Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

biens nationaux (suite)

Ayant compris leur méprise, ils se coalisèrent dans une même commune pour acheter un bien qu’ils divisèrent ensuite. « Les associations de tous ou de partie d’une commune pour acheter les biens mis en vente et faire ensuite la répartition ou la division entre les dits habitants » fut interdite par la Convention, le 24 avril 1793. Par contre, de ville à ville, les notables continuèrent à s’unir pour tenir en échec les paysans pauvres. Ils profitèrent aussi de la spéculation sur l’assignat et de sa dépréciation, quand celui-ci fut devenu papier-monnaie, pour acquérir terres et immeubles à bon compte.

La nécessité où les Montagnards se trouvèrent de chercher l’appui des sans-culottes se traduisit par des mesures favorables aux pauvres. Certaines furent destinées à soulager la paysannerie dans la misère. Ainsi, le lotissement préalable des biens fut autorisé, et une portion fut réservée parmi les biens de seconde origine : elle fut directement distribuée aux pauvres. Mais l’application fut malaisée.

La vente des biens nationaux se poursuivit à l’époque consulaire et impériale ; on estime à 40 000 les achats effectués à cette époque. Mais, de 1802 à 1815, deux changements par rapport à la période révolutionnaire sont à souligner. Le concordat passé avec Rome enleva l’inquiétude que l’achat de ces biens produisait chez beaucoup de chrétiens. D’autre part, les biens nationaux qui restaient étaient des terres sans grande valeur, et ce furent les paysans pauvres qui s’en rendirent pour cela acquéreurs.

Les conséquences sociales de ce vaste transfert de terres sont capitales pour la compréhension de l’histoire de la France du xixe s. Ceux qui possédaient déjà un lot de terres important consolidèrent leur propriété ; ce furent avant tout les bourgeois. Ainsi, dans le nord de la France, leur propriété passa de 16 à 28 p. 100 de l’ensemble entre 1789 et 1802. À ces propriétaires bourgeois, qui considéraient les placements fonciers comme source de prestige et de sécurité, il faut joindre aussi les nobles. Si beaucoup perdirent comme émigrés leurs biens, d’autres les conservèrent, bénéficiant parfois de la levée du séquestre ordonnée par Napoléon. Leur propriété était juridiquement la même que celle du bourgeois. La sensibilité née en émigration les poussa à s’attacher à leurs terres et à les mieux mettre en valeur : une fois disparues les rancœurs, ce fut un facteur de rapprochement avec la bourgeoisie. Dans la communauté rurale, les antagonismes qui existaient avant 1789 entre « coq de village », ménagers ou manouvriers s’accentuèrent : le riche cultivateur profita de la vente des biens nationaux et élargit le fossé qui le séparait des pauvres.

Ces derniers formaient une masse de main-d’œuvre pour une agriculture de type capitaliste, c’est-à-dire travaillant pour un vaste marché. La vente des biens nationaux eut d’importantes répercussions dans l’industrie. Beaucoup de manufacturiers trouvèrent à louer ou à acheter à bon compte des surfaces ou des immeubles vastes dont ils avaient besoin pour leur industrie (dans les textiles, par exemple, pour le blanchiment des toiles). Ils purent ainsi conserver une partie de leur capital et parfois l’investir dans l’achat de machines. Toutefois, la vente des biens nationaux produisit plus d’inconvénients que d’avantages pour l’industrie : des capitaux furent gelés dans l’achat de terres.

La vente eut aussi des résonances politiques et morales. Elle s’accompagna, en effet, d’une réorganisation par l’État du clergé séculier de France : la Constitution civile du clergé. Celle-ci fut condamnée par le pape. Alors que certains de ses membres participaient à l’esprit de réforme politique du siècle, cette condamnation rejeta la masse du clergé dans la Contre-Révolution. Parmi les laïques, la vente renforça l’attachement à un régime qui, en donnant la liberté et l’égalité, avait aussi satisfait l’appétit de terres.

J.-P. B.

 G. Lefebvre, les Paysans du Nord pendant la Révolution française (Marquant, Lille, 1924 ; nouv. éd., Bari, 1959) ; « les Recherches relatives à la vente des biens nationaux », dans Études sur la Révolution française (P. U. F., 1954) ; Questions agraires au temps de la Terreur (P. U. F., 1955).

bière

Boisson obtenue par fermentation du sucre de l’orge germée sous l’action de la levure de bière et parfumée avec du houblon.



Historique

Il est fait mention d’une boisson fermentée à base de céréales dans les tablettes mésopotamiennes et dans les œuvres d’artistes égyptiens du temps des pharaons.

Les Celtes fabriquèrent la cervoise, liquide fermenté obtenu surtout à partir d’orge, mais aussi de seigle et d’avoine. La cervoise était plus alcoolisée que nos bières modernes. Elle était aromatisée par des plantes amères (gentiane, coriandre, absinthe). Au Moyen Âge, elle était fabriquée dans les familles et dans les monastères (bière des moines). De très nombreuses brasseries artisanales se créèrent à la fin du xe s.

L’emploi du houblon, qui confère à la bière son amertume caractéristique, apparut dès la fin du xive s. et se généralisa au xve s. Les brasseries étaient alors nombreuses en Artois, en Flandre, en Picardie, en Alsace et à Paris.

L’évolution industrielle commença au xixe s. et conduisit à améliorer les techniques de fabrication (en particulier grâce à l’apparition de la fermentation basse dans des caves refroidies artificiellement). En 1876, les travaux de Pasteur sur la bière mirent en évidence les micro-organismes qui pouvaient altérer le goût de la bière et donnèrent au brasseur les moyens de lutte au cours de la fabrication. De gros progrès purent alors être réalisés en faveur de la qualité de la bière.

En 1947, les brasseurs européens créèrent, sous l’impulsion de Ph. Kreiss, une association de recherche technique et scientifique, l’European Brewery Convention (EBC). Une organisation similaire existe en Amérique.