Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Besançon (suite)

Comme ailleurs en Occident, la commune se libéra petit à petit du joug archiépiscopal, cependant que la singularité de la situation politique s’affirmait : ville d’Empire, ville libre, Besançon était en un sens étrangère à la province qu’elle dominait spirituellement. La richesse matérielle tenait en partie aux vignobles qui prospéraient sur les pentes bien exposées tout autour de la cité.

Le paysage urbain doit pourtant peu à la période du Moyen Âge. Il s’est fixé plus tardivement au cours des deux périodes où la ville connut le plus vif éclat.

Le xvie siècle est une période heureuse, où l’activité économique est grande, et où la ville bénéficie de la faveur politique. Dès cette époque s’affirment certains traits caractéristiques du paysage urbain actuel : les hauts toits de petites tuiles brunes, le bel appareillage de pierres ocres et bleues, la sévérité du décor, sa noblesse aussi.

Besançon, bien protégée, échappa aux entreprises des Suédois qui ruinèrent en deux hivers la Comté durant la guerre de Dix Ans (la guerre de Trente Ans des autres régions françaises), mais la première moitié du xviie s. est une période dure, où la ville se replie sur elle-même et cesse de croître.

La période qui suit l’annexion compte beaucoup plus dans l’histoire et dans le paysage. Vauban fait entreprendre de grands travaux militaires ; la population augmente ; elle s’enfle d’une garnison importante, de tous ceux qu’attirent les nouvelles fonctions de la ville, devenue capitale provinciale à la place de Dole. L’université s’installe. La cité, de bourgeoise, devient aristocratique, comme en témoignent les hôtels qui achèvent de donner à la Grande-Rue son unité de style, ou qui disputent aux militaires les terres conventuelles qui s’étendaient jusque-là de part et d’autre.

La Révolution priva la ville d’une partie de son rôle politique, le xixe s. la servit mal, les chemins de fer la négligèrent. La population se maintint, puis s’accrut cependant grâce à l’horlogerie, artisanat plus qu’industrie, qui se logea dans les quartiers du xviiie s. sans les enlaidir, et permit la sauvegarde de l’ensemble architectural.

La croissance hors de l’enceinte de Vauban, d’abord lente et limitée au quartier de la gare, s’accéléra entre les deux guerres mondiales, et colonisa la zone aux chemins étroits et aux parcelles menues de l’ancien vignoble et des résidences d’été des bonnes familles bisontines.


La ville actuelle

Depuis vingt-cinq ans, la situation a changé : l’agglomération est passée de 75 000 à 132 000 habitants. La vieille ville se transforme de plus en plus en centre commercial et administratif ; de nouveaux quartiers, allongés du nord-est au sud-ouest sur une dizaine de kilomètres, sur le bas plateau qui domine le Doubs, logent dans de grands ensembles sans goût, dans une ville satellite et dans des zones disparates tout le croît de population.

Une politique hardie de construction, menée dès le début des années 1950, a favorisé la poussée industrielle. On a peine à croire, devant ce paysage sans grands ateliers, sans cheminées d’usines, que Besançon soit une des villes les plus ouvrières de France. L’horlogerie (Lip et Kelton notamment) se maintient, cependant que la mécanique de précision qu’elle a suscitée se développe rapidement. Le textile, né ici d’un hasard (le comte de Chardonnet était bisontin), a pris un nouveau départ depuis que la grande usine Rhodiaceta, au pied de la citadelle, prépare une bonne part des fils synthétiques français. La confection (Weil) a plus d’un siècle de tradition. La zone industrielle de Trépillot donne une idée du dynamisme des petites et moyennes entreprises régionales. Mais la croissance récente doit aussi beaucoup au raffermissement des activités administratives (la ville retrouve un rôle régional), au rayonnement de certains équipements commerciaux, au renouveau de l’université.

Besançon joue un rôle un peu disproportionné à sa population et à la modestie de certains de ses équipements supérieurs. La ville le doit à son authentique cachet d’urbanité, à ce qu’elle a une âme, discrète peut-être, mais qui explique son rayonnement. Le Bisontin aime sa ville et sait que la visite en est passionnante : elle doit mener aux points de vue qui, de Chaudanne, de Brégille, de la Chapelle-des-Buis, de Montfaucon, permettent de découvrir le paysage urbain sous ses divers angles ; elle ne saurait se faire sans une promenade sur les remparts de la citadelle, qui abrite par ailleurs un remarquable musée du folklore comtois ; elle suppose une longue flânerie le long de la Grande-Rue, de la rue des Granges, à Battant, pour repérer les vieux hôtels, admirer leurs fenêtres, leurs fers forgés ventrus.

Besançon offre ainsi un mélange assez rare en France de paysage et d’atmosphère profondément urbains dans le cadre d’une ville moyenne. C’est ce qui fait son charme, explique aussi le succès des manifestations qui la font connaître, comme le festival de musique.

P. C.

 M. Piquard, Besançon (Arthaud, 1950). / J. Cousin, l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Besançon. Deux cents ans de vie comtoise (J. Ledoux, Besançon, 1954). / Trésors des musées de province (Éd. de la Revue Française, 1958-1964 ; 5 vol.). / L. Lerat et C. Fohlen, Histoire de Besançon (Nouv. Libr. de France, 1965-66 ; 3 vol.). / R. Tournier, la Cathédrale de Besançon (Laurens, 1968) ; Maisons et hôtels privés du xviiie s. à Besançon (Les Belles Lettres, 1970).


Besançon, ville d’art

La ville est ruinée par les invasions du haut Moyen Âge, mais lorsqu’elle revivra, au xie s., sous l’impulsion d’un évêque intelligent et énergique, Hugues de Salins, ce sera pour vivre pendant six siècles une vie indépendante. À l’écart de la Franche-Comté*, dont elle deviendra tardivement la capitale — ni « bourguignonne » ni « espagnole » —, Besançon restera ville épiscopale et ville d’Empire, comme Bâle ou Strasbourg : après de longs démêlés avec leurs évêques, les bourgeois « communiers » obtenaient de Rodolphe de Habsbourg, en 1290, la « confirmation » d’une charte imaginaire qui consacrait leur autonomie.