Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Birmanie (suite)

La haute Birmanie

La haute Birmanie, cœur historique de la nation, est un bassin déprimé (bassin de Mandalay), mais non une plaine. C’est une région de collines, orientées nord-sud et séparées par de larges vallées. La haute Birmanie est sèche (« Dry Zone ») : les pluies sont peu abondantes, extrêmement irrégulières, très déficientes ou très mal distribuées un an sur trois. La végétation naturelle était une formation ouverte d’épineux, cependant que, par endroits, s’étendent des lacs salés. Les sols sont généralement médiocres, parfois alcalins et érodés ; font exception les sols noirs (tane), lourds, à fort pouvoir de rétention d’eau.

La rizière n’occupe que le tiers environ de la superficie cultivée. La culture du riz n’est possible que grâce à un réseau d’irrigation, aménagé sous les premières dynasties birmanes et modernisé par les Anglais ; encore ne cultive-t-on que le riz hâtif. Les cultures sèches, en champs, sont plus importantes : millets, sésame, pois et haricots, coton, canne à sucre et arachide ; le coton domine sur les terres noires du Centre ; l’arachide sur les sols légers de l’Ouest ; un tiers des champs est laissé en jachère, parfois labouré (pratique de « dry-farming »). Les îles de l’Irrawaddy, enfin, sont cultivées à la décrue, donc en saison sèche, et portent des cultures variées ; ce sont les terres « kaing » (jardins).

La population est dense pour des conditions naturelles difficiles, il y a surpeuplement ; la densité au kilomètre carré cultivé dépasse 350 dans la région de Mandalay. Les paysans exploitent le palmier à sucre ou tirent profit d’un artisanat rural (coton et soie autour d’Amarapura ; tabac, huile). Ils vivent en petits villages, serrés autour du terrain communal, des puits, des monastères. Mandalay (200 000 hab.) est le centre culturel de la Birmanie.

La principale ressource minière est le pétrole ; mais les puits de Chauk, reliés par pipe-line à Syriam, ne fournissent que 900 000 t.


La basse Birmanie

La basse Birmanie comprend deux plaines séparées par les rides du Pegu Yoma, la plaine du Sittang et surtout le delta de l’Irrawaddy. Ce grand triangle de 30 000 km2 est très bas ; un sixième est au-dessous du niveau de la haute marée de mars ; il est donc menacé par les inondations venant de la mer ou de la crue du fleuve. Il n’a pas été aménagé.

Mais les conditions naturelles sont presque idéales pour la riziculture. Celle-ci, pratiquée uniquement en été, suivant le rythme des pluies, est une monoculture commerciale extensive : pas de labour, mais souvent un simple hersage, paddy semé à la volée sans repiquage. C’est une activité récente : au milieu du xixe s., quelques familles isolées vivaient ici de champs sur brûlis (taung-ya) ; en 1940, 3 900 000 hectares étaient cultivés, l’effort pionnier principal ayant eu lieu entre 1870 et 1910. Cette conquête a profité surtout à la grande propriété. En 1939, 3 600 000 hectares étaient, en fait, entre les mains de propriétaires absentéistes, dont beaucoup d’usuriers indiens. Beaucoup de propriétaires indiens sont partis. Surtout, l’ordonnance du 5 avril 1965 a, en fait, réalisé une réforme agraire radicale. « Les locataires, décrète-t-elle, n’ont plus à payer de fermage. »

La basse Birmanie est encore relativement peu peuplée, et sa mise en valeur est inachevée. À l’est du delta est située Rangoon, capitale, plus grande ville et principal port du pays.

La Birmanie est, potentiellement, assez favorisée. Mais elle a beaucoup souffert de la dernière guerre et connaît des troubles intérieurs graves. La Constitution fédérale, quelque peu mise en sommeil d’ailleurs depuis le coup d’État militaire de 1962, n’a pas résolu le problème des minorités de façon satisfaisante. Kachins et Chans sont plus ou moins en dissidence ; les Karens sont en rébellion depuis janvier 1969. Cela sans parler des dissensions entre Birmans eux-mêmes. Tout cela désorganise la production. Par ailleurs, l’économie a été socialisée, mais le système socialiste ne semble pas fonctionner de façon satisfaisante. Transports, industries, mines, commerce extérieur et commerce intérieur ont été nationalisés ; des exploitations collectives de type kolkhoz et des « fermes d’État » ont été constituées. Mais les exportations de riz (1,5 Mt en 1964) n’ont pas retrouvé leur niveau d’avant la guerre ; le teck est le seul autre produit d’exportation notable. Les productions minières sont en pleine crise (300 t d’étain, 15 000 t de zinc, 34 000 t de minerai de plomb).

J. D.


Histoire

L’histoire de la Birmanie est celle d’une réalité complexe et changeante, tantôt chane, tantôt mône, le plus souvent birmane, selon l’hégémonie, ou bien simple cadre géographique de plusieurs royaumes.

La configuration géographique n’est pas propice aux communications d’est en ouest, et la circulation nord-sud est rendue malaisée, hors du couloir central Irrawaddy-Sittang, par les fleuves côtiers extrêmement nombreux d’Arakan et du Tenasserim. D’ailleurs, l’ethnie dominante a toujours situé sa capitale dans la partie centrale : les capitales des Pyus, des premiers siècles de notre ère au viie s., allaient de Halin, près de Shwebo (Chwébô), au nord, à Śrīkṣetra (auj. Hmawza), puis Prome, au sud, en passant par Peikthano (Peiqçanô), près de Taungdwingyi (Taundwin‘ji) ; celles des Môns, dont l’hégémonie rayonna toujours à partir du sud, se situèrent successivement à Thaton (Çatong), golfe de Martaban (Môttema’), puis, beaucoup plus tard, à Pegu (Pégou) ; les Birmans allèrent de Tagaung à Rangoon, au xviiie s., en passant par Pagan, Toungoo (Taungou), Ava, pour revenir finalement à Amarapura, puis à Mandalay (Manda‘lé). Tout le reste du pays constitua un refuge pour les ethnies éprises d’indépendance et pour les fugitifs de toute nature ; la Birmanie est demeurée une mosaïque ethnique dont les éléments parlent des langues différentes.

Il est malaisé de retracer les déplacements de ces ethnies au cours des siècles, encore plus de fixer, même approximativement, la date de leur arrivée, mais l’on peut dessiner les grandes lignes de leur expansion maximale, soit que ces ethnies aient alors exercé une véritable hégémonie, soit que leurs activités en aient fait parler dans les inscriptions lapidaires ou dans les chroniques chinoises, plutôt que birmanes, car ces dernières ne sont dignes de foi que pour une période relativement récente.

Avant l’arrivée des Birmans, plusieurs peuples ont dominé successivement la Birmanie, et plusieurs civilisations s’y épanouirent.