Bosnie-Herzégovine (suite)
Depuis 1908
L’Autriche a dû faire une campagne militaire pour imposer son occupation ; une nouvelle pacification sera nécessaire pour enrayer l’agitation contre la conscription obligatoire en 1882. Administrée d’une façon autoritaire, en particulier sous Benjamin von Kállay (ministre des Finances de Vienne) de 1882 à 1903, la Bosnie bénéficie de peu de réformes. Le maintien des lois turques en matière agraire favorise les grands propriétaires musulmans ; cependant, la loi de 1911 accélère la libération des serfs par achat aux propriétaires.
Dans le cadre d’un capitalisme d’État, l’Autriche développe l’économie, mais sans souci réel de l’intérêt du pays (voies ferrées étroites, surexploitation). Elle lutte contre le nationalisme musulman, croate et serbe surtout, tout en propageant l’idée d’une nationalité bosniaque. Malgré certaines concessions obtenues après 1903 (autonomie religieuse et scolaire pour les musulmans et les Serbes, Constitution de 1910), l’opposition se développe : grève générale en 1906 ; « grève » des paysans en 1910, qui refusent de payer les redevances ; mouvement pour l’indépendance, le yougoslavisme, avec Petar Kočić (1877-1916) ; mouvement de la jeunesse de Bosnie, réunie dans la Mlada Bosna. Quelques jeunes Bosniaques, dont certains reviennent à cette fin de Serbie, où ils étaient réfugiés, préparent l’attentat qui coûtera la vie à l’archiduc héritier d’Autriche François-Ferdinand lors de son passage à Sarajevo (28 juin 1914) et qui sera à l’origine de la Première Guerre mondiale.
Après la défaite de l’Autriche en 1918, la Bosnie s’intègre dans le royaume des Serbes, Croates et Slovènes établi en décembre 1918, mais n’y jouit pas de l’autonomie escomptée. Un parti musulman yougoslave (Jugoslovenska Muslimanska Organizacija), dirigé par Mehmet Spaho et groupant surtout les grands propriétaires, se montre opportuniste ; il soutient la Constitution centraliste de 1921 afin d’obtenir des indemnités supérieures pour les terres touchées par la réforme agraire. Intégrée en 1941 à l’« État indépendant croate », devenu un centre important des activités du mouvement des partisans (et des contre-attaques allemandes), la Bosnie crée en novembre 1943 son Conseil antifasciste de libération nationale. Libérée totalement en 1945, grâce à l’action des partisans, elle peut prendre alors sa pleine expansion en tant que république fédérée de Bosnie-Herzégovine dans le cadre de l’État fédéral yougoslave à système socialiste.
M. P. C.
➙ Yougoslavie.
V. Klaić, Geschichte Bosniens (trad. du croate, Leipzig, 1885). / I. Cvijić, l’Annexion de la Bosnie et la question serbe (Hachette, 1909). / M. Prelog, Histoire de la Bosnie (en croate, Sarajevo, 1912 ; 3 vol.). / D. Obolensky, The Bogomils (Cambridge, 1948). / M. Šamić, les Voyageurs français en Bosnie à la fin du xviiie siècle et au début du xixe, et le pays tel qu’ils l’ont vu (Didier, 1960). / V. Dedijer, The Road to Sarajevo (Londres, 1967 ; trad. fr. la Route de Sarajevo, Gallimard, 1969).