Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bonaparte (les) (suite)

Défections et abandons

À l’heure des revers, Napoléon s’aperçoit de la fragilité de l’édifice impérial : les siens le trahissent ou se montrent incapables. Pendant la retraite de Russie, Murat, chargé du commandement des débris de la Grande Armée, déserte et regagne ses États. Après Leipzig (1813), poussé par Caroline, il entre en tractation avec les Alliés. « La conduite du roi de Naples est infâme et celle de la reine n’a pas de nom », s’écrie l’Empereur. Jérôme, appelé lui aussi à un commandement en Russie, ne commet que des erreurs ; il quittera sans aucune gloire son royaume pour aller à Trieste (1813). La même année, la défaite de Vitoria chasse d’Espagne Joseph, qui refuse de renoncer à son trône perdu, malgré les ordres de Napoléon. Nommé lieutenant général (1814), il abandonnera Paris devant l’avance alliée et, après l’abdication de l’Empereur, se retirera en Suisse, où le rejoindra son frère Louis.

La famille Bonaparte

« Il est sûr, du reste, que j’ai été peu secondé des miens, et qu’ils ont fait bien du mal à moi et à la grande cause. On a souvent vanté la force de mon caractère ; je n’ai été qu’une poule mouillée, surtout pour les miens ; et ils le savaient bien : la première bourrade passée, leur persévérance, leur obstination l’emportaient toujours ; et, de guerre lasse, ils ont fait de moi ce qu’ils ont voulu [...] Moi, nommais-je un roi, il se le croyait tout aussitôt par la grâce de Dieu, tant le mot est épidémique. Ce n’était plus un lieutenant sur lequel je devais me reposer, c’était un ennemi de plus dont je devais m’occuper. » (24 septembre 1816.)

« L’Empereur est revenu encore sur tous les siens ; le peu de secours qu’il en avait reçus, les embarras, le mal, qu’ils lui avaient causés. Il s’arrêtait surtout sur cette fausse idée de leur part, qu’une fois à la tête d’un peuple, ils avaient dû s’identifier avec lui de manière à préférer ses intérêts à celui de la patrie commune [...] méconnaissant qu’ils ne faisaient partie que d’un tout au mouvement duquel ils devaient aider, au lieu de le contrarier. Mais après tout, concluait-il, ils étaient bien neufs, bien jeunes, entourés de pièges et de flatteurs, d’intrigants de toute espèce, de vues secrètes et malintentionnées. » (4 novembre 1816.)
D’après le Mémorial.


Les Cent-Jours

Lorsque, s’échappant de l’île d’Elbe, où l’avaient rejoint Madame Mère et Pauline, Napoléon revient en France, Joseph, fasciné par le retour de l’aigle, offre ses services. Lucien et Jérôme le rejoignent, soucieux de partager sa gloire ou son infortune. L’ex-roi d’Espagne est chargé de la présidence du Conseil des ministres en l’absence de son frère. Lucien est traité comme un prince français, Lucien qui « ennoblit son opposition et ses différends, en venant, au retour de l’île d’Elbe, se jeter dans les bras de Napoléon dans un moment où il était loin de regarder ses affaires comme assurées ». Ce dévouement trop tardif n’empêche pas la chute de l’Empereur. Du moins, à Waterloo, Jérôme se battra avec courage.


Les exilés

Que deviennent les Bonaparte après la chute de l’Empire ? Tous, sauf Joseph, qui passe aux États-Unis et y vit sous le nom de « comte de Survilliers », se regroupent en Italie. Madame Mère se réfugie à Rome, où, pendant des années, elle tâche de plaider auprès des puissances la cause de l’exilé de Sainte-Hélène, cherchant à obtenir des adoucissements à sa captivité. Murat fusillé, Caroline, « comtesse de Lipona » (anagramme de Napoli), réside en Toscane ; Elisa, « comtesse de Compignano », à Trieste ; Pauline se sépare de son mari et habite au palais Borghèse. Jérôme, « prince de Montfort », voyage dans la Péninsule en compagnie de la reine Catherine, toujours dévouée à son volage époux ; Louis partage son temps entre Rome et Florence ; Lucien se consacre à ses enfants. Le « clan » vit dans ses souvenirs. La révolution de 1830 donnera à tous l’espoir de voir renaître la dynastie impériale. Espoir vite déçu : la monarchie de Juillet s’installe. Après la mort de l’Aiglon (1832), Louis Napoléon, le dernier fils de Louis et d’Hortense, se considère, du fait de la carence de ses oncles, comme le seul candidat à l’Empire. Il sera proclamé empereur en 1852, sous le nom de Napoléon III.

A. M.-B.

➙ Empire (premier) / Napoléon Ier / Napoléon III.

 La famille : F. Masson, Napoléon et sa famille (Ollendorff, 1897-1919 ; 13 vol.). / F. Charles-Roux, Rome, asile des Bonaparte (Hachette, 1952). / J. Valynseele, le Sang des Bonaparte (chez l’auteur, Paris, 1954). / J. L. Rioux, les Bonaparte (Éd. Rencontre, Lausanne, 1968). / J.-P. Garnier, l’Extraordinaire Destin des Bonaparte (Perrin, 1969).
Letizia : L. Peretti, la Mère de l’Empereur : Letizia Bonaparte (Plon, 1932 ; nouv. éd., Fayard, 1959). / A. Augustin-Thierry, Madame Mère (A. Michel, 1939). / A. Decaux, Letizia, mère de l’Empereur (S. F. E. L. T., 1949) ; Letizia, Napoléon et sa mère (Perrin, 1969). / M. Stirling, A Pride of Lions (Londres, 1961 ; trad. fr. Letizia Bonaparte, Buchet-Chastel, 1963).
Joseph : B. Nabonne, Joseph Bonaparte (1768-1844) [Hachette, 1949]. / G. Girod de l’Ain, Joseph Bonaparte (Perrin, 1970).
Lucien : F. Pietri, Lucien Bonaparte (Plon, 1939) ; Lucien Bonaparte à Madrid (1801) [Grasset, 1951].
Louis : D. Labarre de Raillicourt, Louis Bonaparte, roi de Hollande, frère et père d’empereurs (Peyronnet, 1963).
Jérôme : F. Berthet-Leleux, le Vrai Prince Napoléon (Grasset, 1932). / J. Bertaut, le Roi Jérôme (Flammarion, 1954).
Elisa : P. Fleuriot de Langle, Elisa, sœur de Napoléon Ier (Denoël, 1947).
Pauline : J. Kühn, Pauline Bonaparte (Plon, 1937). / P. Fleuriot de Langle, la Paolina, sœur de Napoléon (Éd. Colbert, 1946). / B. Nabonne, Pauline Bonaparte, 1780-1825 (Hachette, 1948). / S. Normand, le Cœur fidèle et infidèle de Pauline Bonaparte, princesse Borghèse (Grasset, 1952). / P. Chanlaine, Pauline Bonaparte (Buchet-Chastel, 1959). / M. Gobineau, Pauline Borghèse, sœur fidèle (Amiot, 1959). / P. Dixon, Pauline, Napoleon’s Favourite Sister (Londres, 1964 ; trad. fr. Pauline Bonaparte, Fayard, 1965).
Caroline : M. Dupont, Caroline Bonaparte (Hachette, 1937). / J. Turquan, Caroline, sœur de Napoléon (Tallandier, 1954). / J. Bertaut, le Ménage Murat (Le Livre contemporain, 1958).