Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Bosnie-Herzégovine (suite)

La Bosnie imperméable et plus humide, moins élevée aussi, se compose de massifs et de chaînes d’origine complexe, en général de massifs anciens cristallins, volcaniques, primaires, ayant ou non gardé leur couverture sédimentaire, séparés les uns des autres par des bassins tectoniques remplis de dépôts tendres du Néogène, disséqués par un dense réseau des vallées affluentes de la Save, qui ont suivi le retrait du lac pannonien et qui dégagent des paysages verdoyants : de la Croatie à la Serbie, l’Una, la Sana, le Vrbas, la Bosna et son affluent principal, la Spreča, enfin la Drina. Une frange de collines néogènes limite ces chaînes au-dessus de la vallée alluviale de la Save.

L’ensemble de la Bosnie et de l’Herzégovine caractérise parfaitement le milieu physique des Balkans, l’isolement des hautes terres et des vallées et bassins entre les plaines pannoniennes et le littoral adriatique. C’est ainsi que nulle part dans la péninsule balkanique les marques d’archaïsme ne sont plus visibles. La Bosnie, par exemple, a été le foyer des bogomiles, secte hérétique parente des cathares, dont il reste des localités détruites, des monuments et des cimetières. L’islām a trouvé un terrain favorable à son expansion : les Ottomans ont suivi les vallées, occupé les bassins, transformé les villes. C’est la Bosnie qui compte les districts les plus islamisés des Balkans, notamment dans le coin nord-ouest, véritable marche militaire, autour de la ville de Bihać. La marque de l’islam se manifeste encore par la densité des mosquées dans les villes qui ont gardé leurs hans, leurs bains, le bazar des corporations, appelées ici čaršija. Elle se traduit dans les patronymes, les toponymes et dans plusieurs domaines de la vie sociale, familiale et privée. Mais la tolérance dont faisaient preuve les Ottomans et l’influence de l’Autriche-Hongrie expliquent la présence de noyaux de populations chrétiennes (romaine et orthodoxe). La diversité de la composition ethnique ou nationale reflète parfaitement l’originalité de la Bosnie-Herzégovine dans la Fédération des peuples slaves du Sud. Une partie des Bosniaques s’affirme « musulmane » ou « indéterminée », une autre se déclare « croate » ou « serbe ».

Ces particularités et cet isolement se traduisent par l’absence, au moins jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, d’un bon réseau de communications : une médiocre voie ferrée traverse de part en part la masse dinarique. Certains aspects de la démographie, enfin, témoignent d’un archaïsme comparable à celui de la Macédoine ou du territoire de Kosovo-Metohija : les taux de natalité ne sont tombés au-dessous de 30 p. 1 000 qu’après 1960 ; l’excédent naturel dépasse encore 2 p. 100. Le taux d’analphabétisation se situait au-dessus de 30 p. 100 dans la population âgée de plus de dix ans au recensement de 1961.


L’économie

Le développement économique de la République n’en est que plus spectaculaire. Dans le cadre de l’aide aux régions les plus défavorisées, le gouvernement fédéral et celui de la République ont accordé une somme d’investissements par tête d’habitant supérieure à celle des républiques du Nord-Ouest (Croatie et Slovénie). Le pays s’est donc rapidement transformé. Cet effort affecte essentiellement la mise en valeur des ressources minérales et la constitution des foyers industriels. Exploitées par les Romains, puis par les Turcs et les Autrichiens, les mines de la « Bosnie dorée » ont été modernisées, étendues à la suite de nouvelles prospections, intégrées à des complexes industriels. Le charbon brun et le lignite sont exploités dans plusieurs bassins : Tuzla, Ugljevik, Banovići, Breza et Kakanj. Le centre de Vareš fournit la majeure partie du minerai de fer du pays. La bauxite est extraite de poches de la région karstique, principalement autour de Mostar. La mine de manganèse de Čevljanovići reste la plus productive des Balkans, malgré son épuisement. Le plomb et le zinc se trouvent dispersés en plusieurs gisements sur la rive gauche de la Drina. L’antimoine, minerai rare, a été découvert à Zajača, près de Zvornik. S’ajoutent à cette liste un peu d’amiante et le sel gemme du bassin de Tuzla. L’énergie est fournie en majeure partie par des centrales thermiques alimentées par le lignite. Sur la Neretva supérieure, la centrale hydraulique de Jablanica fournit plus d’un demi-milliard de kilowatts-heures ; sur la Drina, celle de Zvornik en fournit un peu moins. L’aménagement du réseau de la Drina en amont se poursuit, le potentiel de production étant de l’ordre de 3 TWh.

Les nouveaux foyers industriels se développent à proximité des mines, au fond des bassins et de la vallée de la Bosna. Ainsi, Tuzla est le centre de bassins houillers et de sel, de l’industrie de la soude et de cokeries (Lukavac). Le fer de Vareš est traité dans les hauts fourneaux et les fours électriques de Zenica, qui assure la moitié de la production d’acier de la Yougoslavie. Des industries de transformation se sont développées dans la vallée de la Bosna moyenne et inférieure (Zavidovići, le plus gros combinat de cellulose, et Doboj), dans les grandes villes, où sont représentées les branches textiles, à partir de la tradition du tapis et des tissages. Les constructions mécaniques pour le marché local et toute la gamme des industries légères et alimentaires sont dispersées (conserves à Mostar ; cuir et tabac à Banja Luka, etc.).

Les mutations sociales et géographiques entraînées par l’industrialisation sont plus spectaculaires encore que la croissance de la production. La moitié des communes de la République ont perdu une partie et, dans certains cas, plus des trois quarts de leur population. L’agriculture s’est considérablement réduite, et nombreux et étendus sont les pâturages et les champs abandonnés. La production surtout céréalière (maïs) et fruitière (vergers de pruniers pour la fabrication de l’eau-de-vie appelée šljivovica) est le fait de grandes exploitations socialisées ou de très petites exploitations d’ouvriers-paysans. Les villes se sont accrues par l’amélioration des communications, l’offre d’emplois dans l’industrie et les services, la construction de nouveaux ensembles résidentiels, qui provoquent le dédoublement d’une ville historique ; ainsi, Travnik, ancienne ville de pachalik, gagne 47 000 habitants par la fondation du « nouveau Travnik ». Tuzla, Banja Luka et Zenica ont presque doublé leur population depuis la dernière guerre.