Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bohr (Niels Henrik David)

Physicien danois (Copenhague 1885 - id. 1962).



Les débuts

Son père, Christian Bohr, professeur de physiologie à l’université de Copenhague, s’intéresse à la physique et réalise volontiers des expériences dans son laboratoire. Aussi Niels Bohr, dès son jeune âge, est-il attiré par tout ce qui touche à cette science. Là n’est pas d’ailleurs sa seule activité. Véritable athlète, il acquiert une grande popularité comme joueur de football. De 1903 à 1908, il est étudiant à l’université de Copenhague et, rapidement, il devient assistant et suppléant du professeur de physique. Son premier travail, en 1908, concerne la tension superficielle des liquides ; publié dans une revue anglaise, il attire aussitôt l’attention sur son auteur. En 1911, Bohr soutient sa thèse de doctorat sur la théorie électronique des métaux. Pour approfondir cette question, il se rend au laboratoire de J. J. Thomson* à Cambridge. Puis, l’année suivante, il va à Manchester ; il y devient l’élève de Rutherford*, qui le juge aussitôt : « Ce jeune Danois est l’homme le plus intelligent que j’aie jamais connu. » En 1913, il est chargé de cours pour les étudiants en médecine.


L’atome de Bohr

Nous sommes à l’époque où Rutherford vient de mettre au point son modèle de l’atome : la masse de celui-ci, accompagnée d’une charge positive, se trouve concentrée dans un noyau extrêmement petit ; autour de ce noyau gravitent des électrons négatifs, dont le nombre représente le rang de l’élément dans la classification périodique.

Malheureusement, selon les lois de la physique classique, ce modèle d’atome est instable ; les électrons devraient progressivement tomber sur le noyau, et l’atome rayonner de ce fait de l’énergie sous forme d’un spectre continu et non du spectre de raies familier aux physiciens. Cette contradiction, qui plonge le monde savant dans une grande perplexité, va être levée par Bohr, qui publie, en 1912 et en 1913, trois mémoires sur ce sujet.

S’appuyant sur la théorie des quanta de Planck*, alors toute nouvelle, Bohr suppose que les électrons peuvent seulement graviter sur un nombre limité d’orbites, correspondant à autant de niveaux d’énergie. En sautant d’une orbite à une autre, un électron perd une quantité d’énergie déterminée, qui correspond à l’émission d’une radiation caractéristique de l’élément chimique. Bohr calcule ces orbites quantifiées et retrouve avec précision les propriétés spectroscopiques de l’hydrogène.

Le retentissement de cette découverte est immense dans le monde scientifique, et l’« atome de Bohr » est aussitôt célèbre. Au surplus, cette hypothèse implique l’existence d’un moment magnétique élémentaire, le « magnéton de Bohr », dont la valeur calculée se trouve vérifiée par l’expérience.


L’Institut de Copenhague

En 1914, Bohr est chargé de cours à Manchester. Puis, en 1916, il est nommé professeur de physique théorique à Copenhague. Quatre ans plus tard, il devient directeur de l’Institut universitaire de physique théorique, qui vient d’être fondé pour lui et dont le rayonnement attirera de nombreux chercheurs étrangers. Il y organise périodiquement des congrès qui permettent les confrontations fructueuses des plus grands savants. En 1922, il reçoit le prix Nobel de physique.


La complémentarité

L’impulsion que donne ainsi Bohr à la mécanique des quanta l’amène à méditer sur ses rapports avec la mécanique classique, et il énonce le « principe de correspondance », qui précise les circonstances dans lesquelles ces deux mécaniques sont concordantes. La mécanique ondulatoire créée par Louis de Broglie* et le principe d’incertitude de Heisenberg*, suivant lequel, à l’échelle atomique, les phénomènes ne sont pas indépendants des moyens par lesquels on les observe, le font aboutir en 1928 au « principe de complémentarité* », en lequel il voit l’un des fondements de la nature. Selon lui, les corpuscules en mouvement et les ondes qui leur sont associées représentent les deux aspects complémentaires d’une même réalité, que l’on ne peut observer simultanément. Plus tard, Bohr étendra ces vues à la biologie : nous sommes, suivant ses propres paroles, les spectateurs et les acteurs du réel ; mais, si nous voulons être spectateurs, nous ne pouvons pas participer à l’action, car nous altérerions alors ce que nous désirons observer.


Participation à la physique nucléaire

Cependant, Bohr s’attaque aussi au noyau de l’atome, et, dès 1933, il propose une théorie de la désintégration nucléaire, en assimilant le noyau à une goutte liquide. Au cours d’une visite à Princeton, il applique en 1939 cette conception au phénomène de fission ; il explique ainsi la grande fissibilité de l’uranium 235 et prévoit celle du plutonium 239, que l’on n’a pas encore découvert.

La Seconde Guerre mondiale éclate comme il vient de rentrer à Copenhague, et bientôt son pays est occupé par les Allemands. Bohr vient en aide aux victimes de l’oppression nazie et protège les savants qui se sont réfugiés auprès de lui.

Cependant, le 29 septembre 1943, il apprend qu’il va être arrêté, et, la nuit suivante, un bateau de pêcheur le transporte, avec sa femme, en Suède. De là il gagne l’Angleterre en avion. Puis il passe aux États-Unis et, sous le pseudonyme de Nicholas Baker, il sert de conseil au laboratoire secret de Los Alamos, où s’élabore la bombe atomique.


L’après-guerre

Il rentre au Danemark en 1945 et va demeurer à Carlsberg, résidence attribuée à vie à l’homme de science le plus illustre. Il continue à se consacrer à la physique théorique, notamment à la mécanique ondulatoire et quantique. Il mène aussi une action ardente en faveur de la paix et de la liberté de pensée. Dans une lettre ouverte adressée en 1951 aux Nations unies, il dénonce le danger des armements nucléaires. Il meurt à soixante-dix-sept ans d’une thrombose de l’aorte.

R. T.

 W. Pauli (sous la dir. de), Niels Bohr and the Development of Physics (Oxford, 1955). / S. Rozental (sous la dir. de), Niels Bohr, His Life and Work as Seen by His Friends and Colleagues (Amsterdam, 1968).