Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bordeaux (suite)

Victime du Blocus continental, qui ruine son port, Bordeaux se dépeuple rapidement (60 000 hab. contre 110 000 en 1789). Aussi, son maire, Lynch, se rallie-t-il aux Bourbons dès le 12 mars 1814. Avec le nouveau régime et grâce à l’action de ses armateurs, tel Baguerie-Stuttemberg qui établit la Caisse d’épargne et achève le Pont de pierre (1809-1821), la ville connaît une nouvelle période de prospérité. Bien reliée à son arrière-pays grâce à la construction du canal latéral à la Garonne et aux voies ferrées qui l’unissent à La Teste (1841), à Paris (1853) et à Bayonne (1855), elle contrôle, depuis le traité franco-anglais de libre-échange (1860), les relations maritimes directes avec le Sénégal, les Antilles, le Brésil et les États de La Plata.

Capitale économique et même intellectuelle (reconstitution de l’université en 1896) du sud-ouest de la France, elle en devient temporairement la capitale politique lorsque les armées allemandes menacent d’occuper Paris. Tour à tour viennent y siéger la délégation gouvernementale de Léon Gambetta (9 déc. 1870), l’Assemblée nationale (12 févr. - 11 mars 1871), les gouvernements de René Viviani (3 sept. - 9 déc. 1914), de Paul Reynaud (15-16 juin 1940) et du maréchal Pétain (16-30 juin 1940).

En 1947, Bordeaux se donne pour maire l’un des chefs de la Résistance, Jacques Chaban-Delmas, qui deviendra Premier ministre en juin 1969. Depuis lors, l’essor économique et démographique de cette ville explique qu’elle ait été choisie pour devenir l’une des huit métropoles d’équilibre de la France, dont le rayonnement déborde largement le Midi aquitain.

P. T.


La ville

Environ la moitié de la population de l’agglomération vit dans la commune de Bordeaux. La « ville » s’identifie avec l’ensemble des quartiers limités à l’ouest par les cours : cet ensemble compact est un peu aéré par quelques grandes percées rectilignes du xixe s. La vieille ville est flanquée au nord de l’ensemble architectural (place Gambetta, allées de Tourny, Grand-Théâtre) dû aux intendants du xviiie s. (notamment à Tourny) et de l’immense place des Quinconces. Celle-ci interrompt la continuité des quartiers du port : le monde des affaires se rassemble autour des Quinconces ; habitations vétustés, entrepôts, voire industries artisanales coexistent en amont jusqu’au cours Victor-Hugo. En arrière de ces quartiers du port s’étendent les quartiers commerçants et administratifs, qui abritent cependant aussi une population vieillie, à majorité féminine : rue Sainte-Catherine (domaine du commerce de détail), « Triangle » (quartier limité par le cours de l’Intendance, le cours Georges-Clemenceau et les allées de Tourny), voisinage de la cathédrale avec quelques-uns des grands services publics. Sur le cours d’Albret, qui marque la limite occidentale de cet ensemble, s’est rassemblé le commerce des meubles.

Entre la ligne des cours et celle des boulevards s’étendent faubourgs et quartiers résidentiels, développés à partir de la fin du xviiie s. le long des grandes routes divergeant de Bordeaux vers l’ouest et le sud. Entre le maillage assez lâche des grandes rues s’étendent des quartiers assez monotones, où se succèdent les « échoppes », maisons sans étage, toutes jointives, situées en bordure immédiate du trottoir, laissant place en arrière à des jardins. Dans ces quartiers de résidence, quelques commerces s’égrènent le long des voies principales. Ils sont encore bien plus nombreux aux « barrières », carrefours des grandes radiales et des boulevards. L’ensemble des faubourgs n’est cependant pas homogène. Les quartiers aisés sont situés au nord du cimetière de la Chartreuse et entre la rue Saint-Genès et la rue de Pessac ; les faubourgs méridionaux sont plus populaires en bordure de Talence et de Bègles. Plus près du centre, le quartier de Mériadeck, conquis à la fin du xviiie s. et au début du xixe s. sur le marais de l’Archevêché, est livré à la pioche des démolisseurs : là doit être édifié l’ensemble fonctionnel de la nouvelle métropole régionale.

Les quartiers industriels, qui s’étendent du reste en partie sur les communes de la proche banlieue, accompagnent le fleuve : de Floirac à Lormont sur la rive droite, à la limite de Bègles et à Bacalan sur la rive gauche. Le bas prix des terrains, la commodité des dessertes fluviales et ferroviaires, la possibilité d’utiliser l’eau du fleuve ont incité les industriels à s’établir dans ces quartiers, dont la tonalité ouvrière est très forte. Autour des bassins à flot, on trouve deux des grandes huileries bordelaises, une raffinerie de sucre et des dépôts de bois, dans un quartier en pleine transformation depuis l’ouverture du pont suspendu. À l’autre extrémité de la ville, au sud de la gare Saint-Jean, voisinent entrepôts, dépôts de carburant, abattoirs, marché d’intérêt national de Brienne, entreprises métallurgiques et papeteries-cartonneries. Sur la rive droite, l’industrie submerge le palus, notamment en aval du Pont de pierre, où voisinent les Grands Moulins de Bordeaux, quelques-unes des usines chimiques bordelaises, les constructions navales et, au pied du coteau de Lormont, la cimenterie Poliet et Chausson. Le marais a été conquis par les maisons individuelles, l’ensemble étant morcelé par les installations ferroviaires. Près de Cenon se trouve la cité de la Benauge, première réalisation de l’urbanisme bordelais contemporain.

Dans l’ensemble, la population est vieillie. Au recensement de 1962, seulement 26,4 p. 100 des Bordelais avaient moins de 20 ans et 52,7 p. 100 moins de 40 ans ; par contre, 15 p. 100 d’entre eux étaient âgés de 65 ans et plus. À l’intérieur de la rocade des cours, la « ville » compte une forte majorité d’adultes. Vieillie aussi est la population des faubourgs, où le nombre des enfants par famille est par ailleurs plus élevé dans les rues à population aisée que dans les quartiers ouvriers. Jeunes sont au contraire les anciens quartiers prolétariens ainsi que les cités résidentielles édifiées au cours des quinze dernières années. La croissance de la population bordelaise est liée à l’immigration de ruraux. De 89 000 habitants en 1821, la population s’est élevée à plus de 200 000 en 1876 et à plus de 250 000 en 1891 pour plafonner ensuite (267 000 en 1921), avant de diminuer un peu.