Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

bile (suite)

Physiologie des voies biliaires

Trois éléments entrent en jeu dans la régulation du flux biliaire : a) le débit de bile sécrétée par le foie ; b) la contraction vésiculaire ; c) le tonus du sphincter d’Oddi.

Après une phase de jeûne, il existe un certain équilibre entre ces trois facteurs. La quantité de bile sécrétée est modérée. La vésicule, pleine, est « hors circuit », et le sphincter est en semi-relâchement, permettant à la bile hépatique de traverser le cholédoque sans y séjourner et de se déverser par petites ondées subcontinues dans le duodénum. Au début d’un repas, l’influence du pneumogastrique prédomine, déclenchée par la vue, l’odorat et le goût. Elle entraîne une discrète contraction vésiculaire et une fermeture de l’Oddi, d’où résulte une mise en tension du contenu cholédocien. Puis, quand les premières quantités de chyme gastrique parviennent dans l’intestin grêle, celui-ci sécrète une hormone, la cholécystokinine, qui entraîne la contraction vésiculaire ; le contenu de la vésicule se vide en trente à quatre-vingt-dix minutes selon la nature et l’abondance du repas. Parallèlement, le sphincter d’Oddi se relâche et permet l’écoulement de la bile dans le duodénum. Dans la suite de la digestion, la sécrétion de bile hépatique est maintenue à un degré élevé par l’effet cholérétique des sels biliaires provenant des premières quantités de bile déversées, et qui commencent à être réabsorbés au niveau de l’iléon. Enfin, quand l’intestin grêle se vide, la cholécystokinine cesse d’être sécrétée. Le sphincter d’Oddi se resserre, tandis que le foie, encore stimulé par les sels biliaires réabsorbés, continue de déverser un flux biliaire important : c’est le moment où la vésicule se remplit à contre-courant, cependant que le flux biliaire diminue pour retomber à la phase d’équilibre du jeûne, citée plus haut.

Cette physiologie peut être explorée chez l’homme par le tubage duodénal : la sonde ramène d’abord un peu de bile hépatique claire. On injecte par la sonde soit du sulfate de magnésie, soit de l’huile d’olive ; l’écoulement cesse quelques minutes : c’est le temps de l’« Oddi fermé ». Puis apparaissent un peu de bile cholédocienne et, très vite, la bile vésiculaire, épaisse et foncée, durant vingt à trente minutes. Ensuite, la bile s’éclaircit. C’est de la bile hépatique, claire et fluide.


Exploration radiologique des voies biliaires

1o La radiographie sans préparation. Elle recherche l’image directe de calculs riches en calcium et spontanément opaques ainsi que l’existence d’air dans l’« arbre » biliaire, qui traduirait une communication anormale entre voies biliaires et tube digestif. Cette « aérobilie » est, par contre, habituelle chez un sujet opéré soit d’une anastomose bilio-digestive, soit d’une sphinctérotomie (v. plus loin).
2o La radiographie de la vésicule opacifiée par voie orale (cholécystographie). Elle part du principe que certains produits iodés absorbés par voie digestive sont électivement excrétés par la muqueuse de la paroi vésiculaire et déversés dans la bile, qui s’opacifie, à condition que cette muqueuse soit normale et que la bile n’ait pas d’obstacle à son écoulement. Sur les clichés pris douze heures après absorption du produit, on voit la vésicule et on apprécie sa forme et sa taille. On y décèle parfois des calculs sous forme de taches claires dans la masse vésiculaire opaque. Ensuite, on fait ingérer un repas gras (repas de Boyden), qui provoque la contraction de la vésicule et, par conséquent, l’opacification du cholédoque : on peut suivre le produit jusqu’à son passage dans le duodénum.
3o La radiographie par opacification intraveineuse. Quand la vésicule ne s’opacifie pas par voie orale ou quand le sujet a subi une cholécystectomie, on peut opacifier l’arbre biliaire par voie veineuse (cholangiographie) en utilisant cette fois la captation, puis l’excrétion du produit par la cellule hépatique dans la bile. L’avantage de la cholangiographie est qu’on voit mieux les voies biliaires hautes, y compris la bifurcation intrahépatique ; l’inconvénient est que le contraste radiologique est moins bon et qu’on ne peut généralement pas voir la vésicule, qui ne s’injecte qu’à contre-courant.
4o Enfin, les voies biliaires sont parfois opacifiées lors des interventions chirurgicales.


Maladies des voies biliaires

• Elles sont caractérisées par la fréquence de la lithiase. Les calculs biliaires se forment surtout à l’intérieur de la vésicule biliaire, d’où ils peuvent migrer dans le canal cystique et dans le cholédoque. Mais certains peuvent se constituer à l’intérieur même de la voie biliaire principale, jusque dans le foie.

