Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

bière (suite)

Grâce à l’eau dont le grain est imbibé, les enzymes vont pouvoir cheminer dans l’orge à partir de l’assise palissadique du scutellum de l’embryon et à partir de l’assise protéique. Les substrats hydrocarbonés et protéiques vont subir des modifications, et en particulier une hydrolyse. À ce niveau du maltage, deux séries de modifications sont particulièrement importantes : tout d’abord l’attaque hydrolytique des parois cellulaires de l’albumen par les β-endoglucanases, qui aboutit à la dislocation de l’amande du grain, devenant ainsi friable (phénomène de désagrégation physique ou mécanique) ; ensuite la simplification des substrats protéiques du grain, et en particulier des protéines de « réserve » (prolamines), qui libérera une forte quantité d’acides aminés, nécessaires plus tard à la nutrition de la levure (désagrégation azotée).

En fait, le malteur est obligé de contrôler la germination de l’orge afin de limiter les freintes engendrées par la respiration de l’embryon, la conservation des substrats (en particulier perte de 5 p. 100 d’amidon) et la production de radicelles. Toute la science et tout l’art de malter consistent donc à rendre l’orge très friable, riche en enzymes et en substrats dégradés, avec, cependant, une freinte le plus réduite possible (de 7 à 10 p. 100 de la matière sèche de l’orge).

La germination dure de six à huit jours à une température moyenne de 12 à 15 °C dans la couche de malt, et, là encore, le malteur recherche d’abord l’homogénéité dans son travail.

Le matériel qui permet de conduire la germination du malt a évolué au cours des temps. Le grain était réparti autrefois sur des aires (maltage sur aire), puis il fut traité dans des tambours rotatifs (tambours Galland) ou dans des cases à fonds perforés (cases Saladin — germination pneumatique).

Nous nous attacherons à l’étude du dernier système, le plus répandu de nos jours.

Un germoir est une salle contenant la ou les cases de germination (huit au plus, soit une par jour de germination). Une case permet de traiter de 20 à 120 t d’orge brute, selon ses dimensions. Elle comprend entre deux murs bas un faux fond perforé qui supporte une charge d’environ 300 kg d’orge au mètre carré sur une hauteur de 70 à 100 cm ; ce faux fond est à 40-60 cm du fond, et l’espace fond-faux fond permet l’arrivée ou la sortie de l’air de ventilation, selon le sens de la ventilation. En effet, le malteur doit ventiler la couche en continu ou en discontinu de façon à maîtriser la température de germination, à évacuer les calories et le gaz carbonique produits, et à apporter la vapeur nécessaire à l’entretien de l’humidité du grain, indispensable pour une bonne désagrégation.

Pour cela, la case est équipée d’un ventilateur centrifuge et d’un humidificateur qui refroidit l’air et le sature en humidité.

Beaucoup d’installations sont nanties maintenant d’un équipement frigorifique permettant de refroidir soit l’eau de l’humidificateur, soit l’air directement.

On dispose enfin, dans la case, d’un retourneur à hélices d’Archimède, qui, en avançant dans la couche, allège celle-ci, évite le feutrage des radicelles et contrarie leur développement.

À la fin de la germination, le malt « vert » est tendre à l’ongle et s’écrase entre les doigts ; il est parfaitement désagrégé. Au moyen d’un déblayeur de case, de tapis roulants et d’élévateurs à godets, il est acheminé vers la touraille.

• Le touraillage. C’est la dernière opération importante du maltage, qui consiste à sécher profondément le malt en amenant son humidité vers 4 p. 100 et à lui conférer un arôme et une couleur spécifiques selon le type de malt désiré (malt pâle, malt Vienne, malt Munich, malt caramel, etc.).

Un touraillage comprend deux stades : d’abord le séchage vers 60 °C, qui peut durer seize heures dans une touraille simple à un plateau (touraille Winkler) ; puis le « coup de feu » à 85 °C environ, qui dure de quatre à cinq heures. Le séchage arrête la germination et la désagrégation par départ de l’eau, véhicule des métabolites, et le coup de feu permet de finir le séchage et d’aromatiser le malt par formation de mélanoïdines (combinaisons des acides aminés avec les oses).

Une touraille est en général une tour où l’on trouve, de bas en haut, le foyer, puis un local d’échange chaleur-air appelé « chambre de chaleur », un ou deux plateaux qui supporteront le malt vert à sécher, une cheminée d’évacuation de l’air ; un gros ventilateur souffle ou aspire l’air à travers la chambre de chaleur, puis la couche de malt.

Le chauffage de l’air se fait directement par passage sur le foyer (coke, fuel) ou indirectement au moyen d’un calorifère. Le débit d’air nécessaire est important.

Dans une touraille à deux plateaux, il existe un retourneur, qui homogénéise la couche sur le plateau supérieur, où le malt sèche, et un pelleteur de malt sec au plateau inférieur. La couche de malt est peu épaisse sur une touraille à deux plateaux (de 30 à 70 cm), tandis que, sur le plateau d’une touraille Winkler, la couche peut atteindre de 1 m à 1,20 m. En général, il n’y a pas de retourneur sur une touraille à un plateau.

Après le touraillage, le malt sec touraillé passe sur une dégermeuse qui arrache les radicelles, aspire les poussières et refroidit le malt, qui est enfin stocké en silo.

• Contrôle de la qualité du malt. Le malt étant la matière première essentielle dans la fabrication de la bière, sa qualité est contrôlée soigneusement en laboratoire. On y teste le niveau de la désagrégation et on effectue différentes analyses conventionnelles (extrait, couleur, différence fine et grosse mouture, indice Hartong, indice Kolbach, pouvoir diastasique, etc.).

• Autres systèmes de maltage. Il faut signaler l’installation de la malterie de Toronto (Canada) : l’orge en germination et en touraillage est transportée sur un tapis métallique animé d’un mouvement lent, sur lequel elle est traitée. Un autre type de malterie continue (malterie Saturne) se caractérise par une chaîne circulaire de maltage autour de l’emplacement des silos.

Les Anglais ont mis au point un système de maltage (le resteeping) où le malt est trempé deux fois, afin de tuer l’embryon après un premier développement et de limiter la freinte et la durée de germination (5 jours).

• Malts spéciaux. On utilise des malts spéciaux en brasserie, en particulier pour aromatiser la bière et fabriquer des bières brunes ou des stouts (malt caramel, malt torréfié). Cette fabrication est très délicate.