, dont le mouvement est synchronisé avec celui du poinçon. Le diamètre du trou de la cuvette, la cadence et la course du mouvement du poinçon déterminent le volume, donc le poids de la paraison délivrée et, d’une certaine manière, la forme de la paraison. Celle-ci peut aller de quelques dizaines de grammes (petits flacons pharmaceutiques) à une dizaine de kilogrammes pour les faces avant des tubes de télévision, qui, eux, sont pressés et non soufflés, le principe de formation de la paraison restant le même. La paraison tombe librement ou est conduite par un déflecteur dans la machine portant les moules.