L’origine des lithiases est très mal connue. On a invoqué successivement les régimes riches, la suralimentation, l’obésité, la sédentarité, l’hypothyroïdie, les grossesses, sans arriver à établir de véritable schéma physiopathologique. Les calculs se rencontrent quatre fois plus chez la femme que chez l’homme et deviennent plus fréquents avec l’âge. Sur le plan chimique, la plupart des calculs ont un centre fait de cholestérol cristallisé pur, entouré de couches variables, dont la plus ou moins grande teneur en calcium répond de leur opacité spontanée ou non aux rayons X. En général, il y a plusieurs calculs. Mais parfois il n’en existe qu’un seul, qui peut atteindre le volume d’un œuf de poule.

Quels sont les troubles engendrés par ces calculs ?
1o Parfois aucun, et la lithiase est alors découverte fortuitement à l’occasion d’une radiographie systématique avant une intervention chirurgicale sur un autre organe.
2o Souvent interviennent des troubles digestifs mineurs : mauvaises digestions, nausées, ballonnements ou douleurs sous-costales de faible densité. Dans ces cas, l’examen peut retrouver une douleur provoquée à la manœuvre de Murphy : l’opérateur maintient une forte pression avec le pouce sur la région sous-hépatique, tandis que le malade fait une forte inspiration. Quand le signe est positif, apparaît une douleur vive qui interdit de poursuivre l’inspiration.
3o Dans les cas typiques, le calcul entraîne la crise de colique hépatique : celle-ci est le reflet d’une dilatation brutale des voies biliaires, et elle correspond souvent à la migration d’un calcul qui se bloque et obture temporairement le canal. C’est une douleur sous-costale droite atroce, qui plie le malade en deux et qui coupe la respiration en remontant vers l’épaule droite. Elle a un fond permanent renforcé de paroxysmes qui lui ont fait donner son nom de colique. Elle dure en général quelques heures ; elle est souvent abrégée par des antispasmodiques, mais peut se reproduire les deux ou trois jours suivants. Il y a quelquefois une petite élévation thermique. Deux incidents sont possibles. Il peut y avoir enclavement d’un calcul dans le canal cystique. Dans ce cas il n’y a pas de jaunisse (ou ictère), car la voie biliaire principale est libre, mais la vésicule ne peut vider son contenu et se dilate sous l’effet de sa propre sécrétion de mucus : c’est l’hydrocholécyste, qui peut soit s’infecter, soit se rompre. Ou bien l’enclavement se produit dans le cholédoque et est responsable d’un ictère par rétention avec jaunisse et passage des pigments biliaires dans les urines, qui deviennent foncées et mousseuses. Si le calcul n’est pas éliminé spontanément, il faudra avoir recours à l’intervention chirurgicale.
4o Même en l’absence de ces signes typiques, la lithiase atteint les parois de la vésicule. La muqueuse s’ulcère, la paroi s’épaissit, se sclérose, s’infiltre d’éléments inflammatoires : c’est la cholécystite chronique lithiasique, responsable fréquemment de douleurs du flanc droit. D’autres complications sont possibles, telle une inflammation aiguë avec suppuration d’une vésicule calculeuse : c’est la cholécystite aiguë avec fièvre, qui se manifeste par un manque de souplesse de la paroi abdominale en regard du foie et souvent par un ictère. Ces accidents aigus peuvent être à l’origine d’une péritonite ou d’un abcès sous-phrénique (sous le diaphragme), ou encore d’une septicémie. Avec ou sans épisode inflammatoire, les lésions d’ulcération de la paroi vésiculaire en regard des gros calculs peuvent aboutir à la perforation de la vésicule. Ou bien cette perforation se produit dans un péritoine libre, et il y a péritonite biliaire, extrêmement grave. Ou bien elle se produit alors que la vésicule est accolée aux organes voisins par des adhérences étroites : elle intéresse alors à la fois la paroi de la vésicule et celle de l’organe voisin, aboutissant à une fistule soit vésiculo-duodénale, soit vésiculo-colique, voire vésiculo-gastrique. Le passage du calcul au travers de cette perforation dans un segment du tube digestif peut être cause d’occlusion : c’est l’iléus biliaire. La stase biliaire et les lésions du sphincter d’Oddi peuvent être à l’origine d’une angiocholite (inflammation des canaux biliaires), mais celle-ci peut aussi survenir dans les suites d’une intervention biliaire s’il y a une communication entre le tube digestif et le cholédoque. C’est une infection ascendante des canaux biliaires, entraînant une fièvre oscillante et des signes généraux et sanguins d’infection sévère. Une septicémie est possible, pouvant entraîner une insuffisance rénale. La lithiase biliaire a aussi une influence néfaste sur le pancréas*, sur lequel peut apparaître une pancréatite. De la même façon, quand des calculs stagnent dans le cholédoque, ils peuvent entraîner, même en l’absence d’ictère franc, des signes de rétention biliaire a minima, qui peuvent aboutir à une cirrhose biliaire. Enfin, la lithiase vésiculaire prédispose indubitablement au cancer de la vésicule. Cette éventualité peut entrer en ligne de compte dans les indications opératoires.