Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

boue (suite)

Une particule solide de 1 μ, en suspension dans l’eau, et animée d’un mouvement brownien, a une vitesse moyenne de 3 μ/s, soit cinquante fois plus grande que la vitesse de chute ou de remontée due à l’action de la pesanteur. On pourrait donc penser qu’il serait impossible, en raison du mouvement brownien, d’obtenir la décantation, par sédimentation ou crémage, des particules dont les dimensions sont inférieures à 0,5 μ, au sein de dispersions stables ou stabilisées. Mais un autre phénomène intervient pour grossir les particules et accroître, de ce fait, la vitesse de décantation, due à la loi de Stokes, vitesse qui croît comme le carré des diamètres des particules. Ce phénomène est celui de la coalescence : il arrive que deux particules se rencontrent de plein fouet, et, sous le choc, les répulsions d’ordre électrostatique ne peuvent suffire à empêcher le contact direct entre ces deux grains, qui se soudent par affinité.

Les éléments stabilisant les dispersions sont le plus souvent soit des savons, soit des éléments résineux ou, dans les boues en particulier, des substances organiques colloïdales (protéines, gommes, albumines, caséines, etc.) mêlées à des microorganismes vivants, qui les attaquent et qui, grâce aux déchets produits, peuvent poursuivre le même rôle que les émulsifs primitifs.

Les propriétés des dispersions fines et stables dans l’eau (gélification, floculation, thixotropie, sédimentation, crémage, coalescence) sont applicables à la plupart des boues, dont certaines sont utilisées industriellement, notamment les boues de forage en matière de recherches pétrolières et les boues activées dans les techniques d’assainissement des eaux usées.


Boues de forage

Ces boues sont utilisées dans la technique de creusement des puits de pétrole. Il s’agit de boues à la fois très fines et très denses et en outre stables qui jouent un double rôle. Au niveau le plus bas du forage, elles lubrifient le trépan et l’empêchent de s’échauffer dangereusement durant le percement des roches dures. Elles s’opposent aussi au phénomène d’abrasion par les éléments fins provenant des roches usées, qui mettraient rapidement le trépan hors d’usage en émoussant son tranchant. Mais leur rôle essentiel est de s’opposer aux éboulements. Elles se comportent en effet comme un élément qui fait corps avec la paroi, sans risquer de détremper et de ramollir celle-ci, tout en la contre-butant. Ce rôle est d’autant mieux assuré que la boue est plus rigide et plus dense. Ces sujétions conduisent à réaliser la préparation de boues stabilisées avec des éléments ultra-fins, à très forte densité de grains en suspension. De telles boues doivent être essentiellement thixotropiques, leur thixotropie étant caractérisée par un temps de raffermissement aussi court que possible, ce qui facilite leur rôle de contre-butée en s’opposant aux éboulements dans les parties « calmes », nettement au-dessus de la zone d’attaque du trépan. D’autre part, l’injection de boue dans le trou de forage facilite l’extraction des déblais et permet, même pour des forages très profonds, de ne faire suivre le tubage qu’après achèvement du trou de sonde ; la pression du courant liquide qui s’oppose aux déformations et aux affaissements des parois du forage en assure la stabilité. Dans le cas d’un forage cylindrique, la boue de forage n’a guère, d’ailleurs, à résister, sur le périmètre, qu’à des contraintes modérées, la pression du sol en place, qui s’exerce sur la circonférence d’un trou cylindrique, ayant pour effet de former un anneau pratiquement incompressible.

La boue doit former un film obturateur dense au contact du sol en place pour que l’élément liquide ne pénètre pas dans les vides et les capillaires de ce sol. Elle doit en outre garder sa densité d’une manière uniforme et s’opposer à toute sédimentation. Dans la pratique, on utilise surtout la bentonite sodique, colloïde argileux du type montmorillonite, mais avec ions sodiques incorporés ; cette dispersion a des propriétés thixotropiques très élevées, et son pouvoir rétenteur d’eau est énorme, atteignant de dix à trente fois le volume de la bentonite proprement dite.


Assainissement et clarification des eaux usées

La plupart des matières en suspension dans les eaux usées sont si fines qu’on ne peut les retenir par des tamis, aussi serrés soient-ils ; en outre, on ne saurait espérer pouvoir les concentrer et les éliminer par écumage, car ces matières sont plus denses que le milieu qui les disperse. Aussi doit-on les séparer en provoquant leur sédimentation sur les fonds des décanteurs.


Boues grenues

Les boues grenues, dont les principales sont les limons sablonneux, les terres glaiseuses, les boues charbonneuses, sont constituées par des éléments en suspension, individualisés, qui précipitent, indépendamment les uns des autres, suivant la loi de Stockes, à vitesse constante pour chaque grosseur de grains.


Boues floconneuses

Les boues floconneuses ne peuvent précipiter que par le phénomène de la coalescence : elles s’agglutinent en éléments qui grossissent constamment, de telle sorte que leur vitesse de décantation va en croissant. On peut d’ailleurs hâter la floculation par adjonction de sels de métaux trivalents, le pouvoir floculant croissant considérablement avec la valence. La formule de Duriez montre que la concentration C en millimols, qui provoque la floculation, croît comme la puissance a de la valence n du cation métal du sel floculant, k étant une constante spécifique du colloïde et a un exposant compris entre 5 et 3, limites incluses selon les colloïdes. Il en résulte que le pouvoir que possède un sel à cation monovalent — tel le sel marin — de floculer des boues fluviales (avec formation de deltas aux embouchures des cours d’eau) est considérablement moindre que celui d’un sel à cation divalent, tel que le chlorure de calcium, et beaucoup plus faible encore que celui d’un sel à cation trivalent, tel que le sulfate d’alumine ou les sels ferriques. Pour la floculation des boues floconneuses des eaux usées, on utilise des sels ferriques, plus économiques que le sulfate d’alumine, qui est le floculant le plus actif.